Chapitre 19

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Des ballons de feu flottaient au-dessus, les musiciens jouaient, les rires et les murmures retentissaient. L’ambiance était joyeuse. This is Halloween retentissait, quelques personnes dansaient et s’agitaient, le sourire aux lèvres. Au milieu de l’océan de ballons, des têtes pendaient au bout d’un fil couvert d’une substance carmin, dont on voyait une lumière à travers les orbites. L’atmosphère était légère pourtant elle apportait quelque chose de lourd, peut-être dû à ce soir particulier qu’était la cérémonie du Choix. Des tables avaient été installées tout autour du Temple où Balance, Vie, Mort et Destiné dînaient en paix, il y avait du jus de nectar comme boisson ainsi que des morceaux d’ambroisie dans la nourriture. Des centaines de plats peuplaient les tables avec des couverts, verres et différentes boissons comme de l’alcool et des jus de fruits.


Parmi les invités, on reconnaissait des êtres à trois têtes dénués de cheveux dont une substance inconnue dégoulinant de leurs orbites, vêtus d’un costume composé d’un pantalon gris et d’un grand tee-shirt bleu portant le symbole des égouts. Ces créatures vivaient dans les égouts. On racontait qu’elles agissaient comme gardiennes des lieux. D’autres entités faisaient parties des espèces tels que les démons, les anges, les gobelins, les elfes, les nagas, les garous. Certains arboraient une apparence similaire à celle de l’humanité cependant beaucoup avaient une apparence terrifiante. Des corps dansaient, leurs têtes décollant de temps en temps de leur tronc provoquant un flot de sang. Des clowns couraient, tenant des plateaux en argent dans leurs mains, dont leurs dents suaient de sang.


Dans un coin du lieu, l’atmosphère était luxueuse, sensuelle et sexuelle. Arashi était allongé dans les bras d’un ange dont une partie de son corps était issue d’un animal, tandis que son frère, Kaze, était allongé sous le corps gigantesque d’un démon. La troisième immortelle, Lune, était en plein ébat avec une succube tandis que son partenaire, Iblis, profitait d’une nouvelle expérience avec un nouveau venu. Quiconque s’approchait, se faisait soit tiré dedans, soit éloigné. Des coussins et couvertures avaient été placés sur l’herbe pour créer un immense lit, quelques mini tables rondes en bois étaient installées à divers endroits pour abriter plats chauds et boissons.


Malgré la bonne ambiance qui régnait telle une reine, Aspasia ne pouvait s’empêcher de sentir la violence qui émanait de tous les individus qui souvent lui jetaient des coups d'œil. Mordillant la langue, l’adolescente se situait dans un coin reculé, regardant la fête d’un œil réprobateur. Pourquoi devait-elle sentir tout le poids du monde sur ses épaules ? Pourquoi n’avait-elle donc pas droit à de l’aide de leur part ? Ces gens, en dépit d’être terrifiants, en particulier pour ces entités dont leur apparence n’était nullement humaine, réchauffaient son cœur. Avait-elle le droit de préserver le monde ? Avait-elle le droit de ne pas vouloir préserver l’avenir de l’humanité ? Pouvait-elle accepter la part horrifique du monde aussi facilement qu’accepter un cadeau ?


Je n’appartiens pas à ce monde ! Le cœur battant la chamade, son esprit s’ouvrait délaissant un flot de souvenirs familiers. Les paroles inconnues et pourtant prononcées de nombreuses fois dans l’espoir que quelqu’un l’aide. Mais tout ce qu’elle avait eu c’était les mots froids et les câlins sans chaleur de ses proches, des adultes et autres personnes qui avaient joué un rôle dans sa vie. Le monde avait toujours tremblé autour d’elle (et ses cris avaient été noyés par l’illusion jetée par toutes ces âmes se plaisant dans ce monde où la justice n’avait pas sa place), éventuellement après de nombreuses années, comme une enfant, Aspasia s’était habituée. Malgré que sa peau blémissait, que ses cris silencieux se transformaient en hurlement agonisant, le mal être se traduisait par ses habitudes malsaines (et Aspasia s’était toujours sentie périr). Pourquoi personne ne veut m’écouter ?


Prétendre que tout allait bien avait été une solution meurtrière. Âme en peine, cœur anéanti, l’adolescente était sur le point de passer de l’autre du voile comme une feuille disparaissant dans l’air. Ses genoux tombèrent violemment sur le sol, s'écorchèrent sur une pierre, ses mains les rejoignirent frappant avec rage la dure terre. Sa tête bascula en arrière tandis que son corps se redressait comme une poupée contrôlée par un marionnettiste. Le flot de souvenirs peinant, qui avait poussé derrière de solides murs, dans une cage dorée, la fatiguait, la libérait, l’enveloppait dans un cocon. De ses lèvres entrouvertes, percées par ses dents, dont le sang coulait, un hurlement s’échappa (colère, tristesse, agonie, désespoir).


Un cercle argenté se dessina autour de la forme agonisante de l’humaine, brillant et attirant les regards. Les symboles scintillaient en or, signe de la cage dorée, de la prison dans laquelle la rousse avait grandi. Le regard perçant de Balance tomba sur la silhouette sur le point d’exploser, l’heure approchait, la guerre et l’amour se joignaient pour une dernière danse. Le hurlement ne faiblissait pas, ne diminuait pas de volume, ne se stoppait pas malgré la probabilité de perdre la voix. Les souvenirs se fracassaient, se brisaient en mille morceaux, seulement pour se reformer et s’écrire comme une autobiographie. Un cercle noire apparut autour du lieu, formant un dôme, tandis que tous se préparaient pour une explosion spectaculaire.


L’Élue explosa. Sa peau se déchira lentement, augmentant d’intensité son cri, amenant l’agonie à un tout autre niveau, révélant la chair rosée. Des morceaux de membres volèrent, le sang giclant, le crâne d’Aspasia s’arracha à son tronc, tombant et roulant sur l’herbe humide tandis qu’une rabasse frappait. L’hurlement retentissait encore, mais cette fois-ci, il n’était qu’un souvenir lointain. Une substance noirâtre dégoulinait de ses orbites dont les yeux avaient été pris par une force invisible. Le corps en miette, en bouillie sanglante, dont les organes jonchaient le sol comme un plateau de crudités, l’âme de la rousse flottait dans l’air devant Balance, qui souriait d’un air narquois.


Le Monde avait gagné, la Balance était préservée, l’humanité avait perdu.

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