Le rêve

de Image de profil de Jo DrakJo Drak

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Je me vois, là, tout en bas. Je reconnais mon visage, mais ne vois pas mon corps. J’aperçois juste mon bras droit, posé hors de ce drap blanc. Du blanc, il n’y a que du blanc ici. Le sol est blanc, les murs sont blancs, les appareils qui m'entourent le sont aussi. Seuls les barreaux du lit dans lequel je suis allongé sont de couleur acier. Il ne se passe rien, il n’y a pas le moindre bruit, ni le moindre mouvement. C’est un rêve étrange, du moins je suppose qu’il s’agit d’un rêve. Pour en avoir le cœur net, il faudrait que je me réveille. Certaines fois, en le voulant très fort, il arrive que cela fonctionne. D’autres fois, ça ne marche pas et je suis comme prisonnier d’eux. Soudain, il me semble entendre un bruit. Une sorte de bip continu, qui me rappelle aussitôt le son désagréable que produit ma voiture lorsque je roule ceinture de sécurité non bouclée. Un son strident et si agaçant, qu’il m’est devenu impossible de l’oublier avant de tourner la clé de contact. J’assiste à la scène visiblement depuis le plafond de la pièce, à deux ou trois mètres seulement, mais j’entends ce bip au loin. Pourtant, je suis persuadé qu’il provient de la pièce dans laquelle nous sommes, moi et mon double allongé juste en dessous. Voilà encore une sensation étrange dans ce rêve. Je suis à la fois l’acteur et le spectateur, à deux endroits en même temps. Bien entendu, l’homme allongé en dessous pourrait être une autre personne portant mon apparence, cela s’est déjà produit dans certains de mes rêves.
Enfin de l'animation dans cette scène figée devenue ennuyante. La porte de la pièce s’ouvre avec fracas, un fracas lointain, comme pour ce bip qui ne s’est toujours pas tu. Trois personnes vêtues de blouses blanches entrent dans la pièce d’un pas précipité. L’une d’entre elles, une femme, se penche au-dessus de mon visage, tandis que les deux autres se ruent vers les machines médicales. Je comprends en effet à leur accoutrement que je me trouve dans un hôpital. La porte de la pièce s’ouvre de nouveau avec violence, laissant entrer, un chariot de métal grinçant poussé par deux hommes. Tout ce petit monde s'agite autour de moi, échangeant des phrases que je n’arrive pas à décrypter clairement. Cette chambre, tous ces appareils, mon corps inerte, ce bip continu, je comprends alors qu’on tente de me réanimer. J’espère très fort me réveiller à plusieurs reprises et il me semble même le hurler de toute mes forces. Ce rêve se transforme peu à peu en cauchemar, ce qui ne me plaît guère. Et si ce n’était pas un rêve ? Si je ne me réveillais jamais ? Impossible, je n’ai pas envie de continuer à regarder ma mort en direct, il faut que quelque chose se produise, qu’une conclusion tombe. Trop tard, l’équipe médicale semble avoir baissée les bras. Un petit barbu à lunettes jette un coup d’œil rapide sur sa montre et écrit quelque chose sur un carnet. Certainement l’heure de mon décès. Je continue de les observer. Ils discutent et finissent par sortir de la pièce les uns après les autres. Le bip s’est enfin arrêté et le dernier individu à quitter la salle emporte avec lui le chariot bruyant. En sortant, il éteint la lumière. Plus un bruit, plus d’images, c’est le noir total, l’attente insoutenable avec toujours ces mêmes questions qui tournent en boucle. Est-ce un rêve ? Vais-je me réveiller ? Quand ? Jamais ? Suis-je mort ? Suis-je le spectateur ou l’acteur ? Les deux ?
Impossible d’estimer le temps qui s’est écoulé. Des heures, peut-être des jours. C’est une notion qui m’a complètement échappée. La lumière est revenue et j’ai continué de voir, sans avoir d’autres choix, comme s'il n’existait qu’une seule chaîne de télévision et que l’on ne puisse rien faire d’autre que fixer l’écran. J’ai vu d’autres corps, d’autres morts et je me suis enfin réveillé.
C’est un véritable soulagement de s’évader de ce rêve, ou plutôt de ce cauchemar, qui me semble avoir duré une éternité. Mais de nouveau, il fait noir, comme dans le rêve. Je tâte mon visage en guise de contrôle. Oui, je suis bel et bien sorti du monde de l’inconscient. De ma main gauche je cherche l'interrupteur de la lampe de chevet et heurte une paroi de bois. Celle de ma table de nuit. Tout compte fait, non, il ne s’agit pas de mon chevet, je ne comprends pas. Serais-je ailleurs que dans mon propre lit ? Je dois admettre que je n’ai pas le moindre souvenir de la veille, le trou noir. De mes doigts, je suis l’étrange paroi jusqu’à ce que mon bras demeure trop court pour en aller au bout. J’ai mal au dos, le matelas est dur, il n’y a même pas de matelas. Je ne suis pas dans un lit, c’est une évidence. La panique me gagne, je me relève brusquement et heurte le plafond qui est décidément très bas. Je le touche de mes mains et constate qu’il est de la même matière que les cloisons qui m’entourent. Du bois. De haut en bas. De gauche à droite. J'appelle, je crie, je hurle. Ma voix semble comme étouffée et ne donne lieu à aucune résonance. Enterré vivant dans mon cercueil, le cauchemar ne fait donc que commencer...

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Le rêveChapitre9 messages | 6 ans

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