44. Lunatique avérée

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Clémentine

Pourquoi cette foutue chanson ne dure pas plus longtemps, sérieusement ? Je veux rester dans cette bulle, loin de la vie quotidienne, de ses tracas, loin de nos disputes et de mes angoisses ! Je veux profiter encore de sa chaleur, me laisser porter par ses pas, me laisser guider sans réfléchir et profiter de son aura.

Alexei me sourit, sans doute en réponse à celui que je sens large sur mon visage, et se penche pour m’embrasser sur le front. C’est quand même fou d’avoir cette carrure, ce charisme, d’inspirer cette froideur, et d’être aussi chaleureux, parfois, tendre et… Aussi doué pour la danse ! Il a le rythme dans la peau, c’était juste parfait, sensuel, chaud pour ne pas dire torride.

— Merci pour cette danse, Papa-Thor, tu m’avais caché ton talent.

— Merci à toi, et joyeux anniversaire, Clem.

Il ne m’a pas lâchée et je ne fais pas non plus ce qu’il faut pour que nous nous séparions. La chanson suivante est rythmée mais nous ne bougeons pas vraiment, nos regards plongés l’un dans l’autre. C’est une observation mêlée d’envies que ni lui ni moi n’osons assouvir. Je devrais peut-être me laisser aller, mais il reste en moi ce petit quelque chose qui m’empêche de lâcher prise, malgré mes sentiments pour lui, malgré mes désirs. Il y a cet instinct de survie, ce truc qui me pousse à laisser érigé entre nous ce mur qui m’empêchera de souffrir à nouveau, d’être trahie, cette protection autour de mon cœur et de mon âme qui m’empêche de prendre le risque.

Je viens déposer un baiser sur sa joue, plus appuyé que je ne le devrais. Je me repais encore un peu de notre contact, profite de cet instant loin de tout, de ses bras qui m’enlacent, de cette sensation de bien-être qui m’a emplie à la seconde où nos corps se sont trouvés.

— Clem, tu m’offres une danse ?

Merde… Je sens le corps de mon Russe se crisper contre le mien alors que résonne la voix de Thomas à nos côtés. Je suis désolée pour ce dernier, mais je n’ai aucune envie de danser avec lui. Thomas et moi, c’est du passé, et je me suis rendue compte, lorsque nous sommes sortis ensemble l’autre fois, qu’il n’y avait plus aucun sentiment, de mon côté du moins. Si je l’ai invité ce soir, c’est par amitié, et je ne pensais certainement pas envoyer de mauvais signaux. Il me semblait pourtant avoir été claire lorsque nous nous sommes vus pour dîner, la dernière fois. Je lui ai dit que je n’envisageais pas une nouvelle relation avec lui. Quelque chose me dit qu’il y a eu incompréhension, ou qu’il n’a pas voulu entendre ce que je lui ai dit, si j’en crois la façon dont il me parle et me touche depuis qu’il est arrivé.

— Plus tard peut-être, Thomas, je suis occupée pour le moment, dis-je poliment alors que je sens qu’Alex desserre ses bras autour de moi.

— Ben, il faut bien qu’on profite de ton anniversaire, non ? continue-t-il en me prenant le bras pour m’entraîner danser.

— J’ai dit plus tard, bougonné-je en retirant mon bras. Va prendre un verre si tu veux, je te rejoins quand je peux.

— Ouais, si tu veux me jeter pour le blondinet, dis-le moi, hein. Tu avais le temps pour danser avec lui !

— Le blondinet ? gronde Thor à mes côtés, tout tendu.

— Ouais, t’as fini de coller ma meuf ? Tu crois qu’elle m’a invité pour quoi ? Pour prendre le thé, peut-être ?

— Ta meuf ? ris-je. Merci de m’en informer, je n’étais pas au courant. Toi et moi, on est amis, c’est pour ça que je t’ai invité. Je crois que tu as mal compris les choses, Thomas.

— Non, mais j’y crois pas, là ! Tu m’as pas laissé entendre que tu voulais recommencer comme avant ? Tu as changé d’avis parce que tu crois qu’il en a une plus grosse ?

— Calme-toi, mec. Elle t’a dit que tu étais son ami. C’est déjà bien, non, intervient Thor en posant une main sur le bras de Thomas pour le raisonner un peu.

Thomas le repousse plutôt brusquement et recule d’un pas, clairement agacé.

— Ne fais pas de scandale ici, Thomas, je t’en prie, soupiré-je. Pas ce soir. On en rediscutera si tu veux, mais j’ai été claire quand on s’est vus, il me semble.

Thor se glisse alors entre lui et moi. Il est imposant et son regard se fait dur quand il regarde Thomas qui lui jette un œil plutôt effrayé. C’est vrai qu’il fait un peu peur à voir, mais je me sens rassurée. Qui sait ? Dans d’autres circonstances, j’aurais pu céder à Thomas s’il avait insisté pour éviter les ennuis, mais là, je n’en ai vraiment aucune envie.

— Tu as trop bu, Thomas, ce n’est pas bon pour toi. Tu devrais peut-être aller te coucher. Seul, rajoute Alexei d’un ton plus apaisant. Ça t'évitera de te mettre plus dans l’embarras ici.

Les épaules de mon ex s’affaissent et il semble avoir compris le message. Je suis contente et soulagée de le voir s’éloigner, résigné. Je suis aussi super étonnée de la façon dont Thor a géré les choses, tout en maîtrise de lui.

— Merci. C’est pas un mauvais gars, il est juste… Je ne sais pas, disons que l’alcool ne lui réussit pas. J’espère qu’il ne va pas reprendre sa voiture dans cet état.

— Ne t’inquiète pas, Clem. C’est ton anniversaire. Profite. Je ferai attention à lui quand il repartira. Et ce n’est pas à cause de l’alcool qu’il est comme ça, c’est juste que tu es trop belle.

— J’espère être plus que juste trop belle. Enfin, je sais que j’ai un caractère de merde, mais quand même !

— Tu es tellement plus, Clem, mais je n’ai plus le droit de le dire, me répond-il en détournant son regard vers le bruit qui sort de la cuisine alors que Mathilde pousse la porte en grand et en commençant à chanter Joyeux Anniversaire.

Tout le monde reprend en chœur le chant et je me retrouve éloignée de mon séduisant Russe avec qui j’aurais aimé continuer à parler pour ne pas rester comme ça, sur des non-dits et une profonde tristesse de son côté. Je souris en voyant que Mathilde a mis les petits plats dans les grands et a planté deux bougies immenses qui scintillent sur le gâteau qu’elle a dû faire elle-même. Du coin de l'œil, je surprends Alex qui m’observe, ses bras autour de sa fille qui se colle contre lui en me souriant elle aussi. J’aimerais aller leur parler, mais je suis emportée par l’énergie de ma meilleure amie qui m’attire vers la table où sont tous les cadeaux.

J’ai été gâtée, et je remercie tous les invités. Honnêtement, j’aurais préféré une petite cagnotte pour me permettre d’investir un peu dans le restaurant, mais Mathilde a dit qu’il était hors de question que même mon anniversaire soit consacré au Plaisir Normand. La musique bat son plein pendant encore un moment et je profite au mieux de la soirée, tentant de me déconnecter de mon quotidien pesant. Lisa est la première à partir et je prends une bonne dose de câlins avant qu’elle ne monte se coucher.

Mathilde me vire du restau une fois tous les invités partis, les filles ayant décidé de ranger et nettoyer sans moi. J’ai beau les trouver dingues, je ne changerais d’amies pour rien au monde. Je prends une nouvelle dose de tendresse et leur promets une soirée filles rapidement, même si ces derniers temps, je n’en ai ni l’envie, ni la force. Ma vie ne tourne plus qu’autour du restaurant, et je dors le reste du temps ou presque. Je ne sais pas comment mon père a tenu le coup, et plus le temps passe, plus je m’en veux d’être partie plutôt que de l’aider.

Je regagne donc mon appartement et j’entends Thor qui chantonne dans la salle de bain. On dirait que c’est YMCA, un des morceaux sur lequel lui et moi avons passé un agréable moment de danse, tout en sourires et connivence. Il a l’air de bonne humeur, lui, contrairement à moi qui ai envie de me blottir dans mon lit.

Je frappe à la porte et entre quand il m’y autorise, me dirigeant près du lavabo pour me démaquiller.

— Lisa dort ? Tu as passé une bonne soirée ?

— Lisa s’est endormie comme dans un rêve. Elle a passé une super soirée, comme une grande. Merci de nous avoir invités malgré tout ce qui s’est passé entre nous. Parce que moi aussi, j’ai passé une bonne soirée.

— Je suis contente de voir que mes proches ne t’ont pas fait fuir, ris-je. Ils sont un peu dingues mais pas méchants.

— Tu es bien entourée, oui. J’espère que tu t’en rends compte, murmure-t-il, visiblement troublé alors que je me penche vers lui pour récupérer mon gobelet.

— C’est pas facile en ce moment… Mais j’ai conscience d’avoir de la chance, en général. Avec mes amis, au moins. Enfin bref, je ne suis pas expatriée, pas en danger, pas dans un autre pays, je ne me plains pas.

— En tous cas, je te souhaite à nouveau un bon anniversaire, me répond-il en enlevant sa chemise, me laissant ainsi admirer sa belle musculature. J’espère que tu auras une année moins compliquée que celle que tu viens de vivre.

— Tout allait bien jusqu’à ce que mon père… Bref, bordel, marmonné-je en fouillant dans le placard pour tenter de me reprendre alors que je sens mes yeux s’humidifier.

Alors que j’essaie de cacher ma peine en prenant tout mon temps la tête dans le placard, je sens les mains de Thor venir se poser sur mes épaules et son corps se rapprocher du mien. Il me cajole doucement les bras et son souffle vient caresser mon cou.

— Clem, ça va ?

— Oui oui, la fatigue sûrement… Un petit coup de mou, c’est rien du tout.

Je sens en tous cas que lui, ce n’est pas un coup de mou qu’il a au contact de mon corps, mais plutôt un durcissement qui réveille mes hormones et me rappelle ces moments pas si lointains où je pouvais en profiter. Il ne dit rien, me serre juste dans ses bras, mais me sentir désirée comme ça, cela me fait du bien au moral. Je suis de plus en plus convaincue que, sur ce point-là au moins, il ne me ment pas et ne m’a jamais menti. Je pense que je suis belle à ses yeux, et c’est un formidable cadeau d’anniversaire de réaliser la force de son attraction pour moi.

— Tu veux que je vienne te tenir compagnie cette nuit ? Juste un câlin, je sais que je ne mérite rien de plus.

— Je ne veux pas abuser, ça va aller. Ce serait plutôt déplacé de ma part, murmuré-je même si tout mon être, à cet instant, me crie de lui dire que j’en ai envie et besoin.

— Comme tu veux, Clem, me répond-il sans me lâcher cependant, sa barbe toujours dans mon cou qui me chatouille légèrement sous son souffle chaud. Je suis là, si besoin, vraiment, même si c’est abusé, comme tu le dis si bien.

— Merci, encore. Je ne fais que te dire merci, ce soir, ris-je. Il faut juste que j’arrête de m’apitoyer sur mon sort, ça devrait le faire.

— D’accord, Patronne. Tu sais où me trouver si besoin, m’indique-t-il en me lâchant.

Je sens sa main qui frôle mon téton et tout mon corps réagit. J’ai envie de lui sauter dessus, mais me contente de déposer un petit baiser au coin de ses lèvres avant de retourner dans mon appartement. J’étais à deux doigts de complètement craquer pour lui. Je me demande s’il joue un jeu ou s’il est sincère. J’ai tellement envie de croire au prince charmant. Les contes de fée, ça n’existe vraiment que dans les livres ?

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