Chapitre 12

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La porte passagère s’ouvrit avant même que Lège pût couper le moteur. L’homme observa sa femme courir vers la demeure, ses pieds s’enfonçant à plusieurs reprises dans la boue. Il ouvrit sa porte, son cœur battant la chamade, et posa un pied en dehors de son véhicule. Il laissa les clefs sur le contact, il sortit son autre jambe de la voiture et commença à marcher en direction du manoir qui soudainement lui semblait dangereux. Lège arriva aux côtés de sa femme, jetant un oeil autour de lui toutes les deux secondes, qui se tenait agenouillée en face de leur fille. Il s’agenouilla à côté de Louise l’aidant à tenter de réveiller Aspasia. Au bout de quelques secondes qui lui parurent une éternité, leur fille se réveilla.


  • Il faut partir ! hissa Lège, sentant le danger venir.
  • Mais tu as dis que les Perfides nous aideront ! protesta Louise en aidant l’adolescente confuse à se relever.
  • Au diable ces monstres ! ragea Lège, tirant le bras de sa femme vers la sortie. On dégage de cet endroit !

Louise pâlit à ces mots. Son mari lâcha sans faire exprès son bras, courant vers le véhicule, tout en hurlant des paroles incompréhensibles. Soutenant sa fille qui avait du mal à bouger, la femme à la longue chevelure rousse attachée en queue de cheval essaya de suivre Lège, pestant contre son impulsivité. L’atmosphère changea brusquement. Aspasia gémit, agrippant le poignet gauche de sa mère lui demandant à voix basse de s’arrêter. Louise accepta sans protester, comprenant l’aspect glauque que la propriété venait de prendre.


La nuit était tombée. Le brouillard s’était levé. La mère et sa fille avaient perdu de vue Lège, la voix de ce dernier s'estompant au loin. Aspasia serrait le bras gauche de sa mère, les yeux écarquillés, écoutant les voix familières et inconnues chuchoter. L’adolescente sentait la colère irradier de leurs figures fantomatiques.


  • Maman, ne bouge pas d’ici, chuchota Aspasia à sa mère, sentant celle-ci trembler.
  • Aspasia, que se passe-t-il ? demanda cette dernière, enveloppant ses bras autour des épaules de sa fille.
  • Pas maintenant, répondit Aspasia en tirant sa mère vers la demeure des Perfides.




Lège achoppa violemment et s’écroula au sol. Sa voix s’éteignit. Il n’entendait ni sa femme ni sa fille. Il se retourna et ne les vit pas. Le brouillard se levait, sa vision se troublait. L’homme sentit ses poils s’hérisser, le pressentiment l’oppressait.


Tu n’aurais jamais dû faire ça !


Il se leva précipitamment, secouant la tête dans tous les sens dans l’espoir de voir le danger imminent. Une force invisible le poussa sur ses genoux, il tomba violemment par terre échappant un gémissement de douleur. Cette dernière anémiait ses cinq sens, l’emportant doucement mais sûrement dans une bulle. Des appendices jaillirent du brouillard, s’enroulant autour de chaque bras et jambe, lui arrachant un cri de surprise. Lège se retrouva à plusieurs mètres du sol au beau milieu d’un temps caligineux.


Plusieurs voix parlaient en même temps provoquant des migraines à l’homme. L’inquiétude pour sa femme et sa fille s’estompa, laissant sa terreur le paralysait alors que les reproches augmentaient. Lège sentit quelque chose caresser son torse causant une étrange sensation. Son pull et son tee-shirt furent déchirés violemment par un couteau dont la lame aiguisée toucha à plusieurs reprises sa peau. Un frisson parcourut son corps.


Des rires cristallins retentirent. Ils sonnaient innocents mais en même temps terrifiants. Ses yeux s’écarquillèrent en apercevant la silhouette familière du clown s’asseoir en califourchon sur son corps suspendu. Les ongles de ce dernier étaient longs et pointus, ils se mirent à griffer abruptement son corps, s’enfonçant lentement et douloureusement dans sa chair jusqu’à ce que le sang coule. Le clown humait en entendant les doux cris de sa victime, un sourire se dessinait délicatement sur son visage dégoulinant d’un liquide métallique et carmin. Le bourreau gloussa en observant son chef-d'œuvre. Il sortit de sa poche un long couteau de cuisine puis il commença à découper les plaies, les élargissant jusqu’à qu’elles soient suffisamment larges pour qu’il y introduise sa main droite dedans.


Lège hurla. Ses hurlements retentissaient à travers toute la forêt. Il espérait que sa femme et sa fille viennent l’aider, le libérer de cette scène de torture. Les appendices s’éloignaient et tiraient sur les bras et les jambes dans l’optique de les arracher au tronc. L’homme criait, sa voix se brisant lentement, jusqu’à ce que le silence se fasse. Le clown venait de trancher sa tête. Celle-ci s’écrasa sur l’herbe, le visage de l’homme s’était figé effroyablement. Son corps fut englouti par le manoir, les bruits des craquements des os résonnant dans l’épais brouillard comme si la demeure mangeait le cadavre.






Tous les cris avaient cessé.


Louise faisait les cents pas dans le salon, consciente qu’elle venait de perdre son mari. La demeure lui paraissait soudainement froide, des frissons parcouraient son corps. Le silence frustrait la mère de famille. Louise réfléchissait aux événements précédents, essayant de comprendre à quel moment leur vie avait été chamboulée. De temps en temps, elle jetait des coups d'œil à sa fille, recroquevillée sur l’un des canapés, entourée par un plaid. En dépit de ne rien apparaître, Aspasia en savait plus qu’elle et ça l’agaçait. Sa fille refusait de débiter un mot.


Louise quitta le salon, laissant Aspasia toute seule. Elle prit une profonde inspiration, traversant le hall d’entrée pour aller dans la cuisine. Le manoir était devenu complètement lugubre à ses yeux. La femme appuya sur l’interrupteur de la cuisine cependant celui-ci refusait d’allumer la lumière. Elle grommela, prenant son téléphone et activant la torche de ce dernier pour illuminer la pièce. Se servant de deux verres, une bouteille de soda et de trois paquets de gâteau, Louise retourna dans le salon. Elle déposa tout sur la table basse, faisant signe à sa fille de se déshydrater et de manger un peu.


  • Je sais que tu ne veux rien me dire mais j’ai besoin de savoir, Aspasia. Ton père est… probablement m-
  • Il est mort, coupa Aspasia d’un ton sec.

Louise prit une profonde inspiration, son cœur se brisant à ses mots. Elle avait légèrement espéré que ce ne soit pas le cas.


  • Comment le sais-tu ? demanda Louise, en s’asseyant à côté d’elle.
  • Les Perfides me l’ont dit, répondit l’adolescente en prenant la bouteille de soda.

Les Perfides. Le nom retentit dans l’esprit de la femme alors qu’elle réfléchissait à ce qu’elle savait. Elle ne connaissait quasiment rien sur eux. Un soupir quitta ses lèvres. Aspasia mangeait en silence, le regard fixé sur un point invisible au-dessus de l’épaule droite de sa mère. Louise tourna légèrement la tête cependant elle ne vit rien, elle haussa les épaules. Tout semblait tourner autour d’Aspasia, cela ne lui plaisait pas pourtant Louise savait au fond d’elle qu’elle ne pourrait rien faire.


Cependant, la rousse souhaitait tout de même essayer. Louise attendait que le brouillard disparaisse pour emmener sa fille loin de la demeure des Perfides cependant il semblait que le manoir agissait contre les souhaits de la mère de famille.


Où sont les clefs de voiture ? songea cette dernière en se levant du canapé. C’était Lège qui les avait. Les avait-il laissés sur le contact comme d’habitude ? Ou étaient-ils dans sa poche ? Elle se tourna vers sa fille et lui annonça d’une voix basse :


  • Je vais sortir prendre les clefs de la voiture.

Peut-être que Louise aurait dû rester à l’intérieur du manoir. Le brouillard brouilla la vue de la rousse, le vent sifflant étouffa ses cris, la Mort faucha son âme.

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