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Rosa Carmon

Ile-de-France.
Rosa Carmon

1.
J'accorde de plus en plus d'importance à mon alimentation.
Ce que j'ingère devient partie intégrante de moi, donc si je veux être une personne de qualité, je dois ingérer des aliments de qualité.



2.
Croire que tout est unique est un problème, un vrai problème.
Qui nous empêche de voir que pour toute situation, il y a un nombre infini de possibilités.



3.
Crier ou parler fort en principe relèvent d'une situation d'urgence.
Mais maintenant, les tons de voix sont tellement élevés qu'on ne sait plus faire la différence entre l'urgence et la normalité.



4.
Plus on attend et plus c'est difficile.
Certes attendre peut être utile, en particulier pour engranger des forces.
Mais au moment venu, il faut se lancer.



5.
C'est comme si je me réveillais un matin après des années d'amnésie et réalisais avec effroi que les personnes qui m'entourent sont des assassins en puissance et que l'endroit où j'habite est un enfer.




6.
Parfois, il m'arrive de parler de moi.
J'adore parler de moi, de ce qui m'occupe, m'anime.
Ce que je ne soupçonne pas toutefois, c'est la jalousie que mon mode de vie et ce que je suis peuvent susciter chez les autres.

Or, toute aura négative aura tendance à me tirer vers le bas et à atténuer l'éclat de ce que je suis.
Donc maintenant, je fais attention à ce que je dis et à qui je le dis .

Il y a des choses que je garde secrètes.
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Rosa Carmon


Pendant longtemps, j'ai aimé mon métier. Beaucoup, passionnément.
Pour l'élève que j'étais, aller à l'école était la bouée d'oxygène dont j'avais besoin, le seul endroit où on me (re)connaissait pour ce que j'étais : une bonne élève, calme et joyeuse, non exempte d'un certain humour caustique, soucieuse d'apprendre, de bien faire et d'avancer pas-à-pas.
J'aimais aller à l'école parce que c'est le seul endroit où j'existais tout simplement. Chez moi (il faudrait développer ce concept mais je me limiterai à dire que je ne me sentais pas chez moi là où supposément c'était chez moi), l'obscurantisme le plus total régnait : pas d'argent (mais j'appris bien plus tard que l'argent était là pourtant, mais pas pour moi), milieu très pauvre culturellement, et à une certaine époque, interdiction de lire et moqueries ou remarques diverses lorsque je faisais mes devoirs.
Dans le même temps, je découvrais un monde que je cultivais moi-même seule, d'une certaine façon, qui était celui de la spiritualité. Ma grand-mère, que je n'avais jamais vue à l'église pourtant, décréta que cela serait bien pour moi que j'aille au catéchisme.
J'aimais sincèrement y aller, mais très vite ma curiosité naturelle me poussa à poser des questions. Deux en particulier revenaient sans arrêt : comment était-il humainement possible qu'un homme marche sur l'eau et surtout, surtout, comment était-il humainement possible qu'une femme ait un enfant sans mari, ma mère n'en avait pas elle-même, et j'étais très intéressée par la chose et me sentais un peu dans la même situation que Jésus par rapport à cela. La femme qui nous assurait le cours me répondait par un « c'est une question de foi » qui ne me satisfaisait pas. Depuis, j'ai compris ce qu'est la foi, et ce que j'ai surtout compris, c'est que cette femme ne sachant pas quoi me répondre me répondait cela.
Quelques temps après ma première communion, ma mère, je ne sais toujours pas pourquoi, décréta que j'arrêterais le catéchisme, ce que je vécus comme une discrimination. Du coup, mes amis changèrent et je commençai à traîner avec ceux qui n'y allaient pas après l'école.

A dix ans, l'âge où ma situation empira très nettement, à savoir que dans le même laps de temps, ma mère perdit son emploi (et pendant qu'elle travaillait, sa patronne me gardait avec elle et une partie de sa famille dans l'arrière-boutique et là, je faisais mes devoirs au calme), elle épousa un homme des cavernes (celui qui m'interdisait de lire) et du coup, elle m'arracha à ma grand-mère, qui était la seule, avec la patronne de ma mère, à me prodiguer, chacune à sa façon, de ce dont j'avais besoin : de concentration pour travailler et d'amour.


Ma mère a un jour décidé de se marier pour, disait-elle, me donner un cadre.
D'accord.
Louable entreprise.
Sauf que le cadre qu'elle m'offrait ne correspondait pas du tout à ce dont j'avais besoin.
Un homme des cavernes. C'était (il est mort, il s'est suicidé) un homme des cavernes.
Et dire que le précédent amoureux qu'elle s'était trouvé travaillait à l'Aérospatiale à Toulouse et que j'étais (et je suis toujours) passionnée d'astronomie. Il avait téléphoné « chez nous » (enfin, chez eux, et où j'habitais aussi) pour tenter d'avoir une explication à ce qu'il se passait, c'est moi qui avais répondu et je lui avais dit : « délivre-moi, viens me chercher ».
Et il ne l'a pas fait.
Ce changement supposait aussi changer de secteur d'école (et de la ville passer à la campagne la plus complète), d'amis, d'environnement culturel, social, une régression en somme énorme.


Je commençai, quoique très jeune à lire sur les religions, et me construisis une religion hybride entre ce que je lisais du judaïsme, que j'appréciais beaucoup pour l'espoir qu'il me transmettait, et du protestantisme, qui m'attirait beaucoup pour sa sobriété, et le catholicisme pour l'idée d'amour inconditionnel, celui dont j'avais cruellement besoin.
Parfois, je regardais Jésus sur son crucifix, je l'avais caché sous mon lit (un jour, ma mère entrant par surprise alors que je priais me dit que « tout ça, c'était des bêtises » alors je décidai de le cacher sous mon lit), un jour, je regardais Jésus sur son crucifix et je lui dis : « t'as du bol, toi, t'es mort ».


Un jour, face à l'immensité de mon désespoir, je me regardais dans la glace et face à l'immensité de mon désespoir, je me dis que je n'avais que trois solutions : soit me suicider et en finir dès maintenant, soit feindre la maladie au risque de demeurer dépendante toute ma vie de la personne que j'aimais certes, mais qui me faisait du mal, soit réussir mes études.


C'est là que je décidai qu'il fallait à tout prix que je réussisse mes études.
Comme l'homme des cavernes m'interdisait plus ou moins de lire, je me jetai à corps perdu dans les mathématiques, où après un court temps d'adaptation, je me mis à exceller. Mon goût immodéré pour l'astronomie trouva là un moyen d'expression idéal.
Le monde de l’abstraction des équations et de la géométrie fut le lieu où je me réfugiais pendant ces années.
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Rosa Carmon

Mon cœur est en deuil. Mon cœur pleure.

Impossible de dormir: les minutes semblent des heures.


J'allume mon ordinateur ...

Et là, je vois, je n'y crois pas.

Ma ville préférée meurtrie à jamais.

Qui a osé à elle s'attaquer?

La ville où je t'ai aimée
Et où nous nous sommes quittées
Comme la vague va et vient
Notre amour est né, puis s'en est allé
Où es-tu ce soir ma bien-aimée?
Je prie le ciel que le destin t'ait épargnée

Mon cœur saigne
De toute ma haine

Ma ville préférée au cœur touchée
C'est à mon âme que la guerre vous déclarez

Ce soir,
la mer hurle son désespoir

Sur la Promenade des Anglais
je me vois déambuler
Comme je le fais à chaque fois que j'y vais
pour auprès de toi me ressourcer

Sur la plage les bras en croix
Sous le soleil, face à la mer, je garde la Foi.
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Rosa Carmon
Le syndrome de Galilée, c'est-à-dire savoir quelque chose que le monde n'entend pas, ne veut pas entendre et ne fera rien pour entendre, est sans doute celui qui est le plus difficile à vivre.
Il doit bien y avoir pourtant dans le monde quelqu'un-e pour entendre ce que l'on a à dire et y accorder le crédit que cela mérite.
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Rosa Carmon


Agitation sourde dans les couloirs. Que se passe-t-il donc ? Sur la porte vitrée, deux mains dans deux manches bleues- l’agent de service sans doute- tambourinèrent violemment.
Au feu ! Au feu !
Je fis sortir les élèves rapidement avec une certaine angoisse et nous nous engageâmes dans l’escalier.
En bas, les choses étaient mystérieusement calmes ; une rumeur courait : que le feu du troisième étage avait été dominé ; mais que le lycée continuait à être occupé.
Mes élèves avaient disparu ; seuls deux jeunes téléphonaient : « On nous demande de quitter le lycée le plus vite possible, vite, vite viens-nous chercher ». J’avais envie de leur arracher le portable des mains et de demander aux parents : « Alors, c’est comment dehors ? ». Mais je ne pouvais pas agir ainsi : j’étais le professeur, je me devais à une certaine retenue.
Les élèves avaient le droit, le devoir de prendre congé ; en revanche les professeurs devaient se ranger dans la cour. C’était quoi cet enfantillage ? Cette humiliation ? Les professeurs se ranger comme de vulgaires employés d’une entreprise chinoise ? J’étais pour l’autorité certes ; mais cette mesure me paraissait démesurément exagérée, hors de propos. Mes années d’engagement dans le syndicalisme m’avaient donné une image noble du métier ; où le savoir et l’envie de transmettre prenaient le pas sur un quelconque endoctrinement.
Mes collègues étaient tous rangés, que faire ? Je décidai d’en faire de même. Je fus surprise par mon attitude ; après un début de carrière soumis à l’autorité, à la hiérarchie, j’avais appris peu à peu à ne pas me laisser marcher sur les pieds et à faire respecter mon point de vue. L’ambiance était assez tendue. Un homme mitrailleuse entre les jambes demanda le nom à la première personne de la première colonne à partir de la droite. D’autres soldats armés eux aussi nous encadraient. L’homme à la mitrailleuse chercha dans une liste, marqua quelque chose, puis passa au second. Où était donc passée ma répartie, mon esprit critique ? J’étais paralysée et mon regard se portait sur la mitrailleuse. Un prof devant moi essaya de fuir, j’aurais dû le suivre ; à plusieurs on aurait peut être pu tromper leur attention. Je me dis que de toute façon, il faudrait être beaucoup plus pour tromper leur attention et qu’une tentative isolée serait bien vaine. Je ressentis une vive angoisse dans la poitrine ; l’homme continuait son interrogatoire pendant que le fugitif était ramené manu militari dans les rangs.
J’étais dans un supermarché, ma grand-mère me tenait pas la main, j’aimais ce contact doux. Un couple de vieux apparut devant nous, au détour d’un rayon. Ma grand-mère m’empoigna violemment, viens, il ne faut pas leur parler, c’est de leur faute.
Je savais que ces gens habitaient près de chez nous, lorsque je passais devant chez eux, ils me faisaient un léger signe de tête et faisaient mine de s’approcher de moi, un jour, ils me tendirent même une pomme, mais on m’avait interdit, alors je m’enfuis sans me retourner.
Je ne comprenais pas très bien, mais un jour, c’était le jour de la Toussaint, ma tante qui était bavarde, mais bavarde, me raconta que c’était de leur faute si on allait fleurir la tombe de la petite, la fille de mamie, morte il y a bien longtemps. Le médecin était parti en précipitation avec sa famille à cause des voisins, et n’était donc pas venu soigner la petite. Devant la tombe, je me cachais dans les jupes de ma grand-mère, je n’osais pas regarder en face de moi, toutefois je parvins à distinguer deux dates : 1940-1942.
Seul le fils du médecin était revenu de ce long voyage, à présent c’était notre médecin. J’adorais aller le voir, il me faisait beaucoup rire –mais étant enfant, tout me faisait rire-, mais lui ne riait jamais, on aurait dit que son regard était resté là-bas, Dieu sait où, dans ce voyage obscur, mais moi, j’adorais quand il m’auscultait, il avait les mains si froides que j’en avais les chatouilles.
L’homme en uniforme demanda le nom de mon voisin, mon regard s’embua de larmes à la seule idée que pour vivre ne serait-ce que dix minutes de plus, j’aurais été capable de dénoncer la terre entière et les poissons avec. C’était insupportable. L’homme me demanda mon nom : « Dix minutes de plus, s’il vous plaît, je vous en supplie ». Puis plus rien.
Lorsque j’ouvris les yeux, tout était blanc autour de moi. Je vis une infirmière, en blanc aussi. Lorsqu’elle me vit, elle sourit et me dit d’une voix tonitruante : « Ah, ça y est vous êtes réveillée ? Vous pouvez partir, ça va mieux ». Ah, dans ce cas alors … Je m’habillai, rassemblai mes affaires … et en me tournant, je vis un homme appuyé contre le mur. Peut-être était-ce le médecin, en tout cas, il ne parlait pas, et il se tenait bras croisés, un pied contre le mur, bizarre pour un médecin. Lorsque je passai près de lui, il me tendit la main machinalement sans me dire un mot. Je la lui serrai, qu’est-ce qu’elle était froide... L’homme qui m’avait demandé mon nom m’attendait à la porte.
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Rosa Carmon

Parfois, c’est l’amour qui motive le voyage.
Une rencontre, comme tant d’autres.
Une question, anodine. « Et vous, vous venez d’où ? ».
« Je suis serbe ».
« Serbe, comme les méchants que l’on voit au journal télévisé ? ».
« Oui, c’est ça... Vous avez de l’humour, vous, on dirait ».
Sourires.
Puis, la longue, la lente, la nécessaire déconstruction.Au début, j’avais peur d’aller en Serbie. Peur de me confronter à l’inconnu. C’était une époque où, hélas, mon idée du voyage se résumait à une vision très étroite, pour ainsi dire très touristique. Je ne sortais pas foncièrement des sentiers battus.Alors plutôt que de me rendre directement en Serbie, je décidai d’organiser un voyage en Croatie.
Curieuse prise de contact, qui pourtant fut nécessaire à l’heure de comprendre ce qui se passait dans les Balkans.
En 2003 la Croatie était loin du boom touristique qui la caractérise aujourd’hui, mais présentait déjà quelques inconvénients liés au tourisme de masse : certaines destinations très fréquentées, personnes parfois désagréables et plus intéressées par le profit que par un contact humain. Mon voyage n’en demeura pas moins très positif avec des rencontres déterminantes, ainsi que la découverte d’un patrimoine, de paysages fabuleux et d’une mer d’une beauté et d’une limpidité telles que j’avais là l’impression, moi qui suis toujours très craintive lors de mes baignades dans l’océan, de plonger à la piscine municipale. Ce séjour fut ponctué par une escapade au Monténégro.A l’époque, ce pays n’était pas séparé de la Serbie. A l’époque, l’autobus de Dubrovnik laissait les passagers à deux kilomètres environ de la frontière qu’il fallait traverser à pied avant qu’un autre bus mène ces mêmes passagers vers Igalo et Herceg Novi. Traversée en plein cagnard d’une frontière qui n’existait pas quelques années auparavant. J’aide une vieille dame à porter son bagage, on dirait que c’est sa vie qu’elle transporte ainsi. Elle n’est pas la seule, la file des vieilles dames qui portent leur vie dans leur valise est longue, et je suis dans cette file, interminable. Elles ont toutes deux passeports dans la main. Le soleil tape, j’irais bien m’abriter sous un arbre au bord de la route, mais un panneau « Attention, mines » m’invite à rester là où je suis. Enfin, la frontière est passée.Et là, changement de décor. Changement de monde. Un panneau « Yugopetrol » situe bien les choses. Un bus brinquebalant me mène à Kotor. Je suis subjuguée. Il n’y a presque aucun touriste. Un type fait griller du maïs. Je rentre pour la première fois dans une église orthodoxe. Je trouve une chambre chez l’habitant à 8 €. Je mets trois heures à déchiffrer la destination de mon bus écrite en cyrillique.
A Herceg Novi, je rencontre deux jeunes qui me demandent de les prendre en photo. Vous venez d’où ? De Belgrade. Belgrade... Et si j’abandonnais mon projet de Croatie et je partais là-bas, à Belgrade ? Rêve inaccessible, si proche pourtant...
Tout abandonner et partir. Depuis le bus qui me ramenait vers la frontière avec la Croatie, je vois une petite île dans les bouches de Kotor. Perast, me dit le chauffeur. Idée fixe : celle de revenir ici. Erreur, grave erreur : l’instant se prend au moment où il se présente, sinon après c’est trop tard.Lorsque je revins à Perast des années plus tard, j’avais du mal à circuler dans la rue tellement il y avait du monde. Un semblant d’office du tourisme (qui en fait était une dépendance du principal hôtel de la ville) me dit qu’il me serait dur, mais vraiment très dur de trouver une chambre. Combien de personne ? Une seule ? Ah, non, inutile de rester ici, vous ne trouverez jamais. Silence. Je puis toutefois vous proposer une chambre à 100 euros. 100 euros !!! J’erre dans les rues, sans savoir quoi faire. Je demande à tout hasard à une femme dans un jardin si elle ne connaîtrait pas un endroit où je pourrais dormir. Elle m’indique une maison au loin. 10 euros la chambre, ça va ? Oui, très bien. On m’oblige à m’assoir, à manger, à boire sous la tonnelle. Je retrouve un peu ce que j’avais connu lors de mon premier séjour sur ces terres. « Ma » chambre est en travaux mais tout à fait habitable. Le propriétaire, sentant la manne qui s’annonce, réalise des chambres destinées au tourisme. Depuis la mienne, on voit les étoiles et les Bouches du Kotor.
Finalement, mon rêve s’est réalisé, quoique pas tout à fait dans les conditions espérées.Je ne sais pas ce qu’il se serait passé si, lors de mon premier séjour au Monténégro, j’étais restée à Perast puis allée à Belgrade. Sans doute, n’aurais-je pas connu la Croatie à la meilleure époque où je pouvais la connaître, ni profité des bienfaits que j’évoque plus haut. Sans doute n’aurais-je pas fait le voyage retour vers la Croatie sous, cette fois, une pluie battante, avec toujours l’impossibilité de s’abriter sous les arbres. L’eau ruisselait sur mes joues (pluie ? larmes ?) pendant que deux jeunes femmes dansaient sur la route, complètement trempées elles aussi, en hurlant qu’elles étaient bosniaques, de Sarajevo et les femmes les plus heureuses du monde.Sans doute, n’aurais-je pas connu Danica et Rajko.A Split, ville dont l’ambiance ne m’a pas spécialement plu, je commençais à éprouver une légère fatigue. Il était temps de rentrer. J’appelai l’agence Eurolines de Milan (retour en bateau jusqu’à Ancône, puis train jusqu’à Milan). Bus complet pour les quatre jours suivant. Quoi ? Ça coupe, ma carte téléphonique est vide. Je rappelle. Bus complet sur huit jours. Je commence à réserver le premier billet disponible. Ça coupe. Je rappelle. Mon billet a quand même été réservé. Ouf... Mais il me reste quelques jours à occuper...Que faire ?
Je décidai de poursuivre mon périple en Croatie. Bonne idée : découverte de Šibenik, de Krka, de Primošten. Mes hôtes étaient très sympathiques. Un soir, alors que la rakia coulait à flot, les deux se mirent en silence et me regardant droit dans les yeux, me dirent : « Nous aimerions te parler de quelque chose ». Silence. « En fait, nous ne sommes pas croates, nous sommes serbes. » Explosion de joie. Explosion de joie partagée, la rakia coule à flot. Ils me proposèrent de m’emmener dans le Krajina, enclave serbe de Croatie, située après Krka. J’acceptai, bien sûr. Nous voilà les trois dans la petite Yugopatrol de Rajko. Paysage idyllique. Petit air de départ en vacances en famille. Tout à coup, la route devient de très moins bonne qualité. « Bienvenue chez nous, bienvenue dans le Krajina ». Monuments aux morts à terre, impacts de balle visibles sur les maisons, certaines sont carbonisées, des enfants jouent dans une remorque. Je ne sais pas quoi penser, alors je me dis que le mieux est de ne pas penser. Ne pas juger, ne pas chercher à comprendre. Être là, juste là, devant ce paysage de désolation. On s’arrête devant un bâtiment à moitié détruit. Rajko me demande de les prendre en photo lui et Danica devant ce bâtiment, l’école qu’ils ont fréquentée. Ils posent et moi, je tremble tellement j’ai peur de rater la photo. Rajko fait un V avec ses doigts. Mes mains tremblent et je ne veux pas savoir ce que veut dire ce V. Je prends plusieurs photos et veux m’approcher du bâtiment. J’aimerais exprimer quelque chose. Un cri m’en empêche. Ici il n’y a pas de panneau « attention mines ».Alors, si aller en Serbie était une évidence, depuis cet épisode c’est devenu une obsession, presque une nécessité. Après mon expérience dans le Krajina, je me mis en tête d’« aider » les Serbes, mais je ne savais pas trop comment, peut-être au moyen d’une ONG, d’une association. Je compris très vite que les Serbes n’avaient absolument pas besoin d’aide et que tout au plus ils avaient juste besoin qu’on aille les voir. Malgré tout, ne pouvant céder à ma bonne conscience, je m’inscrivis à un chantier écologique au lac Ludaš avec l’association Rempart. Il s’agissait de construire des plateformes pour inviter les oiseaux migrateurs à revenir nidifier dans la région, ils avaient en effet modifié leur route, peut-être à cause de la guerre. Alors, je découvris la Vojvodine, ses plaines surchauffées sous le soleil de juillet, ses champs de tournesol, son multiculturalisme. Hongrois, Gitans, Croates, Roumains, Slovaques et bien sûr Serbes cohabitent sur ces terres très marquées austro-hongroises. Bonne entrée en matière...A Sremski Karlovci, on frappe à la porte de ma chambre.
Mon hôte. Tu viens avec nous prendre un café ? L’accueil serbe. L’accueil inconditionnel du voyageur de passage. J’apprends très vite que l’invitation au café –café turc bien sûr- n’est en fait qu’une invitation à boire un verre de rakia. Enfin, un ou deux. La rakia est partout : elle accueille le visiteur, elle accompagne le petit déjeuner. Désireuse de m’habituer à cette nouvelle coutume, je demande s’il faut boire son verre avant, pendant ou après le petit-déjeuner. « On le boit avant, pendant et après ». Je teste. La chaleur m’envahit et elle n’est pas que dans l’air ambiant de Vojvodine. « C’est quoi tes projets pour aujourd’hui ? » Déjà me lever de la chaise me paraît insurmontable. Il n’est que neuf heures du matin, le soleil se lève tôt en Serbie. Il n’est que neuf heures du matin et ce n’est que mon premier voyage en Serbie. Des verres de rakia, il y a en aura eu d’autres, et ils auront ponctué mes rencontres.Les gitans à Novi Sad. Un restaurant où un orchestre joue pendant que vous dînez. Tout à coup, un cri. Un type, au ventre lourd de son ivresse (plusieurs bouteilles trônent sur sa table) se lève, jette au ciel une liasse de billets et hurle : « rakia pour tout le monde, c’est moi qui invite ». J’hallucine et ne sais pas très bien comment me situer. Je fais mine de sortir un billet moi-aussi pour payer l’orchestre. Ça fait rire les gitans, qui m’indiquent de le ranger. L’avantage de rester quelques jours dans le même endroit permet de recroiser des destins. A la forteresse de Petrovaradin, une femme qui tient une galerie me reconnaît. Elle n’a pas très bonne mine, moi non plus. Elle était au restaurant aussi la veille. Nous bavardons un petit peu, puis regardons le Danube, les barges qui remplacent le pont détruit par l’OTAN. Les Serbes sont comme ça, vous êtes là, avec eux et ils ne posent pas de questions.
En Croatie ou au Monténégro, la question incontournable : « Et ton mari, il est où ? ». Là, rien, vous êtes là, c’est tout. Vous êtes entre Ecka et le parc Carska Bara au bord de la route, dans un coin perdu d’un pays perdu, alors on s’arrête, on vous véhicule jusqu’au hameau suivant. « Ah, vous êtes française ! Ah, oui.. Mitterrand ». Et c’est tout, et les destins se re-séparent. Juste un au-revoir et ce regard mélancolique, si balkanique qui vous accompagne quelques instants alors que vous poursuivez votre chemin. Une autre personne s’arrête et ainsi de suite.Un jour, lors d’un voyage de retour en France, la douane arrêta le bus au niveau de Strasbourg. L’agent me fixa, reposa ses yeux sur mon passeport et me dit : « Vous allez souvent en Serbie, dites-moi ».
J’y sentis une interrogation, peut-être même un interrogatoire, presque un reproche. Une envie de savoir. Une question. La question que l’on ne m’avait jamais posée en Serbie. Mais que l’on me posait beaucoup en France.
J’hésitai entre « ben, oui, je participe à un trafic d’armes » et « mêlez-vous de ce qui vous regarde ».
Ce fut « Je suis amoureuse » qui m’échappa toutefois, sans savoir si je parlais du pays ou d’une personne.
Depuis, l’amour s’est tari. L’amour s’est envolé au gré du vent des routes balkaniques, lors d’un voyage de retour de Belgrade à Paris.
L’amour est mort entre les Dolomites et le lac de Garde, et mes voyages en Serbie ont cessé.
Je n’y suis pas retournée depuis et je me dis que j’aimerais bien retrouver ce pays, savoir où il en est en ces périodes encore plus difficiles.
Nostalgie d’un pays, nostalgie de la personne aimée.
A quoi bon y aller maintenant ? Pourquoi ?
Je sais qu’un jour, pourtant, il faudra que j’y retourne. Je ne sais pas quand, mais un jour...
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Défi
Rosa Carmon
Pour illustrer le texte "je suis", rien de tel qu'une photo de moi. © Monique Kooijmans
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Défi
Rosa Carmon


Liberté, je chéris ton nom
Longtemps, je t'entrevis en moi.
Comme un rêve éloigné,
Quelque chose qui n'existe point
Que pour les histoires insensées

Celles que personne ne croit.


Longtemps, un être en dichotomie
Fut le fondement de mon identité.


En ce moment, je te vois.
Le ciel étoilé hurle ce que tu es
Et en moi, j'entends ton cri désespéré.


T'écouter est une idée
Je ne puis plus longtemps résister …
Toutefois, si une chose est d'y penser
Y œuvrer est plus compliqué.


Coordonner ce que je suis
et ce que m'offre mon humble vie
est un projet quotidien
Mon défi
Peut-être une divine mission
Celle que l'Univers en tout cœur choisit de décerner.


Le mien, Liberté, n'écoute que toi
Tu es comme une Loi
Te respecter est une nécessité.


Si un jour, je cesse de t’obéir
Tu es priée de me remémorer
Ton, mon noble décret.
Celui de te respecter.
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Rosa Carmon



Lasse des déambulations inutiles
Egarée dans les méandres futiles


Bon an, mal an, je pris une décision :
Opter uniquement pour ce qui est bon
Nager dans la plus grande félicité
Heureuse à toute heure de la journée
Evacuer mes mauvaises pensées ... allez, allez

Unifiez unifiez !
Refrain magique du bonheur assuré.




Il serait long de
Lister




Encore et encore un
Savoir malheureusement si peu développé …
Tout ce que je puis dire, c'est que


Le bonheur est
À portée de main à qui le veut bien !
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Rosa Carmon

Aimer jusqu'à n'en plus pouvoir
Bâtir sa vie sur du concret
Comprendre, même et surtout l'inconcevable
Décider que tout est là, maintenant
Entre ce qui est et ce qui était, mon choix est
Fait, entériné, définitif.
Guérir les blessures du passé
Humer l'air de la brise du matin
Injecter le bonheur en intraveineuse
Jeter l'inutile, enfin, non, recycler
Kaléidoscope de la vie, je regarde
Le spectacle du
Monde, qui se meut à chaque seconde…
[…]
Non ! Plus jamais !
Opprimer ?
Persécuter?
Quel maître écoutes-tu lorsque tu te livres à ces actions ?
Raisonne un peu, que diable !
Si tu as un libre-arbitre, c'est bien parce que
Tu Es ce que Tu ES …
Utilise-le !
Vaurien que tu es ! Moi, je pars en
Week-end, pendant ce temps, tâche de travailler ta
Xénophilie, le monde
Y gagnera en
Zénitude et sérénité.
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Vous êtes arrivé à la fin
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