2.2. Rencontre

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 Un groupe de jeunes hommes prit place à la table voisine et perturba sa quiétude. Comme tous les mardis, jeudis et vendredis, ils se rejoignaient là après leur journée de travail. Léna les observa un instant, avant de croiser le regard sombre de l’un d’eux. Elle détourna aussitôt les yeux, le feu aux joues. Un court instant, elle les envia. Ils riaient, discutaient et semblaient se connaitre si bien que les mots étaient superflus. Ce qu’elle aurait aimé retrouver ce genre d’amitié... Les siennes ne renaitraient pas. Pas après toutes ces années.

 — Excuse-moi, je peux prendre la chaise ? demanda l’un des quatre hommes, en se penchant vers elle.

 La jeune femme releva les yeux vers lui et fut frappée par la chaleur qui se dégageait de son sourire. Il la fixa un instant de ses yeux d’ébène, la détailla sans aucune gêne et lui adressa une moue séductrice, sensible au charme des belles femmes. Et cette petite blonde élégante, gracieuse même lui plut aussitôt.

 — Oui, oui, bien sûr, répondit Léna. Je n’en ai pas l’utilité.

 — Merci.

 Il attrapa le siège, le tourna vers la table voisine et allait s’asseoir lorsqu’il fit volte-face et sourit à nouveau à la jolie blonde qui le dévisageait. Encore une fois, elle détourna le regard, gênée d’être surprise de la sorte. Elle l’enviait. Elle enviait sa joie. Elle enviait ses amis. Il avait l’air si heureux.

 — Au fait, je m’appelle Ben, se présenta-t-il, en lui tendant la main.

 Léna fronça les sourcils. Pourquoi lui donnait-il son prénom ? Et cette main tendue, que signifiait-elle ? Sans trop savoir comment agir, elle la serra avec fermeté, comme lorsqu’elle rencontrait un client.

 — Enchantée, Ben, lui sourit-elle. Léna.

 Une fossette creusa sa joue, couverte d’une barbe noire épaisse. Il rapprocha la chaise de sa table et s’y appuya, les yeux plantés dans ceux de Léna. Il avait rarement eu l’occasion d’admirer un tel bleu. Sa timidité l’intrigua et il eut envie de la pousser un peu dans ses derniers retranchements, juste pour voir ce dont elle était capable.

 — Alors, Léna, t’attends du monde ? l’interrogea-t-il.

 Léna secoua la tête, sans comprendre son intention. Ben jeta un œil à ses amis, qui suivaient la scène avec intérêt, habitués à son manège. D’une carrure athlétique, Ben profitait de son physique avantageux pour faire chavirer le cœur des femmes comme Léna. Assurer ne pas y être sensible aurait été un mensonge. Léna devait bien avouer qu’il avait quelque chose d’intrigant, d’agréable.

 — Tu pourrais te joindre à nous, lui proposa Ben, d’une voix suave.

 Léna hésita. Elle fut tentée d’accepter l’offre — un peu de compagnie ne lui ferait pas de mal. Elle reporta son attention aux trois autres. Les deux plus proches devaient être frères et dégageaient une sympathie naturelle, mais le dernier, un peu en retrait, beaucoup moins. Il la fusillait du regard, comme s’il lui reprochait ne serait-ce que sa présence, à deux mètres de lui.

 — C’est gentil, mais je vais rentrer chez moi, se ravisa Léna. Ravie d’avoir fait ta connaissance, Ben.

 Il se contenta de hausser les épaules. Il aurait au moins essayé, ça ne pouvait pas fonctionner à chaque fois. Alors, il retourna à sa table et héla le serveur. Léna, elle, continua à fixer le groupe d’amis quelques secondes, avant de tourner la tête, intimidée par deux yeux noisette. Pressée de quitter l’ambiance soudain pesante, elle termina son thé d’une traite et regroupa ses affaires. En passant près des quatre hommes, elle adressa un sourire timide à Ben et le contourna pour sortir. Loin de se décourager, ce dernier la rattrapa et se planta devant elle.

 — On vient ici souvent, on se reverra peut-être, souffla-t-il, de sa voix grave. Et cette fois-ci, je t’offre un verre.

 — Peut-être, se contenta-t-elle de répondre, moins assurée que lui. À bientôt.

 Ben esquissa un sourire éclatant et se décala pour la laisser passer, mimant les mouvements du parfait gentleman. Elle lui adressa un signe de main discret et disparut dans la rue. Encore perturbée par cet échange, elle rentra chez elle d’un pas las, peu pressée de se retrouver seule dans son immense appartement, rempli des souvenirs de son défunt frère. La compagnie de Ben aurait été plus agréable. Elle se le promit : la prochaine fois, elle se laisserait tenter par cette nouvelle rencontre.

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