Par un vendredi après midi

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Vendredi matin. Classe de CM2, murs roses, fenêtres ouvertes sur la voûte d'un orage qui s'apprête à tonner.

J'ai la tête qui tourne légèrement suite à ma soirée tardive de la veille, ce type de soirée où vous entendez tout autour de vous "Bientôt à ton mariage ! Cette année !", un mariage justement, un beau mariage, d'une amie proche, ce genre de fête où on a les larmes aux yeux et où l'on ne sait plus où donner la tête.

Une pluie de souhaits vous accompagne à chaque rencontre, chaque bise, chaque retrouvaille, et dans les pupilles vous voyez refléter votre visage avec sur votre front l'étiquette "fille à marier", et oui, comme un joli papillon blanc qui n'attend qu'à être casé.

"Maitresse, j'ai fini de recopier du tableau!

-Dès que vous aurez tous fini, vous pouvez fermer vos livres et prendre votre goûter. Ca va sonner dans moins d'une minute."

Les charmantes têtes blondes s'agitent soudain en barvadages sourds, bruits diffus, de papiers que l'on froisse, d'affaires que l'on range en hâte, et le gong laisse leur frénésie s'échapper allègrement, leur ôtant la petite retenue qui leur restait.

Comme toujours, il me faut tirer mes CM2 vers la récréation.

"Allez, on y va! Remettez vos chaises en place avant de sortir, et pourquoi y a-t-il des papiers parterre là bas? Oh tu as une jolie robe Naomi! Tu vas avoir froid, Déborah, tu vas avoir froid sans manteau!"

Comme d'habitude, c'est le moment où ils veulent taper un brin de causette avec moi.

"Maitresse, vous étiez hier à la fête du lac? Ma mère vous a vue! Maitresse, ma soeur a le même haut que vous!"

Mon troupeau désordonné enfin prêt, je les mène vers l'escalier, en saluant mes collègues, la surveillante, et la secrétaire qui est sortie de son bureau comme d'habitude pour réprimander les élèves qui descendent trop bruyamment les escaliers.

J'ai encore oublié de fermer la porte de la classe. Je sais que j'ai la tête ailleurs. Quand je retrouve la classe éteinte et vide, je me sens bizarre. Je m'étonne de ne pas y penser plus que ça, à ce rendez-vous de tout à l'heure. Je me lève pour aérer la classe. Limite, j'étais plus nerveuse que ça, la semaine dernière, lors de l'entretien d'embauche pour mon stage. Commencerais-je à y être habituée? Est-ce devenu une routine? Pourtant, je ne l'ai toujours pas trouvé, le bon. Je n'ai même pas besoin de me dire "no stress! On y va pour voir...", mon coeur est vide comme une mer calme un jour d'été...

J'ai encore à l'esprit tous ces visages d'hier soir, tous ces compliments qui n'ont fait que cacher cette question invisible qu'ils se posent tous. Et pas même un petit noeud au fond de moi.

La bourrasque qui déclenche enfin la pluie m'interpelle à retardement. Je me lève en hâte pour fermer la fenêtre.

"En fait, on va juste jouer le jeu... On verra bien. Tranquillement"

Je sors de la classe en la fermant à clé cette fois ci. Je vais juste me faire un café avant de descendre chercher les élèves. J'ai la flemme de leur enseigner quelque chose de compliqué jusqu'à midi. On fera un texte de la brochure avec les exercices, et si tout le monde est sage, un petit quart d'heure de danse avant la fin du cours! Et oui, ce n'est pas tous les ans qu'ils ont une maitresse de vingt ans...

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