Angoisse

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"Le pire dans la vie c'est pas qu'il t'arrive quelque chose c'est qu'il t'arrive rien"

La musique tonnait dans ses oreilles, son cœur en suivait le tempo, sursautait douloureusement à chaque fois que la voix du rappeur déchirait l'accompagnement musical. Elle tentait de sombrer dans le sommeil, lovée dans un cocon de fatigue. Mais son esprit ne s'apaisait pas. Même avec les basses qui vrillaient ses tympans, la voix rauque du rappeur qui d'habitude la berçait, les étoiles qu'elle distinguait depuis sa fenêtre ouverte, ses yeux continuaient de se repaître de l'ambiance ténébreuse. 

Ce soir, tout tourbillonnait en elle, à la manière d'un maelström de pensées sans fin.

"On part seulement pour mieux renaître"

La peur l'attaqua violemment, elle étreignit ses tempes sans pitié, ses yeux la piquèrent. Le visage de Chris dansa derrière ses paupières closes, sa gorge la brûla lorsqu'elle se sentit basculer au bord du gouffre. La silhouette menaçante de son angoisse se tenait dans l'ombre, l'observait sans un bruit, prête à la cueillir au moindre signe de faiblesse. Elle lutta contre le spectre, retint ses larmes, la gorge en feu.

"On part pour renaître"

"J'ai l'amour pour remède"

Son cœur explosa, l'onde de choc se répercuta contre ses côtes, un sanglot lacéra sa gorge.

Elle la distinguait dans ses moindres détails : ses traits qu'elle connaissait par cœur qui s'altéraient, ses cheveux qui blanchissaient toujours plus, sa perte de poids... Et la mort, ce mot atroce qui assombrissait son cœur depuis quelque temps. Depuis qu'elle voyait ses parents vieillir.

L'angoisse l'embrassa.

Et elle s'effondra dans une averse de sanglots amers. Elle étouffait dans l'atmosphère alourdie par ses larmes. Elle avait chaud, comme si son corps s'embrasait de douleur, d'angoisse, de peur. Il lui fallait de l'air, ses poumons ne se déployaient plus, un poids infini entravait sa poitrine.

Et au milieu de ce chaos, alors que de puissants acouphènes déchiraient ses tympans, elle hurlait. Elle expulsait sa souffrance, la crachant avec toute sa puissance vocale, l'évacuait de son organisme dans un souffle torturé. L'angoisse lui étreignait le cœur, implacable, et son visage se déformait en une grimace qu'elle savait affreuse, mêlant désespoir et peur sur ses traits baignés de larmes.

Un univers d'ombres peuplait la maison vide, la menaçait. Elle craignait de craquer, de s'enfoncer dans le gouffre à n'en jamais plus s'échapper. Alors, elle quitta son lit bouillant, enfila un pull et sortit dans son jardin. 

Aussitôt, l'air frais de la nuit s'immisça dans ses poumons recroquevillés. La lune, éthérée, la nimbait d'une nitescence blafarde, une lueur glacée qui l'enrobait de douceur. Ses larmes s'estompèrent. Elle sortit dans la rue, fit quelques pas sur la route déserte, ses yeux transperçant le ciel étoilé. Les perles argentées se distinguaient à peine, à cause de la lumière très blanche de la lune, on aurait dit des larmes qui s'estompaient sur un pull. Pas de Voie lactée ce soir, seulement un paysage illuminé comme en plein jour.Sa peau se confondait avec les ombres, elle se fondait dans le décor.

Moyana ne s'était jamais sentie aussi à sa place dans le monde qu'en cet instant. Elle ne s'était jamais sentie si seule, pourtant. Mais elle était bien, en compagnie des étoiles, dans le noir total et craignant qu'un voisin ne sorte et vienne interrompre son moment de quiétude. Elle avait besoin de se retrouver, de se rassurer elle-même, car elle réalisait qu'elle ne pouvait compter sur personne d'autre. Elle était coincée dans ce corps, dans cette vie, et elle était sa seule compagnie. Si elle n'apprenait pas à s'en sortir seule, elle ne pouvait imposer aux autres d'être son pilier. L'amour était une béquille, rien de plus.

La respiration de nouveau calme, elle leva les yeux vers le ciel et traça les constellations. Cela lui rappelait sa mère, Christine. La crise était passée.

Mais elle n'oubliait pas qu'elle devait profiter du temps qui lui était donné.

Musique citée : Ciel Noir, Nekfeu

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