Chapitre 4

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Assise sur un banc, perdue dans ce labyrinthe, Alice, la tête rejetée en arrière, les yeux entrouverts, regardait les flocons de neige descendre du ciel. Ses pensées s’effilaient au fil des secondes : plus rien n’avait d’importance. Rien d’autre que le ciel éclairé de ces quelques rayons de lune, et le vent accompagné de cette quiétude oubliée depuis trop longtemps. Dans le lointain, une douce musique retentissait. Lente et paisible, elle résonnait à travers la nuit, soulevant le cœur de la jeune femme de quelques bonds. Assise là, au milieu de nulle part, elle se savait protégée. Pourtant, quelques craquements de pas dans la neige l’obligèrent à rouvrir les yeux. Étonnée, son regard tomba sur la silhouette élégante d’un homme qui la regardait, immobile. Sans mot dire, Alice le détailla avec curiosité. D’ici, elle ne discernait par les traits de son visage, mais son allure lui rappelait sans mal l’image anglaise de ces gentlemen au veston taillé, appuyés sur une canne, la tête surmontée d’un chapeau haut-de-forme.

- Bonjour, Alice… souffla-t-elle d’une voix douce en s’approchant d’elle.

- Bonjour, répondit-il simplement, les yeux rivés sur cette étrange apparition.

Sur ses gardes, elle observait le moindre de ses gestes. Il ne se montrait pas hostile pour l’instant, mais savait-on jamais. L’innocence des lieux et leur beauté ne devait pas lui faire oublier qui elle était et, surtout, dans quel monde réel elle vivait. Car tout ceci n’était que chimère, n’est-ce pas ? Un doux rêve sucré empreint d’une pureté enfantine désormais perdue.

L’homme arriva à sa hauteur. A présent, Alice discernait les traits de son visage. Un visage auquel on ne pouvait donner aucun âge, à la fois tendre et dur, jeune et terriblement vieux. Sage et insouciant. Cette multitude de paradoxes se retrouvait dans la lueur pétillante de ses yeux verts. Silencieuse, Alice se contentait de le dévisager avec la même curiosité. Amusé, l’inconnu se pencha légèrement vers elle en une demi-révérence.

- Tic. Toc. Le temps passe, Alice.

Intriguée, la jeune femme arqua un sourcil, répondant en miroir au sourire amusé qu’arborait son interlocuteur.

- Indéniablement, en effet…

Lorsque l’inconnu plongea sa main dans la poche de son veston, les muscles d’Alice se tendirent ; mais il n’en ressorti qu’une petite montre à gousset se balançant au bout d’une chaîne d’argent.

- Ceci, est le temps qu’il te reste.

- Vraiment ? répondit la jeune fille en un souffle, toujours aussi amusée.

- Vraiment.

L’homme, sans plus d’explications, attrapa la main d’Alice et y déposa le petit objet.

- Et le temps presse.

- A qui ai-je donc l’honneur pour assister à un tel discours ?

- Un Etranger.

L’Etranger s’assit à côté d’elle sur le banc et le silence les enveloppa un instant. Les yeux d’Alice tombèrent alors sur la montre qu’elle tenait entre ses doigts et la tourna délicatement dans tous les sens. Elle cherchait un indice, une faille. Lorsqu’elle ouvrit l’objet pour lire l’heure, elle se rendit compte qu’il était cassé. La petite aiguille rivée sur le 6, la grande sur le 12, rien ne bougeait.

- De plus en plus curieux, laissa-t-elle échapper.

Un rire franchit les lèvres de l’Etranger qui la fixait. Alice ne parvenait pas à discerner les émotions passant dans ses yeux, cela la dérangeait. D’ordinaire, elle n’avait pas de mal à cerner les personnes qui l’entouraient, cela lui permettait d’entrer dans leur jeu, de revêtir les masques adéquats, de feindre comme le voulait cette société emplie d’hypocrisie. Pourquoi son rêve l’empêchait-elle d’agir comme elle l’avait toujours fait ?

- Dépêche-toi de retrouver ton chemin, Alice. Avant qu’il ne soit trop tard pour toi.

Surprise par ces propos qui ne sonnaient pas comme une mise en garde mais plutôt comme une supplique tintée de désespoir, elle garda le silence. La main de l’Etranger se posa sur sa joue. Elle diffusa en son être une profonde chaleur, malgré son évidente froideur au toucher.

- Le temps. Le centre. Tu as toutes les cartes en main…

Sans ajouter une seule parole, laissant Alice en proie à ses interrogations, l’Etranger reprit sa canne et disparut derrière les haies.

A nouveau seule, Alice regarda un instant l’endroit où l’Etranger avait disparu avant de baisser les yeux sur sa montre. Amusée par le défi que lui envoyait son inconscient elle se leva, bien déterminée à le relever.


A SUIVRE.

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