Par un soir bleuté

4 minutes de lecture

Nous nous sommes retrouvés hier sur la place de la République qui grouillait de monde, non masqués… J’ai fait le tour de la place avec ma robe rose, la boule au ventre. Il m’a attrapée par derrière en m’interpellant par mon prénom. Je me souviens du timbre assuré et aigu de sa voix. La brise de ce soir d’été pourtant gris et lourd, rempli de monde, de clameur, de foule, sous une voute nuageuse et un souffle de vent qui venait de se lever.

L’hôtel dans lequel nous devions nous rencontrer était fermé, et la boule a grossi dans mon cœur. J’ai senti dans son regard qu’il était comment dire ? En position de supériorité ? Dominant ? Comment il se tenait droit et le regard sous-entendu, j’étais tendue. Je ne me comprendrai jamais. Je n’aime pas quand la partie est déjà gagnée, et je n’aime pas non plus ce sentiment d’être prise de haut, alors qu’il est petit de taille ! D’un coup je le trouvais beau… Je lui jetais des regards un peu désemparés, qui lui plaisaient car il bombait son torse.

Nous avons marché quelques instants en silence, au cœur des rues bondées. Il m’a ensuite proposé un café pour nous poser, mais je ne voulais pas me mettre dans la rue. Nous nous sommes retrouvés dans un square, au milieu de clochards saouls alors que j’avais ma belle robe… D’un geste galant il a épousseté le banc avant que je ne m’assoie, et avant de s’asseoir à son tour. Je l’ai regardé de près, il était toujours bien rasé, blanc de peau, mais ses yeux ne me semblaient plus bleus mais verts, sous des sourcils clairsemés. Je n’osais pas me redresser sur le banc car du fait de sa petite taille, ça induisait que je le dépasse.

Je me retrouvais courbée, parfois me redressant. Je n’étais pas gênée qu’il ne me regarde, et nous nous sommes enfoncés dans la conversation, nous amusant à aller dans la philosophie de manière appuyée. J’aimais argumenter avec lui, sa répartie était acerbe, sure de lui, bien que la mienne n’était pas pauvre non plus. Pourtant, je sentais bien que nos idées divergeaient. Il prônait un hédonisme qui me gênait, et une aisance à toutes sortes de sujets qui m’effrayait, comme s’il se sentait supérieur à toute forme d’influences. Il se permettait de juger ceux qui lui avaient appris et cela m'angoissait

Des fois je sentais qu’il riait, comme s’il voulait se poser en position de supériorité. Pourtant, d’autres fois, je sentais que je l’avais bien défié, car il s’empressait de répondre, de trouver des arguments, et j’étais désolée de lui présenter d’autres. Une fois il me dit clairement que j’avais tort alors que je vérifiai ensuite, j’avais raison.

Il m’attirait, avec sa démarche sure de lui, sa manière de me toiser avec ses yeux mi-figue mi-raisin, comme s’il voulait à la fois se moquer de moi mais en même temps m’attirer, avec sa galanterie brusque quand il m’a acheté le coca, le prendre d’un air autoritaire et me le payer ensuite me le rendre, et moi qui le laisse faire.

Avec son profil intéressant, blond, sa coupe perchée en oblique. Quand il choisit un banc avec soin, et que je le suivis, je sentais qu’il aimait, avec ce regard qu’il me réservait diriger et présenter ses idées avec cette assurance trop prononcée.

Il m’attirait d’un coup avec sa voix aigue alors qu’au début elle m’avait surprise, avec son parler autoritaire et calme alors qu’en même temps il m’effrayait. Avec sa petite taille alors que j’abhorrais les garçons petits. Avec l’odeur corporelle qu’il dégageait alors que j’en avais eu tellement peur. Avec son regard en biais qui me figeait. Avec son air impassible d’occidental alors qu’à ce moment, j’étais sure de lui plaire.

Il me faisait penser au slave que ses origines impliquaient en lui. Petit, blond, blanc, les yeux clairs, le regard assuré, légèrement machiste sans se le cacher. Pourtant il me présentait ses débat, ses sujets, et appréciait la répartie. Je testais l’effet inratable du « tu as raison » et je vis une légère étincelle s’allumer dans ses yeux. Comme maitrise des émotions, il était décidément trop fort.

Nous avons marché vers Richard Lenoir, les cafés pleins, et les squares peuplés d’ivrognes qui achevaient une journée de travail, et levant les yeux sur moi alors que j’étais mal à l’aise, et en même temps pas peu fière de marcher à coté de lui. Il me parlait de ses rythmes de lever tard et cela m’abhorrait. Il présentait avec calme les tenants de sa théorie de ne pas trop s’imposer, avec un si grand calme que d’un coup avec mes rythmes de businesswoman j’avais peur de passer vieux jeu à coté de lui. Et quand je voulais m’interposer à certaines choses qui m’effrayaient dans sa manière de penser, il rit en me répliquant

« T’inquiète, vas-y, j’ai l’habitude

-L’habitude de quoi ?

-L’habitude de froisser par ce que je dis

Et de ponctuer sa phrase spectaculaire d’un clin d’œil magistral.

Et pourtant je me plaisais de mon coté à trouver des arguments contrer sa pensée, et surpris, il me regardait répondre. Pour ne pas le brusquer, je le noyais dans un déluge de phrases d’excuses. Nous sommes arrivés jusqu’à la place de la Bastille. Il mettait sa main dans sa poche, en me regardant de coté, et je savais qu’il était du coté du profil que je préférais.

Et, c’est vrai que quand nous nous sommes quittés, j’avais un arrière gout de départ, comme si j’avais voulu rester encore avec lui. Je lui ai dit merci, et lui ai souhaité de bien rentrer. Je savais qu’il me regardait de dos alors que je passais la barrière du métro alors je ne me suis pas retournée.

Je me suis retrouvée dans le métro, sous un effet contradictoire, comme un aimant à la fois attirant et repoussant de toutes ses forces.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Papillon blanc ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0