Chapitre 1

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Cette nuit, j'ai fait un songe étrange ; j'ai vu mes parents dans une demeure bourgeoise, où le jardin verdoyant éclatait de lumière avec la brillance du soleil. Je me suis vu à l’âge de 13 ou 14 ans peut-être, jouant avec une jeune fille de mon âge probablement, très souriante, qui pointait du doigt une direction mais au même moment mon réveil a retenti. Je me me suis réveillé en sueur comme si je venais de faire un cauchemar. Mon horloge numérique indique six heures, et je fais donc ma routine matinale en prenant ma douche et mon petit déjeuner avant de me rendre à l’aéroport. J'ai séjourné dans un hôtel à Manchester, le client m’y a envoyé afin de conclure un contrat sensible dont j’ai eu la charge. Je n’ai pas de mal avec mon emploi de négociateur en général, mais ce dossier m'a pris plus de temps que d’habitude, et je commence à perdre patience. Heureusement, cette virée a été la dernière car enfin les collaborateurs ont signés l’accord. Je peux rentrer chez moi, à Paris, prendre quelques jours de repos, après avoir faxé l’entente au client.

Le voyage n'est pas de tout repos avec les touristes et les familles qui chahutent dans l’avion, mon client est bien radin pour me payer un billet en 2ème classe ; au moins j’ai pensé à prendre mes écouteurs qui m’aident à m’échapper de ce brouhaha. Les images de mon rêve de la veille hantent mes pensées et un tas de questions me passe par la tête. Je n’ai plus évoqué mes parents depuis des dizaines d’années et ce dès que ma tante Daisy m’a expliqué que l’accident d’avion n’était que ça et rien d’autre. J’ai longtemps cherché après des réponses et j'ai toujours supposé que cela n’était pas une coïncidence, mais ce n'était que l’imagination d’un môme qui ne comprenait pas la disparition soudaine de ses parents. J'ai donc grandi avec tante Daisy depuis l’année où mes parents ont péri dans ce tragique accident d’avion qui avait fait les gros titres : « Le 25 juillet 2000, le Concorde immatriculé F-BTSC assurant le vol 4590 d'Air France, un trajet de type charter à destination de New York, s'est écrasé au décollage sur un hôtel à Gonesse, une minute et vingt-huit secondes après son décollage de l'aéroport de Roissy tuant 113 personnes »

J’ai retenu ce texte qui m'a obsédé toute mon enfance et même si je ne suis plus ce gosse, ma vision en tant qu’adulte n'a pas changé. Évidemment, j’envisage que cela était juste un accident, cependant des souvenirs remontent à la surface comme à chaque date d’anniversaire de leur mort ; voilà ce qui pourrait expliquer cette rêverie de ma nuit précédente. J’aurai pu être traumatisé par l’avion, mais ce n'est pas le cas ; non pas que je n’ai aucun sentiment mais Daisy a su comment me parler et m’aider à traverser ce douloureux passage de ma vie. Le plus perturbant dans ce songe a été de voir de nouveau cette jeune fille, dont j’ignore l’identité. Elle m’est déjà apparue auparavant, étant enfant. La rationalité me fait penser qu’il s’agit simplement du surmenage que j’ai enduré ces mois-ci, et je m’endors sur cette évocation.

Arrivé à la maison, je m’affale sur mon divan sans prendre le temps de défaire ma valise. Mon téléphone sonne, surpris de voir le nom de ma tante affiché, je ne veux vraiment pas répondre, mais comme une vague de regret m’envahit, si je ne le fais pas. Je prends la peine de lui répondre en me disant qu’elle veut sûrement prendre de mes nouvelles. À peine ai-je décroché mon téléphone, j’entends ma tante essoufflée qui me demande de venir au plus vite chez elle, son mari est souffrant. En rentrant chez Daisy, je vois un vacarme dans son salon, des urgentistes qui sont au-dessus de mon oncle Ed, tentant de lui faire un massage cardiaque. Je vois Daisy assise sur une chaise, tenant sa tête dans ses mains en pleurant au fond de la pièce, ce qui me choque. Je l'ai connu combative, et souriante à chaque instant de sa vie ; des images d’elle et son mari défilent dans ma tête, je les vois heureux, amoureux comme des adolescents et même s'ils n’ont jamais pu avoir d’enfant, ils se complètent si parfaitement dans leur amour. Je m’empresse de la rejoindre, et ma main posé sur son épaule, j’essaye du mieux que je peux de la rassurer. Elle me prend dans ses bras, en sanglot, et me dit :

_ C’est la fin ! C’est la fin Will !

Je vois un des urgentistes avancer vers moi, il me fait signe de venir vers lui, c’est alors que je suggère à Daisy de se rasseoir sur la chaise, et de patienter le temps d’aller lui chercher un verre d’eau. L’homme en uniforme me parle mais j’entends à peine ses paroles explicatives sur la situation. Je fixe mon oncle à terre et l’ambulancier qui continue par tous les moyens de réanimer Ed. L’homme qui me parle, a été appeler par son collègue afin de l’aider à transporter le patient sur le brancard. On invite Daisy à prendre la route vers l’hôpital, ils ont pu stabiliser Ed mais il doit se faire suivre par les médecins compétents. J’informe ma tante que je la rejoindrais au plus vite à la clinique. Elle acquiesce et l’urgentiste l’accompagne dans l’ambulance. Je prends d’abord le temps d’observer l’état de l’appartement, sans dessous, qui ne ressemble en aucun cas à celui que je connais ; la table renversée, les coussins du divan au sol, les livres ainsi que des feuilles éparpillés dans ce salon. Les verres roulent en faisant couler le liquide qu'il y a à l’intérieur. Cette représentation me mets dans un état d’incompréhension totale, comment mon oncle, si bon vivant, qui ne fume pas ni ne boit, a pu faire une crise cardiaque ? Lui qui maintient si bien sa forme, et qui même à soixante ans passé, a continué à s’entretenir avec le sport et les randonnées. Je me reprends en main en pensant à ma pauvre tante, qui doit s’affoler seule dans cette salle d’attente de l’hôpital, alors je me dépêche de la rejoindre à Paris Centre, à Saint Louis. Quand je franchis les portes de cette institution, une dame s’empresse de me montrer la direction à prendre, comme si on l’a informé de ma venue. Je me dirige donc dans la chambre où Ed a été installé, Daisy à ses côtés, je les vois sourire, ce qui me déconcerte et m’émerveille en même temps.

_ Tu nous a bien effrayé ! Lui dis-je. Il rit aux éclats et me répond :

_ C’est ce que je voulais, fils !

Il m’a toujours appelé de cette manière, rarement il m’a interpellé par mon prénom. Je pense être le fils qu’il n’a jamais eu. Son visage illumine un sourire mais ses yeux dégage une lueur qui me parait douteuse. Je ne fais pas la réflexion pour ne pas effrayer ma tante. Celle-ci se lève et me demande de rester auprès de lui, le temps d’aller se chercher un café. Ravi de rester un moment seul avec lui. Par mes voyages incessants, à cause du travail, je n’ai plus l’occasion de me retrouver en sa compagnie, si instructive et drôle à la fois. L’instant où je veux prendre la parole, Ed m’interrompt et me dit :

_Ne dis rien, je n’ai pas beaucoup de temps pour te dire ce que j’ai à dire.

Il s'arrête pour reprendre son souffle et continue :

_Ta tante te l’a caché toute ces années, mais il faut que tu saches que tu n’avais pas complètement tort à propos de tes parents…

D’un regard ébahit, je bois ses paroles tel un enfant qui écoute attentivement un dessin animé. il reprend en ses termes :

_ Tes parents ne sont pas mort par accident, mon fils, il y avait bien de la vérité dans ton imagination…

Il n’a pas pu terminer, Daisy vient d’entrée, elle nous excuse de nous avoir déranger dans notre grande discussion. Ed la rassure en lui inventant qu’on parlait simplement de football. Sceptique, elle n’en a pas tenu rigueur et je me relève, à mon tour pour qu’elle puisse se mettre auprès de lui. Je reste avec eux quelques heures à parler de tout et de rien. Ed me parle de mon emploi et veut que je l'apaise sur mon état, ce que je fais. Il remarque mes cernes et me convainc que je devrais rentrer récupérer. Une fois que j’ai eu la confirmation qu’il allait mieux, je me hâte chez moi après cette journée rempli d’émotions. Je suis bien content de retrouver mon lit.

Au réveil, je m’aperçois avoir dormi pendant vingt-quatre heures, et en examinant mon téléphone, je vois que ma tante m’a laissé un message vocal. Avec le stress, je courre chez elle en espérant qu’elle y est et je la vois là, au milieu de son salon, toujours en désordre, perdue, ne sachant pas quoi dire ou faire. Alors, je la prends dans mes bras, et elle s’effondre en criant :

_Qu’est-ce que je vais faire maintenant, Will ?

Je n’ai aucune idée de comment réagir à ça, je la laisse donc se lamenter sur son sort, et sans mots, je l’assois sur le divan. Elle finit par s’endormir, sa tête sur mes genoux, je la soulève délicatement, en lui mettant un coussin à la place. Un plaid est posé sur le sol, je le mets sur elle pour qu’elle n’ait pas froid. Le sommeil ne me vient pas, je marche donc dans l’appartement et commence à ranger sans faire de bruit. Une sensation de tristesse m’empare en rentrant dans leur chambre, en voyant les vêtements bien ranger dans l’armoire, tante Daisy est si ordonnée et Ed adorait l’aider dans le ménage, il y a eu beaucoup de lumière et de bonheur dans leur vie, et être dans ce lieu paisible, tout d’un coup me parait si étrange. Je m’assois sur leur lit et repense à mon enfance auprès d’eux. Ed qui m’a enseigné sa passion de l’aviation, du souci du détail sur les maquettes qu’il a construit. Je n’ai aucun souvenir sur la dernière fois qu’il m’a grondé car il ne l’avait jamais fait. Il avait pour habitude de me parler en promenade dans un parc, ou m’emmenait en randonnée, juste entre hommes, disait-il, afin de me mettre à l’aise. Lorsque j’ai eu mon diplôme, il s’était mis à avoir des larmes et à dix-huit ans, ça me paraissait inconcevable venant de lui une tel réaction. C’est alors, qu’il m’expliquait qu’être un homme c’est savoir montrer ses sentiments. Sur cette pensée, je souris et des larmes coulaient sur mon visage comme si je venais d’entendre sa voix me raconter sa première rencontre avec Daisy. Cette histoire, pour moi, est le meilleur conte de tous les Disney réunis, il m'a inculqué le partage et l’amour que l’on pouvait exprimer à une femme.

_Je n’ai pas épousé ta tante pour ses beaux yeux , m’avait-il dit en riant, à mon dix-neuvième anniversaire. Il m’a expliqué que le soir où il l’a aperçu lors de ce vernissage de tableau contemporain, Ed savait qu’elle allait lui faire subir le martyr avant de pouvoir ne serait-ce que l’approcher. Je lui avais demandé

_ Pourquoi, alors faire compliquer quand on peut faire simple ?

Sans hésitation, il me répondait :

_ J’adore les casse-têtes, tu devrais le savoir ! On s'esclaffait jusqu’à ce que Daisy apparaissait et faisait mine de ne pas savoir de quoi on parlait, mais son regard en disait long.

En me dirigeant vers la cuisine pour me servir une bière, j’entends les paroles d’Ed dans ma tête :

_Il faut que tu saches que tu n’avais pas complètement tort à propos de tes parents…

Ses derniers mots raisonnent en moi tel un écho et en voyant ma tante allongée sur le canapé, je n'ai pu m’empêcher de me demander ce que Daisy me cache.

J’épaule ma tante dans les démarches pour l’enterrement, et avise mes clients de mon indisponibilité dans les semaines qui suivirent. Un jeudi, à l’aube, avant que les invités arrivent, je me rends au café du coin, pour méditer seul et vider mon esprit de ces questionnements incessants que je garde pour moi, le temps du deuil. Le café est situé dans un angle de rue, dans lequel les employés ont la particularité de retenir les noms de leurs clients habituels. Assis dans mon coin, j’entends des pas approchés dans ma direction, tête baissé, je voyais des jambes féminines d’une beauté remarquable.

_Un café crème, c’est bien ça ?

En levant mes yeux, je vois cette jolie femme vêtue d’une robe bohème longue dont la transparence et la fente laisse apparaître la blancheur de ses jambes. De sa voix douce et apaisante, elle rajoute :

_ Tu savais qu’on pouvait lire l’avenir dans une tasse de café ?

Je n’ai même pas le temps de répondre, qu’elle me dépose la tasse accompagnée d’un biscuit au chocolat. D’un naturel incroyable, elle m'a tutoyé comme si on se connaît depuis toujours. Je distingue son sourire timide et elle continue :

_ Tu n’as pas l’air dans ton assiette, mais ne perds pas espoir, le futur ne peut être que beau !

Elle est repartie aussitôt vers le bar et j’aperçois, sur le ticket de caisse des nombres qui semblent être un numéro de téléphone. Je n’en tiens pas compte et pense que la nouvelle a juste un peu trop d’audace. Une fois avoir terminer mon café, j’ai laissé l’argent avec un pourboire et suis retourné chez Daisy avec un petit sourire aux lèvres. Celle-ci l'a remarqué sur la pas de la porte. Honteux, je lui dis simplement que j’ai vu une personne tombé dans la rue. Elle m'a dit que tout était en ordre, le buffet était prêt et qu’il fallait se changer pour accueillir les visiteurs. On les nomme ainsi car on s’est entendu sur le fait qu’on trouve cela aberrent de recevoir à la maison des gens, alors que nous, les endeuillés, sommes bien mieux de rester seuls. Tels étaient les mondanités de la bienveillance, se sentir entouré chez nous, pour bien être épier et pleurer par les autres…

Le soir venu, étaler sur le canapé, tante Daisy et moi étions exténués mais nous avons discuter en se remémorant notre cher Ed. Nos railleries se font entendre dans tout l’appartement, jusqu’à ce que le voisin d’en haut tapote sur le sol pour nous faire comprendre qu’on chahute de trop, pour lui. Il est minuit passé, Daisy baisse sa voix et change de ton en me parlant. Elle parait plus sérieuse, a mis sa main sur mon genou et me dit :

_ Je sais ce que mon mari t’as confessé sur son lit d’hôpital...

Elle a pris un instant avant de reprendre et m’avoue qu’il ne divaguait pas.

_ Je pense lui avoir laissé un gros poids sur l’histoire de tes parents, ma sœur m’avait prévenu avant de prendre l’avion.

Elle a vu que je voulais prendre la parole et me fait un signe en mettant son doigt devant ma bouche :

_Ta mère m’a informé d’une légende à propos d’un talisman, ou une pierre, je ne m’en souviens plus exactement. Bref, ceci dit, elle m’a confié qu’une famille importante cherchait à tout prix cette pierre, et que Régis l’avait caché dans un lieu secret, dont il s'est abstenu de lui dire…

Tout en fixant sa main posé sur mon genou, elle termine en me disant :

_ Régis a eu peur dans ces derniers jours, on aurait dit qu’il avait senti sa mort, et je ne sais pour quelle raison il était sûr qu’une personne le pourchassait. La suite tu la connais mon Will, le crash d’avion et en ce temps-là, j’étais convaincu qu’il avait comme qui dirait, perdu la tête…

Je me précipite de lui répondre :

_ Et maintenant ? Tu penses qu’il avait eu une bonne intuition ?

_ Je ne dis pas ça, Will. On en a discuté avec Ed, il y a quelques mois et il m’a avoué qu’il avait fait quelques recherches sur cette fameuse pierre… Et ton père n’avait pas tort, en tous les cas pour la découverte.

Je m’emporte après cette révélation :

_ Comment peux-tu penser que mon propre père était fou !

Je me lève d’un bond et me dirige vers ma chambre pour aller me coucher. Confus, déçu de ma chère tante pour qui j’ai du respect, m’a menti toute mon enfance et m’a fait passé pour un enfant débordant d’imagination. Tel père, tel fils, non ? Je me suis mis à réfléchir à toutes les conséquences de cette nouvelle que je viens d’apprendre. Qui dois-je croire ? Est-ce juste la folie d’un homme, qui avait travaillé toute sa vie dans des fouilles archéologiques qui l’ont amené à sa perte ? Ou avait-il en sa possession, une idéologie qu’une famille voulait absolument se procurer et au final le tuer, lui et sa femme. Comme il m’est impossible de m’endormir, je sors de la maison afin de faire un point sur tout ça.

Dans les rues de Paris, je me rends dans le quartier Bel-Air et fais un détour au bord de la Seine. Je contemple ce fleuve coulant le long de sa traversée et la pleine lune qui se reflète sur celle-ci. Je sens une brise d’air qui fait de petites vagues sur ce fleuve que j’admire d’une certaine façon. Je vois le visage de mon père, Régis, un homme grand et discret à la fois, passionné par son métier au détriment de sa famille qu’il aimait tendrement. Je me souviens de son silence surtout, mais quand il prenait la peine de m’adresser une parole, elle était toujours de bon conseil. Durant mon enfance, je ne saisissais pas la grandeur de ces mots mais en m’y attardant en tant qu’adulte, je comprends le poids de ceux-ci. Je ne peux imaginer meilleure éducation que celle de mes parents ; ils avaient cette patience de me donner les meilleurs outils pour mon avenir, et même si le paternel était aussi souvent absent, je ne me sentais jamais abandonner. Ma mère veillait à ce que je discerne la force du travail, et c’est ce que j’ai acquis au fil de toute ma vie. Leurs différences de cultures, de peau et de religion ne les avaient jamais arrêtés dans leur amour. Mon père, originaire d’Afrique du Sud, savait que rien ni personne ne pouvait l’aider dans ce pays d’ « apartheid », où la politique de race déterminait les lois. Malgré son affection pour ce grand pays magnifique, il devait le quitter et trouver un sens à sa vie, loin des siens. Il me racontait sa traversé jusqu’aux États-Unis dans les années soixante-dix, une terre d’Eldorado, à l’époque, dans laquelle on pouvait labourer, suer sans se faire trop lyncher. Et même si en cette période, le racisme y était encore ancré, il avait plus de chance là-bas que sur sa terre natale. Il a eu le courage et la détermination de se démarquer et a donc saisi l’occasion, en étudiant et en montant étape par étape dans son domaine pour briller de sa propre personne. Ma mère, Stacy, a eu la chance d’être née sous la bonne étoile ; elle a grandi dans une famille d’intellectuel aisé, dans l’état de l’Ohio, où elle a passé son enfance dans la tranquillité avec sa sœur Daisy. Des sœurs siamoises les nommait-on quand elles étaient petites. Elles n’avaient que deux ans d’écarts et celles-ci ne se quittaient presque pas. Quand ma mère a rencontré mon père, à une soirée universitaire, celui-ci a volé, en quelque sorte la place de Daisy, qui s'est senti exclu. Bien sûr, ma mère n’avait aucunement l’idée de laisser tomber sa sœur, seulement elle était amoureuse et donc a pris son envol avec lui. Mes parents ont vécu en Californie, à Bakersfield plus précisément. J’étais donc né là-bas mais avec le travail de mon père, on voyageait sur tous les continents. Il a été demandé par tous les chefs d’entreprises, les musées et même quelques politiciens. J’ai eu connaissance du dernier voyage, à Paris ; mon père devait rencontrer une personne dont j’ignore le nom, mais dans mes souvenirs, il était un haut placé de la monarchie. Ou ne serait-ce que l’imagination d'un enfant ? La seule chose dont je suis sûr : c’était la première fois que mes parents m'ont laissés sur place, sans que je les y accompagne… la dernière image que j’ai d’eux ; ma mère me tenant fort dans ses bras et me murmurant qu’elle m’aimait et mon père s’approchant de moi, et me susurra à l’oreille des mots dont je n’ai jamais compris et les ai oublié assez vite.

Un bruit derrière moi me fait sursauté, je me retourne et distingue dans la nuit éclairée par la lune, une ombre se diriger vers moi. Je regarde attentivement cette silhouette s’avancer, sans hésitation je reconnais la femme du café, de ce matin. Étonné, je lui demande ce qu’elle fait là, à cette heure-ci. Elle réplique :

« Tu as une langue, toi ? Soit, ce n’est pas ton problème ce que je fais là dans les rues de Paris, à cette heure-ci ! »

Elle me dit ça d’un ton moqueur mais elle n’a pas tort, de quoi je me mêle. Je la fixe et lui dit que je dois rentrer et avant que je fasse un pas, elle se met face à moi et me contemple tel un objet ; elle me dévisage sans me juger, elle m’examine de manière interrogatoire. Je lui demande gentiment de me laisser partir, alors elle a fait un pas en arrière et j’aperçois, sous l’étincelante pleine lune, son sourire timide. En marchant, je regarde derrière moi par curiosité, si elle me suit. Mais du coin de l’œil, elle a disparu de mon champ, je m’arrête donc pour bien confirmer qu’elle n'est plus là. Je rentre d’un pas nonchalant et m’écroule sur mon lit, sans avoir l’énergie de vérifier si Daisy dort encore.

Les semaines passent et Daisy a décidé de se rendre dans l’Ohio afin de régler les dernières paperasses dues à la mort de son mari. J’ai décidé de relouer mon appartement un moment, et de m’installer chez tante Daisy. Il lui fallait de l’aide dorénavant, Ed était celui qui s’occupait de tout en général et je me dois de l’aider à mon tour, après tout je lui en suis redevable. Je reprends mon train de vie quotidien, et en tant qu’indépendant j’ai plusieurs contrats d’entreprises à faire signer. Tous les matins, avant de démarcher auprès des entrepreneurs, je me rends dans le café du coin « l’inédit Café », je voudrais revoir cette femme intrigante qui a l’air de s’intéresser à moi. Cependant, lorsque j’ai demandé après elle, car je ne l'ai pas revu depuis la dernière fois sur le quai, on aurait dit que j’avais vu un fantôme. Les employés m’ont certifié qu’il n’y a pas eu de nouvelles recrus depuis trois mois. Perplexe, je me demande si tout cela était réel, je suis persuadé de l’avoir vu et même entendu, je ne peux pas avoir rêvé. J'ai fait mine de ne pas en faire tout un plat alors, je suis le cours de ma vie en essayant de l’oublier. Il est clair qu’elle existe, pour moi, et si j’avais su que je voulais la revoir, j’aurai pris ce numéro indiqué sur la note. Néanmoins, je l’ai rencontré à une période de ma vie assez malheureuse, la mort de mon oncle a été brutal et avec ce que m’a annoncé Daisy, sur mon père, je n’ai pas la tête à séduire. D’ailleurs, nous nous contentions d’en rester là, le sujet était clôt. Ce week-end, un ami m’a convié à une soirée et même si cela ne me dit rien, j’ai besoin de décompresser de toute façon.

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