C’est une magnifique journée ensoleillée. A l’apogée du printemps, la nature n’a jamais été aussi belle. L’étendue d’herbe verte et fraiche est parsemée de primevères. Quelques violettes pointent çà et là le bout de leur nez. Un chœur de mésanges entonne, non loin, un hymne joyeux et glorieux, une ode au renouveau, un hommage à la vie. Une légère brise souffle sur cette mer végétale, créant comme des vagues qui caressent le pelage blanchâtre de Fifi. Le lapin ne s’est jamais senti aussi paisible, aussi joyeux, aussi vivant.
Il aperçoit soudain, au loin, un congénère. Ou plutôt… oui, c’est bien cela, une congénère ! Une magnifique lapine au corps élancé et au pelage immaculé. Le cœur de Fifi s’accélère. Il doit tenter sa chance ! Il fait une toilette rapide, rassemble son courage et s’élance dans la prairie. L’inconnue tourne son regard vers lui. A mesure qu’il s’approche, il découvre toute l’étendue de sa beauté. Deux oreilles longues et droites, des yeux profonds, des pattes musclées. Une véritable déesse. Elle s’écrie soudain « Fifi, Fifi ! ». Elle connait son nom ! Seulement, sa voix est beaucoup trop grave et beaucoup trop puissante. Beaucoup trop familière, aussi. Quelque chose ne va pas.
Dans la vieille roulotte à l’aspect défraichit, Fifi sort brutalement de sa rêverie. Une lumière aussi faible qu’artificielle éclaire péniblement une scène misérablement quotidienne. Un couchage en fin de vie, une petite table encombrée de vieux mégots et d’un nécessaire de maquillage, un désordre établi comme règle. Le maître apprêté s’impatiente, tendant ostensiblement son chapeau haut de forme.
« Allez mon grand, entre là-dedans. C’est l’heure… ».
Fifi pousse un soupir de résignation. La retraite paisible à la campagne dont il rêve tant n’est pas pour aujourd’hui. Il va falloir se planquer dans un galure qui sent la solitude et le renfermé dans l’espoir d’arracher un sourire à quelques mioches, une fois de plus. Fifi n’en a aucune envie, mais a-t-il vraiment le choix ? « The show must go on », comme ils disent…