Chapitre 1. Vie banale.

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Je m'appelle Sélène, née un jour d'éclipse, ma mère dit que je suis la fille de la Lune. Il faut dire que mon physique y est pour beaucoup, avec mes cheveux gris, mes yeux bleus pâles, et ma peau qui ne supporte pas le soleil.

Mais il a bien fallu qu'un jour j'aille à l'école. Ça a été très dur pour moi surtout que tout le monde me traitait de monstre ou de vampire. Comme j'étais victime de harcèlement, ma mère s'est résolue à m'élever et m'éduquer seule. Car mon père, homme d'affaire superstitieux, a quitté ma mère quand je suis née. Peut-être est-ce la vérité ? De chagrin (ou de colère), ma mère aurait jeté et détruit les photos et affaires qui lui appartenaient, ou bien c'est un mensonge et je suis réellement un monstre et je n'ai pas vraiment de père.

Je ne sors que la nuit et ma vie se passe dans ma chambre, coupée du monde et du reste. L'hiver est la saison que je préfère car les nuits sont plus longues. Je passe mes journées à réfléchir à ma vie, remettre en cause mon existence, savoir si je vaux la peine d'être là. Le reste du temps où je ne rumine pas mes pensées, je lis énormément de livres, de science-fiction ou sur les vampires (Rapaces, La volupté du sang, Dracula, Le prince de la nuit, Le journal d'Edwin Underhill...), pour savoir ce que je suis. Je pourrais être un vampire car je ne supporte pas le soleil et j'ai la peau très pâle, en revanche je n'ai pas de canines particulièrement longues et je ne bois pas de sang, ni ne mange de viande car nous sommes végétariennes. Je ne possède pas non plus de pouvoirs télépathiques ou télékinésiques, ni autres trucs surnaturels. Je suis donc une fille à peu près normale, à quelques exceptions près. Ah ! Ma mère vient de rentrer du travail. Une voix de femme s'élève alors dans la maison.

<< Chérie, c'est moi ! Viens, je dois te dire quelque chose. Allez, dépêche toi !

— J'arrive maman. >>

Je sors de ma chambre et rejoins ma mère au bout du couloir, devant la porte d'entrée qu'elle vient de fermer. Elle se déchausse, une main appuyée sur la porte, pour conserver son équilibre.

<< Sélène, on va avoir de nouveaux voisins ! s'écrie ma mère.

—Explique moi pourquoi tu es si enjouée ? De toute manière, s'ils me voient ils vont avoir peur et je ne peux pas sortir ! Qu'ont-ils de si spécial ?

_ Il parait que leur fils est comme toi, tu vas enfin avoir un ami ! Pourquoi me regardes-tu comme ça voyons ? Tu n'es pas contente ? me demanda t-elle en fronçant les sourcils.

_ Pourquoi je serais contente ? Qui t'as dit que je voulais avoir un ami ? Hein ? dis-je énervée >>

Ma mère recule, vexée et attristée par ma réponse, en même temps surprise par ma réaction et le ton employé. Pourtant elle ne se fâche pas. Elle est un peu perdue, elle m'explique alors pourquoi elle m'a dit cela :

<< Mais, je croyais que tu cherchais à savoir ce que tu es et si tu es la seule dans ton cas. Je pensais que t'annoncer que le voisin est peut-être comme toi te ferais plaisir. Il a sans doute des réponses aux questions que tu te poses.

_ Je... Je... >>

Je secoue la tête de gauche à droite, sans pouvoir finir ma phrase. Pour couper court à tout cela, je tourne les talons et pars m'enfermer dans ma chambre. J'ai besoin de réfléchir. Bien sûr que c'est bien d'avoir un voisin dans le même cas que moi, mais je ne suis pas rassurée. S'il ne m'aimait pas ? Je ne suis pas douée pour les relations, amicales ou autres. Si même au sein de mon "espèce", je ne suis pas aimée ? Si ma mère s'est trompée et qu'il n'est pas comme moi ? Comment vais-je faire ? J'entends encore les paroles de maman : Tu vas enfin avoir un ami... Ça ne te ferait pas plaisir ?

Si bien sûr, mais je ne sais même pas ce qu'est un ami. Je n'en ai jamais eu. Je ne suis presque pas sortie de ma vie. J'ai quinze ans et j'ai juste passé trois ans au primaire. Le bruit de quelqu'un qui frappe à ma porte me sort de mes pensées.

<< Oui ?

— Hum, le dîner est prêt, si tu veux venir... annonce ma mère, hésitante.>>

Je réponds : "oui, j'arrive !"

Je me lève, affiche sur mon visage un petit sourire de façade et sort pour rejoindre la salle à manger. Je constate qu'elle a cuisiné mon plat préféré pour se racheter : des courgettes farcies à la sauce tomate-basilic avec des boulettes végétales (cuites au four). Voyant l'effort qu'elle a fait pour ne pas me brusquer, je lui présente mes excuses :

<< Pardon d'avoir réagi comme ça.

— Je n'aime pas quand ça ne vas pas bien entre nous, c'est moi qui te demande pardon. Je sais que c'est dur pour toi, me répond t-elle soulagée que je ne lui crie pas dessus.

_ Moi non plus, je n'aime pas quand c'est tendu. >>

Je me lève de table pour aller lui faire un câlin et lui dire que je l'aime, avec tout ce qu'elle a fait pour moi je lui dois bien ça. Elle me dit aussi qu'elle m'aime. <<Je t'aime>> est un mot que l'on ne dit jamais assez à nos proches et aux personnes que l'on aime. Je suis sincèrement heureuse que ce petit conflit soit réglé. Dans la vie je n'ai qu'elle et elle n'a que moi.

Soudain le téléphone sonne, coupant court notre petit instant d'amour. C'est sa collègue qui l'appelle, ma mère va décrocher.

— Allô ?

_Essindra, c'est toi ? demande une voix anxieuse.

Ma mère lève les yeux au ciel avant de répondre.

_ Bien sûr, pourquoi ? Que se passe t-il ?

_ Je... tu sais, vos prochains voisins...?

_ Oui, et alors ? demande ma mère impatiente.

_ Leur fils, il... il est bizarre... je...il fait peur.

_ Il est comment ?

_ Pâle, il ne supporte pas le soleil. Très... étrange.

_ Attends, désolée, j'ai un double appel, je te rappelle après. Ok ?

_O... Ok.

Ma mère raccroche. Elle me regarde, elle sait que j'ai entendu. Je sais qu'elle n'a parlé de moi à aucune de ses collègues ce qui explique qu'elle soit affolée. Je suis fixée sur deux points. Un, nos nouveaux voisins ont bien un fils qui est comme moi et deux, il est aussi considéré comme une étrangeté de la nature.

<< Tu avais raison maman. Par contre comment se fait-il qu'elle l'ait vu ? Parce que s'il ne supporte pas le soleil comme moi, au moindre petit rayon sur sa peau, elle rougit puis se décompose en tas de cendres, bon après avec la Lune ça repousse mais il faut attendre la pleine Lune pour être vraiment guéri...

— Ecoute, je ne sais pas, c'est les locataires d'à côté qui vendent leur maison, je me suis renseignée au travail, et là elle les a vus, je ne sais pas comment. Je n'en sais pas plus que toi. Je la rappelle.>>

Puis ma mère part dans son bureau pour lui parler. Pas la peine que j'aille écouter, si elle est partie c'est fait exprès. Pff. J'aurais pu récolter des informations. Pas juste ! Pour une fois qu'il se passe quelque chose dans ma vie ! Un Ding dong retentissant me fait sursauter. Ahh, mais c'est qui ? On n'attendait personne ! Je vais aller ouvrir, je peux, il est 21h00 et c'est l'hiver donc je n'ai rien à craindre du soleil. Allez courage, ma vieille ! Inspire, expire. Je tourne la clé dans la serrure et ouvre doucement la porte. Je risque un coup d'oeil discret.

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