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Esther Mouche

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Œuvres

Esther Mouche


Il s'est assis en face de moi avec cette précaution ridicule que j'avais oubliée. Pour éviter ce face à face gênant, mon regard s'attarda sur ses chaussures, sorte de sandales un peu moches, mais pas trop. On s'embrassa. Il n'avait pas du tout changé après 5 ans. Toujours aussi beau. Mais je n'étais plus émue, de rien. Il avait pris contact avec moi par l'entremise de ce site de rencontres bien achalandé en détresses solitaires ou fringales sexuelles de toutes sortes. J'étais contente d'avoir de ses nouvelles. Simplement contente. Je lui proposai un verre. Et nous voilà ce dimanche, à la terrasse d'un café, sous un ciel lourd et laiteux. Lui drapé dans une posture trop empruntée, et moi déçue de ne pouvoir me réjouir de rien, pas même de sa beauté.
Il parla beaucoup. De ses aventures professionnelles et autres. Ça ne manquait pas de sel et d'heureux hasards qui laissent à penser que l'on est sur le bon chemin, que quelque chose s'ouvre en soi et devant soi. Peut-être l'ai-je un peu envié. Pourquoi la vie des autres parait-elle toujours un peu plus satinée, plus romanesque que la sienne ? Son départ de l'hôpital où il travaillait depuis 14 ans, ses adieux par mail où il racontait ses années de soins auprès des enfants. Et puis les retours qu'on lui avait fait, qui l’avaient autant surpris que touché. Je m'agaçais silencieusement de ces étonnements qui me semblaient feints. Comment peut-on s'étonner de recevoir des messages sympathiques, voire émus lorsqu'on a donné dans une lettre romancée tant d'amour, tant de sincérité comme il peut en mettre dans son travail. Il me semblait poindre une petite fausse modestie que je trouvais légèrement déplacée. Et puis il parlait, il parlait, racontant avec délices son nouveau poste de chef de service, fréquentant d'autres chefs de service dans un sombre marigot truffé de crocodiles. Il détestait ce monde vorace et pleutre. Il avait fondamentalement eu besoin d'une oreille capable de goûter l'intérêt de son récit de vie. J'étais de celle-là. Mais mon envie du partage s'était envolée.
Lorsque nous nous aimions, j'adorais ces moments de discussions intenses où l'écoute de l'autre était si profonde que la répartie n'en était que plus puissante, c'était vraiment très fort. Nous ne mâchions pas nos mots, il jaillissaient en cascade de nos bouches, pouvaient bouillonner un temps dans une écluse avant d'aller irriguer cette chair amie. Oui nos mots étaient de chair. Incarnés. Nos âmes conversaient allègrement et facilement.
Mais cette ouverture lui coûtait trop et régulièrement il appuyait sur pause, reculait de quelques pas, s'enfonçait dans sa douleur, et me repoussait. Peut-être me haïssait-il de lui faire vivre tant de plaisir dans son âme, dans son corps. Et moi je tremblais de le perdre, dans une douleur atroce. Puis le cycle recommençait. Il revenait, nous mêlions nos âmes incandescentes et il se consumait.
Il était fier de me raconter qu'il avait, un temps, rompu les liens avec sa famille, qui prenait tant de place dans ses empêchements. Comme s'il imaginait que ça me ferait plaisir. Que je n'attendais que ça pour revenir à lui. Il était fier de cet affranchissement et voulait que j'en témoigne. Ça ne m'indifférait pas vraiment mais j'étais simplement contente qu'il ait avancé sur ce chemin-là aussi. Mais enfin, froide. Je restais froide à tout cela.
Je lui racontais péniblement, avec lourdeur quelques moments de mes 5 ans à moi. Mais la romance se dérobait. Mes propos étaient plats, la chair était absente. Quand j'évoquai la mort de mes parents, dont celle de ma mère assez récente, il glissa un « oui, j'ai su », baissant les yeux. Il adoptait alors une moue de commisération qui m’insupportait au plus haut point, comme quelque chose de déjà joué d'avance, comme un processeur interne qui réglerait automatiquement telle attitude face à l'énoncé de certain mots. Mort = compassion, retrait, silence convenu, regard baissé pour ne pas être intrusif, menton contracté, jouées creusées, épaules rentrées...Le Christ en pénitence !!
Non !! Je ne voulais pas de ça. Mais je n'ai rien dit. Ça n'était pas nécessaire. Ce que nous allions faire de ces retrouvailles ne me concernait pas. Je ne craignais plus de le perdre, j'étais déjà loin.
Le soir je reçus un message me remerciant du plaisir qu'il avait eu à me revoir, avec une citation curieuse « Après un certain âge, toute personne est responsable de son visage ». J'imagine que ça se voulait flatteur. Mais peut-être pas au fond. Peut-être me détestait-il à nouveau, mais pour d'autres raisons. Je n'avais pas fait preuve d'enthousiasme et lui avais fait comprendre en rougissant que je ne souhaitais pas qu'il me raccompagne chez moi. Je voulais que cette entrevue prenne fin. Peut-être détestait-il celle que je n'étais plus face à lui.
Et peut-être ai-je aimé détester ses manières. Oui je crois. Ne pas me sentir happée par ce qu'il est, par son pouvoir de séduction, par ce faux calme, par cette belle gueule.
Non, amour, cette fois tu ne m'auras pas.
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Esther Mouche
Il s'agit là d'un texte poétique que j'avais écrit pour la scène, et servait de base à une improvisation musique et danse. C'était il y a longtemps en 2004 ou 2005.
Je vous le fais partager aujourd'hui
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Esther Mouche

Passée de l'exposition au regard
A l'écoute de l'intangible
A la douleur incarnée
Femme en détresse
Mère en souffrance
Sa maternité ravagée par cette lutte
Pour la vie de son bébé

Respire
Mal

Seule délaissée sur ce grand échiquier
Elle hurle sa douleur muette
Et colère que rien ni personne
Ne peut la sortir
De son enfer amniotique
Je suis là
J'ai envie de la prendre dans mes bras
Parce qu'elle aussi crie de ne pouvoir
Etre touchée
Rassurée
Par des bras grands ouverts

Et pendant ce temps
Tu n'étais pas si loin
L'amant voyeur
Le plaisir et la mort tapis dans l'ombre
La chaleur de ta voix
Derrière les sirènes de la réanimation
La vie le désir la mort la détresse
Je ne choisis pas
Sublime matin
Drôle de printemps
Vivant
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