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Mic Chan

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Œuvres

Mic Chan

Le mousse aux boucles d’or tremblait de peur sur le ponton du Grampus. L’estomac de Richard Parker était noué depuis la fête de la veille. Ce soir-là, Arthur Pym, un vieux cuisinier à la bouteille facile, avait raconté à l’équipage amusé « la très véridique histoire de la malédiction de Poe ».

« Un poète du nom de Poe », avait narré Arthur de sa voix éraillée, « avait promis à ses enfants, qui ne comprenaient pas la poésie, de leur écrire une histoire rien que pour eux. Mais il avait beau essayer, essayer et essayer encore, aucun mot ne lui venait. Alors, un soir sans lune et sans étoiles, il pria le Diable de lui offrir l’inspiration divine. Poe se mit soudain à écrire, frénétiquement : sa plume semblait se mouvoir d’elle-même, dans tous les sens, comme habitée par le démon. Il ne s’arrêta de gratter le papier que lorsque son œuvre fut finie et achevée. »
L’histoire de Poe traçait le tragique destin d’un jeune marin, Richard Parker, qui portait le même nom que le mousse du Grampus. Il survécut à un naufrage et s’enfuit à bord d’un bateau de sauvetage avec trois autres matelots. Quelques jours après leur fuite, les vivres vinrent à manquer. Les survivants décidèrent de tirer à la courte paille pour désigner celui qui serait mangé par les autres. Le mousse perdit et fut dévoré tout cru par les trois matelots affamés.
Le conte ravit les enfants de Poe. L’auteur décida d’écrire d’autres histoires morbides : ses œuvres furent couronnées de succès et, selon Arthur, elles perdurent encore dans la littérature d’aujourd’hui. Mais depuis la nuit maudite au cours de laquelle Poe avait prié le Diable, deux cas de cannibalisme sur deux jeunes garçons avaient fait trembler les chaumières. À chaque fois, le garçon s’appelait Richard Parker, il était mousse à bord d’un bateau qui faisait naufrage et l’enfant finissait dévoré par ses compagnons. Arthur se pourlécha les babines en observant Richard avec envie, et il ricana : « Jamais deux sans trois, petit ! ». L’équipage fut pris d’un éclat de rire général et le blondinet effrayé s’enfuit dans sa cabine.
« Ce n’est qu’une histoire », tentait de se persuader Richard sur le ponton. « Rien qu’une invention d’Arthur pour m’effrayer ». Le mousse aux boucles d’or leva les yeux au ciel en priant que rien de tout cela ne lui arrive. Mais le firmament ne semblait pas de cet avis.
Il se mit à pleuvoir des trombes d’eau, et bientôt, le vent se mit à souffler. La situation à bord dégénéra en un clin : une véritable tempête s’abattait sur le Grampus. Les voiles claquaient, le vent sifflait et les matelots hurlaient des ordres contradictoires. Une énorme vague déferla soudain sur le pont et emporta Richard sur son passage. Le garçon impuissant fut projeté sur le flanc du bateau. Alors qu’il allait passer par-dessus bord, il parvint à s’agripper du bout des doigts à une corde. Le frottement du fil tressé lui brula les paumes, mais il tint la corde de toutes ses forces pour ne pas tomber. Lentement, en serrant les dents à chacun de ses mouvements, Richard remonta la corde et se hissa à bord d’une petite embarcation de secours. Ici s’étaient déjà réfugiés trois membres d’équipage.
L’un deux, chauve avec une cicatrice qui lui balafrait le front, aboyait :
Coupe les cordes ! L’eau remplit les cales, le Grampus va couler ! Hugh, coupe les cordes, bon sang !
Un jeune garçon aux cheveux noirs, à peine plus âgé que Richard, trancha les cordes avec un long couteau à viande qu’il maniait avec rapidité et précision. L’embarcation tomba en chute libre sur la mer déchaînée. « La malédiction, la malédiction ! Pas la courte paille ! ». Les mots résonnaient dans la tête de Richard qui fermait les yeux et pleurait. Il ne regarda pas le Grampus se faire engloutir par les eaux, avalé par l’océan : le destin était en marche et il ne pouvait rien y faire.
Les quatre rescapés voyagèrent sans manger et en buvant de l’eau salée. Le chauve, Barnard, ainsi que le quatrième matelot, un petit homme ébouriffé prénommé Augustus, acceptaient leur sort. Ils mourraient de faim au milieu du Grand Bleu et seraient oubliés à jamais. Richard le pensait aussi. Les autres ne semblaient pas vouloir le dévorer : c’était un soulagement, mais le blondinet finirait tout de même par mourir. Seul Hugh restait confiant. Malgré la faim et le froid, il déclarait, inébranlable : « Je ne m’inquiète pas, je ne peux pas mourir ! ». Ses souffrances le rendaient-elles fou ou était-il inconscient ?
Contre toute attente, l’assurance du jeune brun fut récompensée : un matin, alors que tout le monde dormait, l’embarcation atteint le rivage d’une petite île, comme poussée par une force mystérieuse. À son réveil, Hugh s’exclama d’un « Hourrah ! » euphorique, tandis que les trois autres n’en croyaient pas leurs yeux. Richard pleurait de joie : ses nerfs ne supportaient plus la moindre émotion et chacune de ses pensées se transformait en torrent de larmes.
Les naufragés explorèrent l’île avec le peu de force qu’il leur restait. Ils traversèrent une forêt et atteignirent en quelques heures le rivage opposé. L’île semblait déserte, et dans la flore qu’ils purent observer, rien ne leur parut comestible. Sous l’impulsion de Barnard, ils installèrent un petit camp sur la plage, pour rester en vue des embarcations qui pourraient naviguer au large.
Hugh déclara sans hésiter qu’un bateau fendrait bientôt l’océan pour les secourir : il brandit son couteau et clama haut et fort qu’il ne pouvait pas mourir. Barnard, Augustus et Richard se laissèrent gagner par son enthousiasme, qui avait déjà fait ses preuves. C’était sûr, ils allaient être sauvés. La patience était le maître mot.
Les heures passèrent. La faim tiraillait l’estomac des rescapés. La confiance que Hugh avait inspirée à ses camarades s’estompa bien vite. Ils ne pourraient pas tenir trois jours de plus. Au matin du deuxième jour, Barnard disparut. Les trois autres le cherchèrent en vain dans la forêt et sur la plage. S’était-il donné la mort ? Mais pourquoi ne retrouvait-on pas son corps ? Le mystère faisait frémir Richard qui sanglotait, recroquevillé sur la large feuille qui lui servait de lit.
Le lendemain matin, le mousse aux boucles d’or s’éveilla en sursaut. À sa gauche, Hugh dormait paisiblement, un sourire au coin des lèvres. À sa droite, personne. Augustus n’était plus là. Richard se dressa d’un bond et réveilla son ainé.
— Hugh, Hugh, Augustus a disparu !
Le garçon aux cheveux noirs ouvrit lentement les yeux, incrédule, avant de saisir le sens des mots que prononçait Richard. Les deux adolescents ratissèrent à nouveau la forêt, sans résultat. Le blondinet mourrait d’inquiétude. Il s’assit à nouveau sur la plage, déchiré par la tristesse et la peur. Hugh le rejoint et s’installa à ses côtés. Il sortit son couteau à viande et se mit à trancher des brins d’herbe qu’il avait ramassés dans la forêt. Étonnamment, il ne semblait pas souffrir de faim ou de peur. Richard l’observa, hésita un moment, puis lui demanda :
— Hugh, comment fais-tu pour rester si calme ? On va tous mourir ! La malédiction de Poe s’est emparée de nous tous, par ma faute !
Hugh leva la tête et échangea un regard amusé avec son camarade :
— Mais non, mais non, je ne peux pas mourir, je te l’ai déjà dit. Tu sais, Richard, Arthur m’a aussi raconté une histoire, mais plus heureuse que la tienne. Il disait que depuis des siècles, les garçons appelés Hugh Williams, comme moi, survivent toujours à un naufrage. Alors tu vois, c’est pour ça que je ne m’en fais pas. Je vais survivre.
Richard ouvrit de grands yeux et s’étonna :
— C’est vrai ? Tu crois à cette histoire ? Mais alors, pourquoi n’avons-nous pas encore été sauvés ?
Hugh coupa un brin d’herbe en deux parties inégales et répondit :
— Selon l’histoire d’Arthur, à chaque naufrage, Hugh Williams est le seul survivant. Personne d’autre ne survit.
Le mousse aux boucles d’or ouvrit la bouche, mais il n’eut pas l’occasion d’exprimer sa surprise : d’un geste vif, Hugh transperça le cœur de Richard Parker avec la pointe de son couteau de cuisine. Le blondinet tomba sur le dos, sans vie, les bras écartés. Hugh s’approcha du cadavre. Il déposa au creux de la main gauche du garçon le plus court brin d’herbe qu’il avait coupé. Finalement, Richard Parker avait encore perdu. Hugh Williams déclara tout haut, d’un ton amusé :
— Je n’aime pas trop la viande froide mal assaisonnée, mais, comme on dit, jamais deux sans trois.
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