La convalescence de l'observateur

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Après avoir survécu au naufrage de son bateau, Domenico Scribus a été recueilli par une danoise dont il a réussi à comprendre le nom : Annelise. Il ne sait pas comment elle a fait, mais elle a réussi à l’emmener chez elle et il dort dans un grand lit collé à une immense fenêtre. Immobilisé par un énorme cataplasme qu’elle a enduit sur son corps, il cherche à reprendre des forces, à retrouver ses souvenirs. Epuisé par ce qu’il a subi, son seul loisir, en dehors des fréquents passages de sa bienfaitrice, est de regarder par cette fenêtre dont il apprécie la proximité.

Il se réveille ce matin-là au bruit des mouettes qui crient leur joie d’être libres et de voler au gré du vent. Il a l’impression qu’elles se chamaillent, qu’elles se disputent… Pour un poisson ? Des miettes de pain ? Il ne peut le voir, mais il parvient à les observer dans le ciel gris, au milieu des nuages que le vent pousse vers l’intérieur des terres. Domenico suit des yeux le vol de l’une d’entre elles. Le vent est si fort qu’il a l’impression qu’elle lutte juste pour faire du surplace. Comme l’oiseau qu’il a aperçu quand il est monté dans le bateau qui a sombré ! Un souvenir surgit à la vision de ce volatile immobile dans le ciel. Il est entravé, bousculé par un groupe de personnages tous plus rustres les uns que les autres. Ils veulent l’emmener quelque part, mais il ne parvient pas à éclaircir ce point dans sa mémoire embrumée.

Annelise entre à ce moment-là. Elle lui ramène une omelette et un morceau de pain avec du fromage. Elle lui parle… Mais il ne comprend rien à ce qu’elle raconte. Ses mots ont cependant le don de le rassurer, de le réconforter. Elle le soigne autant par la douceur de sa voix que par les soins qu’elle lui prodigue au quotidien. Elle l’aide à se redresser dans son lit, en l’appuyant contre des oreillers. Il hume son odeur et aimerait tant que ses bras soient plus libres afin de pouvoir la serrer contre lui. Elle ressort cependant dans un tourbillon de mots et de gestes attentionnés.

De sa nouvelle position, il peut observer plus de choses par la fenêtre. En dessous du ciel gris, un paysage magnifique se dévoile sous ses yeux. Il voit d’abord un chêne splendide. Au vu de la grosseur du tronc, Domenico se dit qu’il doit avoir plusieurs centaines d’années. Qu’est-ce qu’il pourrait être agréable de pouvoir s’installer à l’ombre de ce chêne afin de lire, bercé par le bruit des vagues qu’il entend de manière atténuée depuis sa chambre.

L’Italien ferme les yeux pour profiter de ce bruit incessant, lancinant, réconfortant. Toujours les vagues reviennent… Le bruit réveille un autre de ses souvenirs… Dans le navire où il a été enfermé, il entendait aussi ce bruit… Et par-dessus, il se remémore être parvenu à distinguer les voix des matelots qui évoquaient son avenir… On voulait l’emmener en Angleterre ! Un duc avait l’intention de le convaincre de se joindre à leur cause pour comploter contre le Pape !

Ce moment de calme et d’introspection fait du bien à Domenico qui retrouve peu à peu la mémoire. Il se déplace un peu dans son lit, grimaçant sous la douleur, afin d’observer son environnement. Il colle son front contre le verre froid et voit la buée qui recouvre la vitre, preuve que son souffle chaud est toujours là, qu’il est toujours en vie. Il se rend compte de la chance qu’il a d’avoir survécu au naufrage alors que les marins l’ont abandonné à son sort après l’avoir attaché au mat.

Quand la condensation se dissipe un peu, il aperçoit, comme sortie d’un rêve, Annelise en train de jardiner non loin du chêne majestueux. Elle porte une robe simple, d’un bleu clair que l’Italien ne retrouve pas dans le paysage qu’il admire depuis son lit de convalescent. Etre à distance, derrière cette fenêtre, lui donne un sentiment d’observateur qu’il apprécie. Il s'invente les pensées de la jeune femme. Il rit tout seul car il l’imagine parler en danois (« isdke jog damen karl » ou d’autres sonorités un peu gutturales comme ça) avant de reprendre le cours de ses pensées. Elle a l’air de vivre seule dans cette grande maison dont le jardin donne directement sur la plage. Il scrute les traits de la jeune femme et parvient, même à cette distance, à y décerner les traces d’une vie marquée par les épreuves. Elle a l’air de porter en elle une profonde tristesse. Ses yeux délavés se portent souvent sur l’horizon et elle ne se préoccupe même pas d’enlever les mèches qui se retrouvent sur ses yeux sous l’effet du vent marin. Domenico, depuis son observatoire, se sent plein de compassion. Il se promet de questionner son hôte et d’essayer de lui venir en aide. Elle lui a sauvé la vie et il veut lui prouver sa reconnaissance.

Quand la jeune danoise se retourne vers lui, un sourire éclaire son visage et elle lui fait un petit signe de la main. Domenico se demande s’il n’est pas en train de tomber amoureux ou si c’est encore son anneau magique qui lui glisse des idées sulfureuses. Avec effort, il soulève son bras toujours endolori pour répondre au signe.

La convalescence de l’enquêteur italien s’annonce réparatrice et nul ne doute qu’il saura profiter de la présence de sa jolie bienfaitrice pour s’assurer un retour en pleine forme pour de nouvelles aventures !

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