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Bertrand Carbonneaux

Je suis professeur de musique, j'ai créé la toute première école internationale d'harmonica le 6 septembre 2014. Depuis, j'écris sur le petit instrument : beaucoup d'articles sur mon blog, quelques livrets à l'attention de mes élèves... Et beaucoup de chansons françaises.

Cela faisait longtemps que je cherchais des livres d'aventures qui auraient pour thème l'harmonica. J'en ai trouvé quelques-uns, mais le moins que l'on puisse en dire, c'est que la littérature n'en regorge pas.

Alors, il y a quelques années, j'ai décidé d'écrire moi-même un livre à ce sujet. Mais je ne le touvais pas terrible. J'avais besoin d'aide, mais je ne savais pas à qui m'adresser : quel livre acheter, à qui poser des questions ?

C'est en lisant les remerciements du roman Le Glork de Guillaume Carbonneaux - alias Youg sur ce site - que j'ai découvert Scribay.

Cela m'a donné l'impression de me remettre à écrire.

Je suis en train d'avancer à la fois sur l'écriture d'un recueil de nouvelles sur l'harmonica et sur un roman, avec l'aide du programme de Scribay.

Vos retours et nos échanges sont les bienvenus, surtout lorsqu'ils sont constructifs.

Merci !

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œuvres
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défis réussis
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"J'aime" reçus

Œuvres

Bertrand Carbonneaux
Mon projet est de raconter de courtes histoires qui ont toutes pour sujet principal l'harmonica.
Pour les premières pages du livre, je commente des photos de grands harmonicistes.
Les autres histoires seront des créations dans de nombreux styles : histoires d'amour, histoires d'horreur, histoires de science-fiction, parodies...

Je souhaite recueillir vos impressions et - surtout - vos conseils.
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Bertrand Carbonneaux


Dans ma salle de musique, sont accrochés, alignés les uns à côté des autres, douze cadres-photos.
Douze.
Comme les douze mesures d’un blues.
Ce sont toutes des photos de grands héros de l’harmonica blues.
Je vous les présente, un à un. Mais plutôt que vous donner les noms de chacun d’eux dès le début, je vous laisse deviner de qui il s’agit. Et je vous livre la clé à la fin.
Puisse cette petite exposition vous donner envie d’écouter du blues…

Première photo
Il a l'air heureux, sur cette photo.
Heureux et fier.
Fier dans son beau costume rayé : cravate bien nouée, pince à cravate, chemise et pochette blanche. En tout cas, je le suppose, car cette photo est en noir et blanc. Il porte un élégant chapeau, posé un peu de travers sur la tête. On pourrait penser que c'est un grand représentant de commerce ou le directeur d'une usine ou peut-être un expert-comptable, tellement il est élégant.
Mais non : sur cette photo, on le voit jouer de la guitare acoustique.
Forcément : à l'époque, la guitare, on ne la branchait pas.
Ce n’est pas une photo instantanée, prise sur me vif : en ces temps reculés, on était encore très loin des smartphones et des appareils qui prennent des clichés en rafale. Il semble être en train de jouer de la guitare, mais les jambes croisées, le buste droit, tout sourire, j’imagine bien qu’il pose pour l’occasion.
Sur cette photo, il est très jeune.
Et pour cause : il fait partie du tristement célèbre Club des 27. Pas des 27 meilleurs guitaristes du monde, mais des artistes célèbres qui se sont éteints à l’âge de 27 ans.
Il était né en 1911. On sait de lui, grâce à ses enregistrements, qu’il était chanteur et guitariste de blues. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il a aussi joué d’autres instruments.
La guimbarde, pour commencer, quand il était tout gosse. La guimbarde, vous savez ? Cette lame métallique que l’on fait vibrer entre les dents.
Mais comme il n’aimait pas beaucoup en jouer, il a jeté son dévolu sur un autre instrument, à peine plus gros. Oui, un harmonica.
Quand, à la fin des années 1920, il s’est mis à la guitare, il s’est confectionné un teneur (que l’on appelle aussi « porte-harmonica »). Ainsi, il pouvait chanter et jouer de l’harmonica en s’accompagnant à la guitare. Comme le fera 40 ans plus tard un certain Bob Dylan.
En 1931, il a rencontré un autre grand guitariste, Sun House, qui l’a littéralement méprisé, lui disant qu’il n’arriverait à rien avec sa gratte, parce que, selon lui, il faisait fuir le public. Il lui a par contre intimé l’ordre de se remettre à l’harmonica.
La frustration qu’un artiste peut ressentir lui sert parfois de moteur pour se dépasser. C’est ce que fit notre jeune héros : après deux ans de travail acharné, il est devenu un guitariste exceptionnel. Sun House lui-même disait qu’il se trouvait complètement dépassé par le jeune prodige.

Un soir, la nouvelle star de la guitare blues réunit quelques amis et leur raconte qu'un jour, il déambulait dans la ville de Clarksdale, ne sachant où se diriger. Alors qu’il semblait complètement perdu, il s’est retrouvé à un carrefour. La nuit commençait à tomber, lui commençait à fatiguer, mais une brise fraîche le faucha en plein rêve. Il leva la tête et vit un personnage immense crever le ciel. Il ne pouvait pas voir son visage, mais il vit qu’il arborait un chapeau immense.
Paralysé par cette apparition, il ne put réagir, quand le Géant attrapa sa guitare, l’accorda et en tira quelques notes divines, avant de la lui rendre et de s’évanouir à tout jamais.
Depuis ce jour, le jeune artiste, au lieu de faire fuir les gens, attirait les foules. Mieux : il les subjuguait. Tout le monde était hypnotisé par le bluesman, dont on disait qu’il avait pactisé avec le Diable. À cette époque, au Mississippi, le culte vaudou étant encore largement pratiqué, personne ne remit en cause la véracité de cette légende.
Même les personnes qui passaient au loin et qui avaient d'autres préoccupations ne pouvaient s'empêcher de s'arrêter, de s’approcher de lui et de contempler le spectacle.
Un charisme sans précédent.
27 ans.
C’est bien jeune, pour mourir.
On n’a jamais vraiment su s’il s’est mort d’une maladie vénérienne, d’une pneumonie ou s’il a bu du whisky contenant de la strychnine, offerte par le tenancier d’un bar qui ne supportait plus de le voir tourner autour de sa femme…
27 ans.
Sur son certificat de décès, on peut lire : « Cause de la mort : pas de docteur ».
Il s'appelait Robert Johnson.

Deuxième photo
Lui aussi est élégant.
Une autre photo en noir et blanc. Où l’artiste pose. J’aurais pu choisir une photo en couleurs, mais cette photo est bien raccord avec la précédente. Prise dans les mêmes conditions : la pose, pour prendre un joli cliché.
Lui aussi porte un costume rayé. Pas de pochette, mais un gilet sous sa veste. Un superbe complet trois-pièces. Chaussettes blanches, chaussures cirées.
Lui aussi porte un couvre-chef : un béret, cette fois.
Le regard perdu derrière ses lunettes, il sourit moins franchement que Robert Johnson.
Il est marié, cet homme-là ? Il porte un anneau à l’auriculaire de la main droite. La main qui tient son instrument.
Un harmonica.
Un seul.
Car en concert, il portait souvent une ceinture-harmonica, où il pouvait ranger des harmonicas de différentes tonalités, qu’il dégainait tour à tour, tel un cow-boy faisant la loi.
Il est assis au bout d’un banc.
Il me donne l’impression d’avoir été surpris : pris en photo, alors qu’il jouait de son instrument et qu’il s’est redressé pour voir qui le photographiait.
Je ne saurais dire si, à l’époque où cette photo a été prise, ses lunettes lui étaient encore utiles. Ou si c’était déjà pour cacher un peu ses yeux.
Car il avait un regard étrange : l’œil droit à moitié fermé, l’œil gauche qui semblait regarder au-dessus des lunettes, l’air méfiant.
On le disait aveugle. Pourquoi un aveugle aurait-il eu besoin de lunettes ? Pourquoi ne pas porter des lunettes noires, comme Ray Charles ?
Décidément, ces artistes de blues aiment s’entourer de mystère.
Il était né en 1911 à Greensboro, en Géorgie, au sud des États-Unis.
Son père était fermier et harmoniciste. C’est lui qui a appris à son fils à jouer de l'harmonica.
C’est à l'âge de 16 ans qu'il a perdu la vue – ou presque, car il lui était encore possible de voir quelques images – ayant été blessé aux yeux.
Ne pouvant plus être fermier, il dut essayer de gagner sa vie avec sa musique, en commençant par jouer dans les rues.
A la mort de son père, il partit vivre avec sa sœur aînée et son beau-frère.
Un docteur lui avait proposé une collaboration, dont il devait faire la promotion de ses produits miracles. Mais comme c’était un bonimenteur, l’artiste s’est vengé en lui tirant une balle dans la jambe. Bien visé, pour un aveugle.
Après cet incident, il partit rejoindre un de ses frères à Wadesboro, au Sud-Ouest de Charlotte, en Caroline du Nord. C'est là qu'il rencontra un autre artiste aveugle de quatre ans son aîné, Blind Boy Fuller, chanteur et guitariste de blues américain. Ensemble, ils ont joué à la sortie des usines, dans les rues…
En une seule journée, ils avaient gagné de quoi se rendre chez l'épicier, pour s’acheter de la nourriture pour la semaine. Ils ont ensuite enregistré des disques ensemble, en 1937. Blind Boy Fuller était pressenti pour jouer à Noël 1938 et 1939 au Carnegie Hall à New York.
Le Carnegie Hall !
Vous savez, cette salle de concert mythique à New York, située à Manhattan.
« Spirituals To Swing », c’était le nom des deux spectacles qui ont été organisés par un producteur de musique, musicien et critique de musique, qui s'appelait John Hammond. Hammond, comme les harmonicas Hammond HA-20 de chez Suzuki (et le fameux orgue Hammond, au passage).
Le 23 décembre 1938 et le 24 décembre 1939, eurent lieu des concerts majestueux avec les plus grands artistes de jazz, de boogie-woogie, de gospel et de blues. Citons pêle-mêle Benny Goodman, Big Joe Turner, le Golden Gate Quartet, Big Bill Broonzy… Il devait donc y avoir également Blind Fuller, mais comme il était en prison, il fut remplacé par notre héros.
A la mort de Fuller en 1941, il a entamé une longue collaboration avec un guitariste et chanteur de blues, Brownie McGhee. Avec McGhee, il a fondé l'un des duos les plus célèbres du blues. On disait d’eux qu’ils jouaient plutôt du country blues.
Leur musique était d'ailleurs très appréciée par le public blanc du mouvement folk des années 1950 et 1960 aux États-Unis, ce qui leur a valu de collaborer avec le guitariste et chanteur de folk américain Woody Guthrie, pour enregistrer des disques de musique traditionnelle et notamment de folk music.
Jusqu'à sa mort en 1986, il a su innover à l'harmonica.
Il avait été un jeu très particulier : c'est le génial inventeur du « whooping » où il allie le jeu rythmique à l'harmonica et le chant !
La première fois que je l'ai entendu faire du whooping, je me suis dit : « Mais qu'est-ce que c'est que ce type qui chante des Ouh et des Ah aux côtés de l'harmoniciste ? C’est quoi, ce délire ? »
En effet, j'étais persuadé qu’il y avait un homme à côté de lui, qui chantait en poussant des onomatopées, pendant le solo d’harmonica. J’ai réalisé plus tard, en regardant un film, que c’est l’harmoniciste lui-même, qui chantait en s’accompagnant à l'harmonica ! Sur le coup, je n’en ai pas cru mes yeux… Comment était-il possible de chanter et de jouer de l'harmonica en même temps ?
Enfin, pas simultanément, mais successivement : quelques accords soufflés-aspirés à l’harmonica, puis une note ou deux au chant, puis retour à l’harmonica, à une vitesse effrénée.
C'est une technique que j'ai apprise, mais qui est très difficile à réaliser : il faut avoir un sacré sens rythmique pour ponctuer ses phrases rythmiques et chanter quand l’harmonica ne joue pas, tout en gardant le rythme et en donnant l’impression que deux artistes s’expriment en même temps.
Cette innovation est toujours impressionnante, pour moi, tant il l’exécute avec brio sur le titre qu’il a composé – même si son interprétation tient plus à ses improvisations qu’à une réelle mélodie écrite – qui s’appelle très justement Whooping The Blues.
Whooping The Blues est un morceau qu’il joue, accompagné par la guitare de Brownie McGhee. C’est un morceau entraînant, un morceau dansant où il fait également chanter son harmonica !
Un son plaintif en sort, puis il chante « Mamma, Mamma » et l’harmonica semble lui répondre par des « Mamma, Mamma » plaintifs. Avant de découvrir ce morceau de bravoure, je ne savais pas qu'on pût sortir un son pareil de l'harmonica… J’entends l’harmonica pleurer sa mère… Comment fait-il cela ?
Le saurai-je un jour ? Je ne risque pas de pouvoir le lui demander, il nous a quittés en 1986, à l’âge de 74 ans.
Il s’appelait Sonny Terry.

Troisième photo
Cette photo n’est pas vraiment en noir et blanc, c’est plutôt une photo sépia. Un détail extrait d’une photo plus large. Pour le coup, c’est un cliché instantané.
Le jeune bambin qui sourit sur cette photo respire la joie de vivre.
Bon, j’exagère un peu, quand je parle de « bambin » : cela fait longtemps qu’il n’est plus en culottes courtes. Mais il est quand même très jeune. Et il semble avoir conservé la joie de vivre et la spontanéité de l’enfance.
Un sourire large, tout en dents, illumine son visage. Les yeux en amande, rieurs, plein d’espièglerie. On ne distingue pas, dans ses yeux rieurs, sa très mauvaise vue. On le surnommait « le hibou aveugle », tellement il y voyait mal.
Il arbore une coiffure très ample : ses cheveux ondulés retombent sur ses épaules.
Cela se pratiquait beaucoup, à cette époque. Car nous sommes dans les années 1960.
Il porte un T-shirt très bariolé, sans doute à la mode psychédélique.
En voyant cette photo, je ne parviens pas à m’imaginer comment on peut être à la fois aussi heureux et aussi désespéré. Désespéré par le fait que l’on coupât des arbres et détruisît des forêts entières. Ce n’était pas un écologiste à la petite semaine : il était capable de s’attacher à un arbre, pour éviter qu’on lui fît l’écorce.
Mais pourquoi s’être autant auto-détruit ? Pourquoi avoir consommé de la drogue ? Ses actions pour la protection de l’environnement et sa célébrité grandissante auraient-elles pas pu servir la cause qu’il défendait ?
Diplômé de musicologie à l’Université de Boston, chanteur, excellent guitariste, il jouait aussi du tampoura, une sorte de luth indien, proche du sitar, dont jouait George Harrison.
A l’instar des Beatles, il aimait explorer de nouveaux sons, qu’il mêlait au blues. Car c’est dans le blues qu’il aimait se plonger. Bien sûr influencé par l’homme qui pactisa avec le Diable et Son House, avec qui il enregistra.
John Lee Hooker, avec lequel il a enregistré un album, le présentait comme « le meilleur harmoniciste de la planète » ! Il était en effet très créatif, accordant parfois son petit instrument différemment – en lydien, plutôt qu’en mode majeur – pour obtenir d’autres sons, d’autres accords, d’autres effets.
Cinquante après, les jeunes harmonicistes sont impressionnés et inspirés par son jeu. Comment peut-on aujourd’hui être harmoniciste et ne pas connaître On The Road Again de Canned Heat ?
Notre jeune héros avait entamé une carrière qui aurait dû le mener au Panthéon de la Gloire.
C’est un peu le cas depuis cinquante ans, par les connaisseurs et les passionnés.
Mais quel gâchis…
Un talent gâché par la prise de drogue. On l’a retrouvé dans son sac de couchage, en forêt. Une overdose. Lui aussi a rejoint le tristement célèbre Club des 27.
Il s’appelait Alan Wilson.
Quatrième photo
Décidément, j’aime bien les photos en noir et blanc.
Celle-ci montre un harmoniciste en action. Pas de pose pour l’éternité, juste un harmoniciste en train de jouer, devant un micro. Sur scène, donc.
La première chose que je remarque, en voyant cette photo, c’est la grandeur des mains du musicien. Car il a des mains gigantesques ! Je recompte le nombre de phalanges de chacun de ses doigts, pour m’assurer que ce cliché n’est pas un trucage.
Sa main gauche enfourche l’harmonica, trois doigts de son autre main sont placés devant l’instrument, pour créer les effets sonores bien spécifiques à son jeu.
L’homme est âgé. Très âgé, même. Comme beaucoup de Noirs de son époque, il doit savoir de quoi il parle, quand il chante le blues.
Malgré tout, il est très élégant, comme à son habitude : costume, chemise blanche, boutons de manchettes, cravate, chapeau melon. Et son parapluie posé dans le repli de son bras gauche.
Il n’est pas très beau, avec son nez proéminent et les dents qu’il lui manque. Mais quel dandy ! C’était sans doute le plus élégant des bluesmen. Avec une impression de désinvolture, lorsqu’il se présente sur scène, qui fait souvent rire le public.
Son comportement n’était pas toujours aussi classe, malheureusement.
Originaire du Mississippi, né dans une plantation – vraisemblablement au tout début du XXème siècle – il est très influencé par les grands noms du blues des années 1930, dont Robert Johnson, avec qui il a joué et perfectionné sa manière de jouer de l’harmonica.
Redécouvert par les artistes anglais des années 1960, il a notamment joué et enregistré avec The Animals et The Yardbirds, le groupe d’Eric Clapton.
On disait qu’il ne se séparait jamais d’une flasque à whisky, d’un pistolet et d’un couteau. Pour attaquer ? L’homme était réputé colérique. Pour se défendre ?
N’empêche qu’il aurait pu en avoir besoin, pour se défendre, quand l’artiste dont il a usurpé le nom avait juré de lui faire la peau.
Quand même… Il y avait quand même mieux à faire, pour gagner en célébrité, que de prendre le nom de scène d’un concurrent et de faire croire que l’imposteur, c’était l’autre ! Imaginez un peu qu’un harmoniciste de 45 ans se fasse appeler Greg Zlap et qu’il crie sur les toits qu’il en a assez, de cet imposteur qui prend l‘accent polonais, pour faire croire qu’il est le vrai Greg Zlap !
En 1940, il a effectivement pris le nom d’un grand harmoniciste, qui a fait tout ce qu’il a pu pour empêcher cela. En vain. Il a fini par le lui pardonner, dit-on. On ne risque pas de le lui demander, aujourd’hui : il est mort assassiné en 1948, d’un coup de couteau.
Le plus ironique, c’est qu’il est effectivement devenu beaucoup plus célèbre que son aîné, jusqu’à sa mort, survenue en 1965.
Il s’appelait Alek Miller, mais on le connaît aujourd’hui sous le nom Sonny Boy Williamson. Pour ne pas le confondre avec l’artiste dont il a volé le nom, on a tendance à l’appeler aujourd’hui Sonny Boy Williamson II, comme s’il était le second d’une grande lignée de Sonny Boy Williamson.

Cinquième photo
Première photo en couleurs.
J’aurais pu choisir un cliché en noir et blanc, pour que ce soit raccord aux quatre premières, mais je trouve cette photo tellement belle…
Et puis, elle n’est pas sur le même mur : le cadre dans lequel je l’ai mise est à angle droit des quatre premières.
L'artiste qui est sur cette photo joue visiblement dans un studio : derrière lui, on voit un mur jaune pâle et à sa droite, un mur blanc percé de trous, sans doute pour des raisons acoustiques. La couleur de sa peau, marron clair, contraste bien avec le mur jaune pâle du fond.
Il est vêtu d’un costume élégant ; pas un costume rayé cette fois, sans doute un costume noir, même s'il apparaît légèrement violet, à cause du spot qui est dirigé sur lui. Chemise blanche, cravate bleue, il porte une guitare électrique en bandoulière – la bandoulière est bariolée, avec de jolies couleurs – une guitare Gibson, un modèle de guitare qu’utilisent généralement les jazzmen.
Sur la photo, il chante, peut-être un de ses tubes. Il chante en s’accompagnant à la guitare et il va sans doute nous faire également un petit solo d’harmonica, en continuant de s’accompagner.
Comment peut-il à la fois avoir une guitare entre les mains et un harmonica devant sa bouche ? Eh bien, grâce à un outil que l'on appelle un « teneur » - certains disent également « porte-harmonica » - comme Robert Johnson, Jimmy Reed, Bob Dylan… Un grand classique, le chanteur-guitariste qui joue quelques notes d’harmonica.
Sur le manche de sa guitare, il a fixé un « capodastre » en première case. Le capodastre, c’est un petit outil qui ressemble à une grosse pince à linge, qui permet de pincer les cordes entre ses mâchoires, afin de réduire la longueur des cordes. Cela a deux effets : monter le son de toutes les notes – pratique, quand on ne maîtrise pas tous ses accords, mais que l’on veut jouer dans une autre tonalité – et de rendre le jeu plus sec. Il est parfois intéressant de faire jouer deux guitares en même temps, l’une sans capo, l’autre avec un capo 5, par exemple, en demandant aux guitaristes de transposer leurs accords, car l’ensemble donne un son très intéressant : le côté sec et percussif d’une guitare, mêlé au jeu plus doux et plus fluide de la guitare sans capo.
Mais je m’éloigne, revenons à notre photo.
La guitare étant généralement accordée en mi mineur, avec un capo en première case, nous obtenons fa mineur. L’artiste joue donc vraisemblablement un morceau en fa. Peut-être a-t-il un harmonica en si bémol. Quand on joue un blues en fa, traditionnellement, on joue sur un harmonica en si bémol.
Difficile de voir quel est le modèle d'harmonica qu’il utilise. Peut-être un Marine Band de chez Hohner. Ce serait logique, après tout, qu’il utilisât un Marine Band, lui qui était un ancien docker, avant de devenir ouvrier de bâtiment.
Cet homme était marié : on le voit à l’alliance qu’il porte à l'annulaire gauche. Il a également une jolie montre. Une montre en or ? Peut-être… Pas sûr… Avec le reflet du spot, on ne voit pas bien.
Bon, ce n’est pas le plus important.
En tous les cas, il est très élégant.
Devant lui, un micro de studio, un de ces anciens micros qui ressemblent aux Neumann d’aujourd'hui. Des micros particulièrement onéreux et fragiles, mais qui prennent vraiment bien le son. D'ailleurs, il n’a pas un micro devant la bouche et un micro devant la guitare, il a juste un micro pour l'ensemble, qui lui arrive à hauteur du buste. Sans doute que ça suffisait, pour pouvoir l'enregistrer.
Sur cette photo, on voit qu'il a une silhouette très fine, un peu comme son jeu d'harmonica.
Notre héros était très inspiré des disques de Sonny Boy Williamson II et le Jimmy Reed.
Jimmy Reed était un artiste de blues américain, qui chantait en s’accompagnant à la guitare et qui avait lui aussi un porte-harmonica. Mais son jeu d’harmonica était très sobre : il jouait souvent plusieurs notes à la fois, pas toujours de manière précise, un peu comme le fera plus tard Bob Dylan.
L’artiste de ma photo avait un jeu d’harmonica très fin, mais beaucoup plus précis et rythmiquement impeccable.
C'est vraiment pour les imiter, qu'il s'est mis à l'harmonica. Lorsque Jimmy Reed a joué à la Nouvelle-Orléans, il n'a pas raté l'occasion d'aller l'écouter et de le rencontrer.
En 1957 – l’année où Paul McCartney a rencontré John Lennon – notre guitariste-harmoniciste a rencontré le bluesman Otis Hick, alias « Lightnin’ Slim », un guitariste et chanteur de blues américain, qui était une vedette locale, grâce à ses disques.
Lightnin’ Slim était chapeauté par le producteur Jay Miller. C’est lui, Lightnin’ Slim, qui a présenté notre héros à Miller, qui lui a fait passer une petite audition.
Ce n’est tellement son jeu d'harmonica qui l’a effrayé, mais sa voix qui, selon lui, n'avait pas un joli timbre. Il lui conseilla alors de prendre une voix nasillarde.
En plus de chanter, il jouait donc de la guitare et de l’harmonica, sous ses deux formes principales : diatonique et chromatique.
C’est assez rare, qu’un bluesman joue de l’harmonica chromatique.
L’origine de la fabrication d’un harmonica chromatique vient d’un ancien handicap qu’avaient les harmonicistes diatoniques du XIXème siècle.
En effet, lorsque l'on joue d'un harmonica, on souffle et on inspire à travers lui : une note en soufflant, une autre note en aspirant dans chaque canal. Souvent on dit un « trou », mais je préfère parler de « canal » car on doit canaliser l'air qui doit passer à travers une lumière rectangulaire. Il s'agit donc bien d'un canal et non pas d'un simple trou.
Et donc, quand on vise un canal en soufflant, on obtient une note ; en aspirant, on a une autre note.
Si l’on prend un harmonica en do, par exemple, la plupart des notes qu'on va obtenir seront : do ré mi fa sol la si.
Sur un harmonica en do, on peut jouer dans une autre tonalité. Par exemple, en sol, ce qui est très sympa pour jouer du blues, car l’accord principal d'un blues en sol est G7 (sol septième) composé des notes sol-si-ré-fa, qui se trouvent naturellement sur l'harmonica : il suffit pour cela d'aspirer dans le grave.
Sur un harmonica en do, on peut jouer par exemple la gamme sol la si do ré mi fa sol, que l’on appelle « gamme mixolydienne de sol » ou « sol mixolydien ».
C’est parfait pour le blues.
Mais le blues, ce n'est pas qu'un ensemble de notes, c'est aussi toute une expressivité et la rencontre amphibologique entre deux modes : le mode majeur et le mode mineur.
Le guitariste joue un blues majeur et par-dessus, l’harmoniciste joue un blues à la fois majeur et mineur.
Et donc, si l'on veut jouer sol mineur, il faut au moins placer le si bémol.
Or le si bémol n'a pas été prévu sur un harmonica en do.
Aussi, comme il manquait des notes pour jouer toutes celles que l’on retrouve dans la musique occidentale – ce que l'on appelle la gamme « chromatique », parce qu'elle contient toutes les couleurs – on a inventé l'harmonica chromatique !
L'harmonica chromatique et en fait composé de deux harmonicas : un harmonica en do, un autre en do dièse. Lorsque l'on joue naturellement de cet harmonica chromatique, on joue en do et si l’on veut obtenir les dièses et les bémols il suffit d'appuyer sur un bouton – que l'on appelle par abus de langage une « tirette », ce qui est absurde parce qu'on pousse la tirette – bref, en appuyant dessus, une barre métallique vient cacher l'harmonica en do et fait découvrir l'harmonica en do dièse. Ainsi, on peut tour à tour jouer des notes de la gamme de do majeur et les notes de la gamme de do dièse majeur, ce qui fait qu'on peut avoir toutes les notes de la gamme chromatique.
Très bien.
Donc, on pourrait se dire : « Si je veux jouer un blues en sol, qui est à la fois majeur et mineur, il faut que j’utilise un harmonica chromatique. » Cette réflexion est valable, mais ce serait sans compter l’apport extraordinaire des premiers bluesmen, qui ont révolutionné le jeu de l’harmonica diatonique.
En effet, au début du XXème siècle, les harmonicistes noirs américains ont trouvé des notes qui n'étaient pas dans le manuel !
C'est une des raisons qui rendent l'harmonica diatonique aussi passionnant, car alors que sa fabrication n'a pas tellement changé depuis les années 1860, ce que l'on peut en tirer n'a plus rien à voir avec les limites qui nous étaient imposés à l'origine : grâce à certaines positions de langue et certains niveaux de pression que l'on met dans la bouche, on peut obtenir toutes les notes de l'harmonica chromatique !
Avec une différence absolument fondamentale : en jouant ces nouvelles notes – que l'on appelle des « altérations » –on obtient des timbres très particuliers, tous différents d'une note à l'autre, ce qui colore le jeu de l’harmoniciste.
De plus, la manière d’obtenir les altérations lui permettent de lier ensemble altérations et notes naturelles, et lui permet d'obtenir des effets de jeu incroyables !
Pour moi, l'harmonica diatonique est l'un des instruments les plus expressifs au monde. Un instrument parfait pour le blues.
Cela n’empêchait pas notre héros de jouer du chromatique : le son du chromatique est assez proche du son de l'accordéon ; c’est un son un peu différent, pourquoi ne pas l'utiliser aussi dans le blues ? Après tout, les musiciens de zarico (*) utilisent bien un accordéon pour jouer du blues, alors pourquoi pas aussi de l’harmonica chromatique ?
Le son de l'harmonica diatonique, quant à lui, est beaucoup plus proche de celui de la voix et se marie très bien avec la guitare.
Ce qu'il y a de remarquable avec les chansons blues de cet artiste, c'est que, même quand on n'aime pas trop le blues, on peut vraiment les apprécier, car le son n'est pas sali comme le font certains bluesmen. Je n'ai rien contre le jeu sale – c’est même un style et cela répond à des techniques de « cradification * du son » – mais on ressent beaucoup moins la souffrance des bluesmen dans son jeu, que lorsque l’on écoute Sonny Terry ou Sonny Boy Williamson II.
C'est plutôt un blues décontracté, sobre, fin – comme sa silhouette – et particulièrement sautillant.
Un blues qui a cependant beaucoup influencé les artistes qui l’ont succédé, comme Otis, les Rolling Stones, Eric Clapton et les Yardbirds, les groupe Them – vous connaissez peut-être leur succès Gloria, qui a été repris par Laurent Voulzy pour sa chanson Rockollection – et les Pretty Things, très fans eux aussi de Jimmy Reed.
C'était quelqu'un qui avait beaucoup d'humour : il avait des chansons sexy et humoristiques.
Sexy quand il parle des vêtements fous de la femme avec laquelle il va avoir des relations intimes.
Humoristiques et sexy, quand il chante Baby, Scratch My Back (Chérie, Gratte-Moi Le Dos) ou I'm a king bee, buzzin' around your hive / Well, I can make honey, baby, let me come inside (Je suis une abeille royale, bourdonnant autour de ta ruche / Eh bien, je peux faire du miel, chérie, laisse-moi entrer).
Après s'être produit sur les grandes scènes de Nashville, de Los Angeles et de New York, il devait effectuer, au tout début des années 1970, une grande tournée européenne.
Vu le succès qu'il avait à l'époque, on l'annonçait déjà triomphale.
Malheureusement, son état de santé en a décidé autrement…
Il a succombé à une crise cardiaque le 31 janvier 1970, à l’âge de 46 ans.
Il s'appelait James Moore, mais du fait de son jeu fin, au chant et à l'harmonica – « fin » se dit « slim » en anglais – on le surnommait Slim Harpo.
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* zarico : genre musical apparu dans les années 1930 en Louisiane, incluant de nombreuses influences blues et rythm and blues. L'instrument de prédilection est l'accordéon.
* cradification : terme inventé par Greg Zlap, qui désigne le fait de faire exprès de jouer une note en incluant un peu des notes adjacentes sur l'harmonica, de façon à générer un son proche de celui que l'on entend lorsque l'on amplifie l'harmonica avec un micro de type "phare de vélo" (anciennement un micro destiné aux hôtesses des aéroports).

Sixième photo
J’aime beaucoup cette photo. Pourtant, on ne peut pas dire que l’artiste soit très souriant. Parce qu’il tire une vraie tronche.
Est-il fâché ? En colère ? Ou tout simplement très concentré ?
Il est sur scène, en 2007, dix ans avant sa mort. Déjà très âgé, puisqu’il avait déjà 71 ans.
Une silhouette qui n’a rien à voir avec l’artiste de la photo précédente : il est très large, notre harmoniciste. Sacrée carrure. On dirait un taureau, qui vous défie du regard.
Un béret sur la tête, une chaîne en or autour du cou, une simple chemise noire, col ouvert.
Une belle alliance à l’annulaire de la main droite, qui tient à la fois un micro de chant de la marque Shure – sûrement un Bêta 58 – et son harmonica.
Un Marine Band de chez Hohner dans sa version traditionnelle – pas dans la version DeLuxe, commercialisée aujourd’hui – qui est un harmonica en la. Comment je le sais ? Je vois la lettre noire A, imprimée sur l’autocollant jaune, collé sur le capot supérieur de l’harmonica, qui dépasse légèrement de sa main. La lettre A désigne la tonalité de la, dans le système de notation américaine.
Visage carré, très ridé. Forcément, à son âge… Surtout qu’en tant qu’artiste noir, il a dû en voir des vertes et des pas mûres…
Il avait été initié très jeune par Sonny Boy Williamson II qu’il avait suivi sur ses tournées. Sonny Boy Williamson II qui en avait fait son poulain. Cela étant, le jeu de notre vieil harmoniciste est à la fois moins riche que celui de son ancien professeur et plus puissant. Il faut dire qu’il est l’un des premiers à avoir électrifié l’harmonica – pas en le branchant comme on le fait avec une guitare électrique, simplement en approchant l’instrument du micro – en lui donnant des sons proches de la guitare électrique.
Au milieu des années 1950, il a rejoint le groupe de Muddy Waters.
Muddy Waters est sans doute l’artiste le plus représentatif du Chicago Blues, avec des titres comme I’m Ready, Got My Mojo Workin’ et le célèbre Rollin’ Stone, qui a influencé le groupe du même nom.
A son tour, il a enseigné l’harmonica à de jeunes blancs, comme Paul Butterfield.
Dans les années 1970 / 1980, il a su mêler soul music, rock, Chicago Blues, funk et jazz pour créer ce que l’on appelle aujourd’hui de la « musique fusion ».
Il était aussi chanteur, mais sa voix s’est considérablement dégradée au fil des années. Sur certains disques, sa voix est très rauque. Par exemple, sur son album Deep In The Blues (Au Plus Profond Du Blues) on dirait la voix d’une personne qui a trop fumé, qui contraste avec son jeu d’harmonica, beaucoup plus clair. Bon, c’est un style.
Son jeu d’harmonica reste un témoignage incroyable de toutes les influences qu’il a subies et de l’histoire du blues, même si je reconnais assez clairement son influence de Sonny Boy Williamson II, notamment dans ses solos sur le titre Dealin’ With The Devil (Faire Un Pacte Avec Le Diable) qui date de 1996.
Il s’est éteint en 2017, des suites d’une pneumonie.
Il s’appelait James Cotton.
Septième photo
Sur cette photo, on voit un harmoniciste en couleurs, sur un fond gris. Sans doute un trucage photographique, pour faire ressortir le personnage. Derrière lui, un mur de briques.
Il porte une saharienne en cachemire (une sorte de veste longue et épaisse, avec beaucoup de poches et un col très ouvert, genre col pelle à tarte) sur une chemise aux motifs zébrés, noire et blanche.
Pas d’alliance mais une simple montre à son poignet gauche.
Sur la photo, l’homme, d’origine africaine, est assez âgé : des poches sous les yeux marquées et une fine barbe blanche.
Il est affublé d’un chapeau tyrolien. Pourtant, c’est sans doute du blues ou du jazz qu’il joue. Je le devine car, sur cette photo, il joue de l’harmonica en tenant entre ses mains un microphone « phare de vélo » vert. Ce n’est pas le modèle Shure 520 DX, bien qu’il lui ressemble : c’est plutôt un modèle vintage, qui a peut-être effectivement servi aux hôtesses d’accueil, dans les aéroports.
Ce type de micro est surtout utilisé en blues, mais lui s’en servait également pour les standards du jazz. C’est typiquement le type de micro que l’on utilise pour salir un peu le son de l’harmonica, afin de le rendre plus saturé.
Pourtant, le jeu de cet harmoniciste n’est pas si sale que cela. Jean-Jacques Milteau, le grand harmoniciste français, qui a inspiré tellement de musiciens, dit de lui qu’il a « le plus beau son de blues à l’harmonica ». En écoutant ces deux artistes, on ressent bien le lien de parenté.
Le fait de jouer constamment dans ce micro phare de vélo, c’était une façon d’électrifier l’harmonica, comme le faisait James Cotton. Mais lui a vraiment poussé loin l’exploration de l’amplification électrique. Il suffit de l’écouter jouer Don’t Get Around Much Anymore, sur son album Fine Cuts, pour comprendre à quel point il a su exploiter le son de l’harmonica amplifié : un glissando pour atteindre la première note d’une phrase, suivie par des notes jouées séparément les unes de des autres, avec un son magnifique, suivies elles-mêmes par des notes jouées en tongue-slap. Avec un vibrato profond pour finir la phrase.
Quelle inventivité, quelle beauté !
Sur ce même album, il reprend un standard tex-mex un peu étonnant pour un représentant du blues : La Cucaracha !
A Chicago, dans les années 1950, on le surnommait « l’harmoniciste suprême ». Rien que ça !
Lui aussi a joué dans l’orchestre de Muddy Waters, mais aussi dans celui de Jimmy Rogers, un chanteur-guitariste-harmoniciste de blues. C’est dans l’orchestre de ce dernier, qu’il jouait souvent Walking By Myself – un morceau souvent repris par le chanteur et guitariste Gary Moore – dont le solo a inspiré tellement d’harmonicistes, comme David Barrett et bien d’autres. Sur ce morceau, notre héros ne fait pas que jouer un solo : il accompagne le chanteur tout au long de la chanson et joue même dans les breaks*.
Pourquoi est-il aussi peu connu aujourd’hui, malgré un jeu si inspirant ?
Sans doute à cause de son comportement avec les autres musiciens. C’est vraiment dommage, de s’auto-saborder, mais c’est ainsi : l’harmoniciste de cette photo était un loup solitaire, qui préférait parfois aller ramasser des oranges en Floride que partir en tournée.
A l’instar de Pete Best, le premier batteur des Beatles, qui arrivait systématiquement en retard aux répétitions et aux concerts, l’harmoniciste suprême s’est fait suprêmement licencier par Muddy Waters pour ses trop nombreuses absences.
Il faut dire qu’il n’était pas obnubilé par son succès. Loin de là : il ne comprenait même pas que l’on pût être motivé par l’espoir de faire carrière. C’est un concept qui semblait ne pas l’effleurer.
Cela ne l’a pas empêché d’être très présent sur les scènes de Chicago dans les années 1960, tandis que le public blanc de la pop-rock naissante se régalait du blues dont il découvrait les origines.
Dans les années 1970, il a intégré des groupes de blues et folk music, participant activement à des festivals, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe.
Ses derniers enregistrements datent de 1980.
Il est mort d’une insuffisance cardiaque à l’âge approximatif de 60 ans – personne n’a jamais su exactement en quelle année il était né – dans la ville de Chicago.
Il s’appelait Walter Horton, mais on le connaissait surtout comme Walter « Shakey » Horton (de l’anglais « shake », secouer, mouvement de tête que l’on effectue souvent quand on joue de l’harmonica) et aujourd’hui comme Big Walter.
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* tongue-slap : technique qui consiste à jouer un accord – c’est-à-dire plusieurs notes en même temps, généralement trois – puis à plaquer la langue vigoureusement, comme une claque (« slap » en anglais) afin de ne plus faire entendre qu’une seule note ; ce procédé est souvent utilisé pour mettre en valeur la note supérieure de l’accord, avec un effet d’accompagnement.
* break : procédé stylistique où l’orchestre s’arrête brusquement de jouer, avant de reprendre après un laps de temps très court ; pendant ce break, un instrumentiste joue souvent une petite phrase bien sentie, qui excite le public.
* tex-mex : signifiant « texane – mexicaine », la musique tex-mex a été créée par les populations hispaniques du Texas, en mêlant leur musique folklorique à celle, plus jazz, des Etats-Unis d’Amérique.

Huitième photo
Nouvelle photo sépia.
L’harmoniciste noir est bien vêtu : chemise, cravate, veste et pochette qui tombe un peu, il porte une montre à son poignet gauche.
Fine moustache, joli sourire. Mais il a un regard étrange : il semble loucher. Il n’était pourtant pas aveugle. Sans doute une forme de strabisme.
Il tient un harmonica diatonique entre les mains. Des mains qui lui servaient beaucoup, dans son métier de cuistot. Car il est resté longtemps musicien amateur, bien qu’ayant un jeu tout à fait remarquable.
A l’origine, passionné de jazz à La Nouvelle Orléans, il s’était acheté un harmonica, n’ayant pas les moyens de s’offrir une trompette. Ayant intégré les orchestres de jazz, il chantait et jouait en imitant Louis Armstrong, qu’il adulait.
Et comme Louis Armstrong, il aimait jouer et chanter When The Saints Go Marchin’ In, mais dans une version beaucoup plus saturée et agressive, avec une voix très grasse, très saturée et un jeu d’harmonica très inventif, passant rapidement de l’aigu au grave, pour improviser un accompagnement hors pair.
Il a peu enregistré, mais sa façon de jouer, très saturée, a beaucoup influencé d’artistes, encore aujourd’hui.
Sa dernière contribution à la musique date de 1970 quand, bien que souffrant gravement de la gorge, il enregistra l’album Going Back To The Natchez Trace avec quelques musiciens locaux.
Mort d’une crise cardiaque à l’âge de 47 ans, il a laissé peu de titres derrière lui, mais sa manière de jouer de l’harmonica est tellement originale que je ne peux pas m’empêcher de l’écouter souvent.
Très inspirant.
Il s’appelait Alexander George, mais on le surnommait Papa Lightfoot.

Neuvième photo
Retour au noir et blanc, sur le troisième mur de ma pièce de musique.
Cet artiste est très important dans l’Histoire de l’Harmonica. A plus d’un titre.
Encore un Noir, très bien vêtu. Il est debout, dans un studio d’enregistrement.
Une veste croisée sur une chemise, une cravate rayée. Deux stylos dépassent de la poche supérieure de sa veste. Le bras gauche pendant, la main droite tient l’harmonica, dont il est en train de jouer.
Son regard est dirigé vers la droite ; que regarde-t-il ? Une partition ? Comme il a l’air très grand, j’imagine mal un pupitre à cette hauteur, mais peut-être la partition est-elle suspendue au plafond…
Bon, je plaisante, la plupart des grands harmonicistes jouent « à la feuille », c’est-à-dire sans feuille : à l’oreille, sans partition.
Il a été le pionnier du Chicago Blues. Il a vraiment préparé la voie aux grandes stars du genre, comme Big Walter.
Il n’avait pas commencé la musique avec l’harmonica, mais avec l’harmonium.
A l’âge de 14 ans, il était pompiste et vendeur dans un drugstore. Pour arrondir ses fins de mois, il chantait et jouait de l’harmonica dans les rues, dans les juke-joints* et même dans une émission radiophonique, où il avait été remarqué pour ses imitations de trains à vapeur et de chasse au renard à l’harmonica. L’imitation des trains à vapeur sur l’harmonica est un bon moyen de jouer rythmiquement, tout en faisant voyager le public.
Il s’est installé à l’âge de 19 ans à Chicago. Nous étions alors en 1923. Déjà se faisait sentir les prémices du blues.
Il se produisait beaucoup sur les marchés aux puces et dans les salles des quartiers sud de Chicago, où il rencontra le guitariste et chanteur de blues Big Bill Broonzy, qui l’a fait enregistrer de nombreuses fois.
Notre jeune héros brillait non seulement par son jeu d’harmonica, mais aussi par ses compositions. C’était aussi un chanteur merveilleux, qui interprétait ses chansons avec une décontraction et une sobriété, qui faisaient le charme de son interprétation. A l’harmonica, il jouait souvent en octave-split*.
Alors qu’avant lui, on jouait souvent en première position*, il a imposé le jeu en deuxième position, notamment avec le titre Key To The Highway.
Au printemps 1966, il est pris dans une violente querelle de voisinage, dans laquelle il est abattu d’une balle en pleine tête.
Il s’appelait William McKinley Gillum, mais on le surnommait Jazz Gillum.
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* juke-joint : établissement aux Etats-Unis d’Amérique, où l’on joue de la musique, où l’on danse, où l’on joue à des jeux d’argent et où l’on boit beaucoup (non, pas de l’eau). C’était à l’origine un lieu très fréquenté par les Américains d’origine africaine du Sud des Etats-Unis. Installés à la périphérie des villes, dans des bâtiments délabrés et abandonnés ou dans des maisons privées, les juke-joints offraient de la nourriture et des boissons aux travailleurs fatigués. Une manière pour les propriétaires de ces lieux de gagner de l'argent en vendant de la nourriture ou de l'alcool de contrebande ou en leur louant une chambre bon marché.
Le terme « juke » viendrait du mot « jug », qui signifie « tapageur ». Quant à « joint », cela signifie « mixte ». C’était donc un lieu où se rendaient hommes et femmes (c’est mieux, pour danser). Les juke-joints furent les tout premiers lieux privés des Noirs issus de l’esclavage, qui voulaient s’éloigner de la pression raciale exercée par les Blancs.
* octave-split : technique qui consiste à couvrir plusieurs ouvertures de l’harmonica avec la langue, tandis que l’on souffle ou que l’on aspire dans les ouvertures situées de part et d’autre de la langue, par les commissures des lèvres. Par exemple, en procédant de la sorte en soufflant des les ouvertures 4-5-6-7 sur un harmonica en do et en bloquant les ouvertures 5-6 avec la langue, on obtient l’octave do-do.
* première position : le fait de jouer un morceau dans la même tonalité que celle dans laquelle l’harmonica est accordé, en utilisant beaucoup de notes soufflées, notamment dans l’aigu.
* deuxième position : le fait de jouer un morceau dans une tonalité située à une quinte juste au-dessus de la tonalité de l’instrument, en utilisant principalement les notes aspirées du registre grave.

Dixième photo
Cette antépénultième photo est en noir et… Gris. Globalement en gris. En blanc, nous avons : la chemise, dont les manches dépassent largement de la veste, avec de superbes boutons de manchette, la pochette et les dents de l’artiste, tout sourire.
Cravate noire, très fine, sur laquelle est dessinée un logo que je ne parviens pas à distinguer correctement. Non, ce n’est pas un signe maçonnique : les complotistes peuvent retourner se coucher.
Jolie veste à larges rayures. Trois boutons à la manche.
A force de décrire les vêtements que portent les stars du blues, je vais finir tailleur…
Ah oui, car ce moustachu un poil rondouillard est une grande star du blues !
On aurait du mal à le croire, assis sur une chaise de bar, un pied sur une mallette, dans un soulier vernis, un harmonica diatonique trop grand pour sa main gauche.
Tiens, d’ailleurs, quel est donc cet harmonica aussi grand ? Peut-être un Hohner Marine Band grave (un modèle dont les notes graves sonnent une octave en-dessous des notes graves d’un harmonica traditionnel). Ou alors…
Serait-ce un harmonica chromatique ? Je crois déceler une petite barre dépasser de l’instrument, que je distingue à peine, car elle est pratiquement de la même couleur que sa veste.
Mais si c’est le cas, il tient son harmonica à l’envers, car la « tirette » - que l’on pousse – devrait se trouver du côté droit et non du gauche, comme sur la photo. A moins que ce soit la photo qui ait été retournée horizontalement. Ce qui m’étonne surtout, c’est que je ne l’ai jamais entendu jouer du chromatique, seulement du diatonique.
Devinez un peu de qui il a été l’élève…
Sonny Boy Williamson II, encore lui !
Il l’avait rencontré, alors qu’il était encore adolescent. Il était tellement fan qu’il suivait son maître partout, jusqu’à ce qu’il acceptât de lui montrer tout ce qu’il savait sur l’instrument. Persévérant, il a joué dans son orchestre et l’a même remplacé dans certains sets, permettant au maître de se reposer et de boire un coup, pendant que son poulain progressait au contact du public.
À la fois chanteur à la voix veloutée et profonde, harmoniciste et auteur-compositeur, il s’est exprimé dans des styles de blues très variés, reprenant même des chansons des Beatles ! Il faut l’entendre sur Taxman et Tomorrow Never Knows pour apprécier la qualité de l’arrangement et de l’interprétation.
Vers la fin de sa vie, il affectionnait de plus en plus les ballades, prenant modèle sur Frank Sinatra et Nat King Cole.
Comme beaucoup de ses pairs qui ont connu les jeunes artistes blancs qui découvraient les racines du blues, il a pris beaucoup de plaisir à jouer dans des concerts de blues revival. Lui aussi devait entamer une tournée européenne. Malheureusement, atteint d’une tumeur cérébrale, il est mort dans l’opération qui devait le sauver.
Comme Papa Lightfoot, sa vie s’est arrêtée à l’âge de 47 ans.
Il s’appelait Herman Parker, on le surnommait Junior Parker.
Onzième photo
Cette photo, je l’aime beaucoup. Elle est en noir et blanc, à la base, mais elle a été teinte dans une couleur tirant sur le vert.
L’harmoniciste que l’on voit ici est blanc. Un Blanc ! Que fait-il dans ma collection de portraits ? Il est vrai que, par son accoutrement, il dénote de l’ensemble. Pas de costume trois-pièces, de pochette ou de montre en or, ses habits sont beaucoup plus décontractés : chemise à col américain entrouverte, manches retroussées et un simple jean. Un bracelet fait de trois cordes au poignet droit.
Sur cette photo, il a 27 ans. Heureusement, il ne fera pas partie du Club des 27, même s’il n’a pas vécu très vieux. En tout cas, sur cette photo, c’est un jeune moustachu de 27 ans. Son regard est dirigé vers le guitariste qui l’accompagne. Lu est à l’harmonica diatonique, micro entre les mains.
Car il aimait beaucoup jouer de l’harmonica amplifié, avec un son un peu sali, mais moins que la plupart de ceux qui jouent du Chicago Blues.
Ah oui, car le bonhomme vient de Chicago. Son père était un grand amateur de jazz Tout gosse, il apprit la flûte traversière, avant de se mettre à l’harmonica avant sa majorité. Puis au piano électrique, des années plus tard. Ce sont ses jeunes amis qui lui ont fait découvrir le blues. Nous étions alors à la fin des années 1950.
Intronisé par ses camarades dans les clubs des ghettos noirs, il a l’occasion de jouer avec Muddy Waters, Big Walter, James Cotton et bien d’autres. De jouer et de chanter, car c’est aussi un excellent chanteur.
En 1963, il fonde son groupe de blues, remarquable par sa mixité. Des hommes et des femmes ? Non, que des hommes, mais des Blancs et des Noirs. De quoi choquer dans une Amérique encore foncièrement raciste. De quoi se faire remarquer par des étudiants enthousiastes par cette formation.
Le producteur du groupe a une idée de génie : pourquoi ne pas donner un tournant plus rock à l’ensemble ? Cela pourrait faire le lien entre le blues noir des origines avec le public blanc qui, aux Etats-Unis, se régalait de rock’n’roll depuis une dizaine d’années déjà. Mike Bloomfield, un guitariste et chanteur blanc, résolument rock, rejoint le groupe.
En 1965, en pleine Beatlemania – les Beatles étaient aussi férus de blues et leur présence avait tendance à faire de l’ombre à de nombreux artistes – leur premier album est un énorme succès commercial, notamment avec le titre Born In Chicago.
C’est résolument ce groupe qui a transformé le blues noir en blues-rock, que des centaines de groupes de Blancs cherchèrent à imiter, pour se démarquer de l’influence des bluesmen noirs. Belle revanche pour le peuple noir, d’avoir su autant influencer les Blancs pour qu’ils en viennent à créer un mouvement artistique qui les distingue. Pas mal pour un peuple qui a subi quatre siècles d’esclavage et qui est encore victime aujourd’hui d’un racisme féroce.
L’influence des Beatles se fait sentir dans le groupe quand, en 1967, ils mêlent la musique classique indienne dans une musique déjà riche d’influences blues, rock et jazz.
Mais c’est quand le grand héros blanc s’est produit au festival de Woodstock en 1969, qu’il s’est hissé au rang de superstar. Il faut dire que son long solo sur Everything’s Gonna Be Alright – pour ne citer que ce titre – est on ne peut plus dansant et créatif. Son compagnon de route, Mike Bloomfield, s’en est très bien sorti aussi. Quelle puissance, quelle musicalité ! Et quelle inventivité à eux deux !
Pas facile de rester au sommet : souvent les grands noms de la musique explosent en plein vol. Peut-être que, se croyant invincibles, certains se croient le pouvoir de tout faire, au mépris du public. Or aucun artiste ne peut vivre sans son public.
Quand le groupe s’est éloigné du blues, Mike Bloomfield et deux membres fondateurs l’ont quitté, ce qui a ruiné la carrière de l’harmoniciste, qui s’est enfoncé dans la dépression et la prise de stupéfiants.
Pourtant, même si les albums suivants furent moins blues, il ne faut pas être un grand spécialiste pour remarquer l’influence de cette musique, saupoudrée sur l’ensemble de son œuvre. L’album de 1973 Better Days est très blues et chaque morceau qui y est interprété est un bijou.
Il continue d’avoir un public resté fidèle alors que les producteurs, les labels et les organisateurs de spectacles se détournent de lui.
Pourtant, comment ne pas se rendre compte qu’il est celui qui a fait la jonction intelligente entre différentes influences musicales, par l’apport gigantesque du blues noir ?
Déprimé au début des années 1980, il délaisse de plus en plus l’harmonica. Il enseigne tout de même son art. En fait, il continue d’être écouté par les harmonicistes de tout âge. Mais il faut être passionné par le petit instrument, pour le connaître. Le grand public, lui, l’a complètement oublié.
Dans son dernier album, il retrouve la ferveur de ses débuts, mais la dépression reprend le dessus.
Il meurt d’une overdose en 1987, à l’âge de 44 ans.
Il s’appelait Paul Butterfield.

Douzième photo
Ultime photo, en noir et blanc, d’un grand pionnier de l’harmonica blues.
Costume noir, cravate bariolée, légèrement de travers, l’homme d’origine africaine, aux fines moustaches, porte un grand chapeau blanc. Un chapeau de cow-boy ? Peut-être.
Il porte un harmonica diatonique à la main droite. Pose-t-il devant le micro dans lequel il est censé jouer ? Ou a-t-il finir d’enregistrer son morceau ? En tout cas, il est tout sourire. Si l’harmonica rend aussi heureux, alors cela vaut le coup de s’y mettre.
Des heureux, il en a fait. Et pas qu’une poignée ! Il serait vain de dresser la liste de tous les harmonicistes qu’il a inspirés.
Il était né avec la Première Guerre Mondiale.
Comme encore beaucoup d’enfants aujourd’hui, il reçut un harmonica en cadeau, de la part de sa mère – pardon, du Père Noël – alors qu’il avait tout juste onze ans. Sa mère, bien entendu, n’imaginait pas qu’elle lui fit là le plus beau des cadeaux.
Sa carrière n’a pas commencé très tôt, car il signa son premier contrat à l’âge de 23 ans. Bon, ce n’est pas vieux, mais d’autres sont devenus professionnels à un âge moins avancé.
Il était considéré à l’époque comme un musicien de country.
Son premier titre, Good Morning, School Girl, est immédiatement un succès commercial.
Puis les succès s’enchaînent, à tel point que, dans les années 1950, son nom de scène est synonyme d’harmonica blues.
Il est le très grand inventeur de techniques dont tous les harmonicistes utilisent aujourd’hui, aussi bien dans la country music que dans le blues, notamment le jeu en double-stop*.
Il savait swinguer comme personne à ses débuts et les effets de jeu qu’il mettait dans ses solos en faisaient des morceaux de bravoure. Tellement inspirant, tellement imité…
A l’instar de Jazz Gillum, il faisait partie de ceux qui ont imposé la deuxième position, qui devint une tradition dans le blues.
En tout et pour tout, il enregistra 120 titres en tant que vedette de l’harmonica et bien davantage en tant que side-man*.
C’est encore lui qui, avant Muddy Waters, fit la jonction entre le swing des groupes de jazz et le blues naissant, en créant le tout premier orchestre de Chicago blues électrique.
Que serait le Chicago Blues sans lui ?
Sa contribution à la musique blues fut tellement énorme, qu’un autre harmoniciste, très talentueux, a usurpé son nom de scène, pour s’attirer les foules. L’avez-vous reconnu ?
Quelle tristesse de penser qu’à l’âge de 34 ans, il fut assassiné à la sortie d’un concert, poignardé et détroussé à quelques rues de sa maison.
Ses derniers mots furent « Seigneur, ayez pitié ! »
Il s’appelait John Lee Curtis Williamson, mais on le connaît aujourd’hui sous le nom Sonny Boy Williamson ou Sonny Boy Williamson I (pour ne pas le confondre avec son usurpateur, Sonny Boy Williamson II).


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* double-stop : technique qui consiste à jouer deux notes adjacentes à la fois, soit pour accompagner la mélodie par une note plus basse qui s’accorde avec elle (magie de l’accord de l’harmonica) soit en jouant une note supérieure à la mélodie, qui permet d’obtenir une variation mélodique, jouée en même temps que la mélodie originale.
* side-man : musicien qui accompagne une vedette – un chanteur ou un musicien – en studio ou sur scène. Par exemple, Greg Zlap fut le side-man de Johnny Hallyday.
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Bertrand Carbonneaux

Un harmonica diatonique est un petit instrument de musique vraiment merveilleux.
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Questionnaire de l'Atelier des auteurs

Pourquoi écrivez-vous ?

Pour transmettre ma passion de jouer de la musique et faire sourire.
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