54. Divine tempête russe

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Clémentine

Je m’engouffre dans mon appartement et referme rapidement la véranda, mouillée jusqu’aux os alors que je n’ai fait que le trajet entre le restaurant et mon appartement, à savoir un escalier, grosso modo. Foutue Normandie que nous passons notre temps à défendre à coups de “mais non, il ne pleut pas tout le temps ici !”. Tu parles, là, c’est un véritable déluge qui s’abat sur la côte et la mer est déchaînée.

Je brandis victorieusement mes poireaux et mes carottes alors que mon assemblée est totalement inintéressée par mon arrivée.

— Hé, j’ai bravé vents et marées pour pouvoir compléter notre potage, vous pourriez quand même faire mine d’être fiers de moi, ris-je en venant m’ébrouer près de Lisa.

— Eh ! Mais t’es toute mouillée ! Arrête ! On attend de voir le reportage à la télé !

— Oui, il pleut des cordes, ce n’est pas ce soir qu’on va faire une balade au bord de l’eau.

Je soupire en gagnant mon coin cuisine, où Alex est déjà en train d’éplucher des légumes. Son regard se porte sur mon tee-shirt blanc trempé lorsqu’il relève la tête, et il se racle bruyammant la gorge avant de reprendre sa tâche. Est-ce utile de dire qu’un regard du Russe suffit à me réchauffer ?

— Tu devrais aller te changer, tu vas attraper froid, comme ça, me dit-il en admirant à nouveau ma poitrine.

— Tu ne veux pas un câlin tout mouillé d’abord ? souris-je en venant me presser contre son flanc.

— Je ne dis jamais non à un câlin venant d’une jolie femme comme toi.

Il m’enlace en posant ses mains dans mon dos et m’attire contre son torse. Je passe mes bras autour de son cou et niche ma tête sur son épaule, savourant la chaleur de son corps.

— Tu vas être tout mouillé, Papa-Thor.

— C’est grave ? On pourra se sécher mutuellement quand on aura fini ce gros câlin.

Il plonge son magnifique regard océan dans le mien. Il est si intense, j’y lis tout le désir qu’il a pour moi et je ne peux m’empêcher d’y plonger avec délice en jouant avec sa barbe du bout de mes doigts.

— Grave, je ne pense pas, mais si nous sommes tous les deux malades, ce sera en revanche ennuyeux pour le Plaisir Normand…

— On ne tombe pas malade parce qu’on est mouillés, tu devrais le savoir mieux que moi, non ? me dit-il avec son petit sourire espiègle.

— Tu as raison, ris-je en venant l’embrasser sur la joue. Pourquoi veux-tu que je me change, alors ?

— Parce que tu es magnifique et que te voir nue est toujours un régal.

— Profiteur ! Tu devrais avoir honte !

Je lui pince la hanche en riant et me défais de ses bras à regrets pour aller récupérer un tee-shirt sec et un legging dans mon placard avant d’aller dans ma chambre. Je me mets de telle sorte à ce qu’Alexei soit le seul à pouvoir me voir, Lisa étant installée devant la télévision, sur le canapé, et me déshabille, dos à l’appartement, aussi naturellement que possible, sans avoir l’air d’une nunuche maladroite. Je constate avec plaisir qu’Alex s’est arrêté dans sa préparation et me mate sans discrétion. Son regard appréciateur est tellement bon pour ma confiance en moi ! Qu’un homme aussi sexy puisse me désirer autant, quoi que je fasse, c’est évident que cela me rend heureuse. Et excitée.

Je reviens à la cuisine, le sourire aux lèvres, et me lave les mains pour continuer à préparer le repas de ce soir. Lisa est toujours plongée dans son dessin animé, bien loin des tourments et questionnements qui me taraudent. Je meurs d’envie de passer à l’étape suivante avec Alex, mais j’ai la trouille. Je joue à un jeu dangereux en le chauffant de la sorte, mais bon sang, que c’est agréable.

Je m’installe à côté de mon Russe et glisse un bras le long de son torse pour pouvoir récupérer l’épluche-légumes, ne me gênant pas pour le frôler au passage et terminant ma poitrine nue sous mon tee-shirt pressée contre son bras. Je sais que cela lui fait de l’effet, et j’en joue clairement ce soir. Alexei me laisse faire et me jette un regard qui pourrait embraser tout l’appartement, et fonctionne très bien pour mon auto-combustion. Foutu regard expressif.

Nous terminons d’éplucher et de couper les légumes avant de les mettre à cuire à la cocotte en silence, nous jetant des regards un peu trop enflammés pour des voisins qui passent une soirée ensemble. Je suis certaine qu’il sent que je ne suis pas loin de lâcher.

— Tu veux un apéritif ? Un jus de fruits ? Quelque chose ? lui demandé-je en nettoyant le plan de travail.

— Hein ? Pardon ? Désolé, j’avais la tête ailleurs.

— Tout va bien ? lui demandé-je en m’asseyant sur le plan de travail.

— Disons que je n’avais plus l’habitude d’être autant déconcentré en préparant à manger. Et ce n’est pas à cause du tonnerre dehors, je peux te le garantir.

Il dépose une de ses mains sur mon genou et me caresse la cuisse en continuant à poser ses yeux adorateurs sur moi.

— Déconcentré ? Il ne te faut pas grand-chose pour perdre ta concentration, c’est inquiétant pour un ancien militaire, ris-je.

— Tu as raison, il faut que je me concentre sur mon objectif, me répond-il en venant m’embrasser dans le cou, tout doucement, la proximité de son corps contre le mien me rendant folle de désir.

— Et quel est cet objectif ? murmuré-je en glissant ma main sur sa hanche. A moins que ça ne soit une opération secrète…

— Je n’ai pas de secret pour toi, Clem. J’ai envie de te retrouver. Totalement. Tu me manques trop.

Lorsqu’il approche sa bouche de la mienne, je ne peux résister et je cède à l’envie que je partage avec lui. Ses lèvres d’abord hésitantes se font vite entreprenantes alors que je sens son torse musclé se coller à ma poitrine. J’enroule mes jambes autour de lui et nous profitons de ce baiser qui réveille en moi tout un torrent de sensations qui rivalisent par leur intensité avec les trombes d’eau que l’on entend se déverser sur notre appartement.

— Papa ! J’ai faim ! On mange quand ? Avant ou après le reportage ?

Comme un éclair dans la nuit, l’appel de Lisa rompt notre étreinte et Thor s’écarte de moi, un peu comme s’il regrettait son geste. Est-ce que je ne lui fais plus envie ? Est-ce que je suis la seule à rêver de prolonger ce moment ?

— Désolé, Clem. Je me suis laissé emporter par mes envies et le désir que j’ai de toi. Tu es tellement craquante. Sans Lisa, je pense que…

Rassurée, je descends du plan de travail et viens déposer un petit baiser sur ses lèvres. Ce n’est pas qu’il ne me désire pas qui le gêne, c’est qu’il pense qu’il me désire trop. Comme si c’était possible de trop aimer quelqu’un !

— On va manger après le reportage, Lisa. Est-ce que tu veux grignoter quelque chose avant ? dis-je avant de baisser la voix. Peut-être qu’il serait judicieux que l’on discute une fois que Lisa sera couchée, alors.

— Tu veux vraiment discuter ? me dit-il goguenard. Je crois que je suis prêt à passer la nuit à discuter, si tu veux mon avis.

Je jette un œil à Lisa, derrière son dos, et constate qu’elle a toujours les yeux rivés sur l’écran, si concentrée qu’elle ne m’a même pas répondu. Si je regrette généralement l’effet de la technologie sur nos jeunes actuellement, à cet instant, je savoure ce tête-à-tête qui n’en est pas vraiment un, et me mets sur la pointe des pieds pour poser à nouveau mes lèvres sur celles de mon Russe. Je glisse mes mains sous son tee-shirt et viens caresser ses reins, me pressant contre lui alors qu’il approfondit ce tendre baiser, m’enserrant délicieusement contre son corps à la fois si doux et dur.

— Peut-être qu’une nuit de discussion s’impose alors, Thor.

— Je risque d’oublier mon français si tu me parles comme ça, je te préviens, Zatchik.

— Ça risque d’être ennuyeux, si on doit discuter, ris-je.

— J’essaierai de t’occuper autrement alors, me dit-il en glissant à son tour sa main sous mon tee-shirt pour s’emparer de mon sein.

— Ah oui ? Et qu’est-ce que tu comptes faire, au juste ? m’amusé-je en promenant mes doigts sur son torse, bien trop consciente de sa paume chaude qui presse délicatement mon sein dont le téton est déjà bien tendu.

— Te rappeler comme c’est bon de ne plus faire qu’un.

Le coup de tonnerre qui vient ponctuer sa phrase et le petit pincement qu’il exerce sur mon téton me font sursauter et pousser un petit cri.

— Ça va, Clem ? Faut pas avoir peur, c’est qu’un orage, me crie Lisa depuis le salon.

— Oui oui, ça va, ris-je en foudroyant son père du regard. J’ai été surprise, c’est tout…

— Tu n’aimes pas les surprises ? me chuchote-t-il dans l’oreille, ses doigts toujours en train de s’amuser sur ma poitrine.

— Il y en a des plus agréables que d’autres. Celle-ci me fait très plaisir, dis-je en pointant du doigt son entrejambe bombé.

— Qui sait ? Il y aura peut-être d’autres surprises ce soir ?

— Vivement ce soir alors, lui glissé-je à l’oreille avant de mordiller son lobe gentiment.

— La tempête te met dans tous tes états, on dirait.

— Oui, ris-je en m’éloignant de lui. Elle est Russe et plutôt impressionnante. On n’a pas trop l’habitude, ici, en Normandie, de ce genre de tempête. Allez, allons nourrir ta fille avant d’avoir les services sociaux au cul.

Je farfouille dans le réfrigérateur pour récupérer de quoi faire un petit apéritif et repousse gentiment Alex qui vient se presser dans mon dos. Nous finissons par aller nous installer sur le canapé avec Lisa, et changeons de chaîne afin de regarder le reportage qui ne devrait pas tarder à débuter. Alexei, installé de l’autre côté du sofa, a posé son bras sur le dossier et caresse ma nuque, me tirant plusieurs frissons que je peine à masquer. Son sourire satisfait me donne autant envie de le frapper que de l’embrasser, et je sais que je suis perdue. C’est mort pour la résistance, mort pour mon cœur. Je vais faire le plongeon sans filet de sécurité, et advienne que pourra. Alea jacta est, disaient les latins ? Wait and see… Et comment le dit-on en Russe ? La nuit me l’apprendra peut-être.

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