1.2. Home sweet home

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Trêve de rêverie. Elle prendrait le temps pour flâner plus tard, mais elle devait d’abord retrouver l’acte de vente d’un appartement que son père lui réclamait. À peine arrivée dans chez elle, elle lâcha tout et fonça dans son bureau pour récupérer le papier et lui envoyer la copie. Il en accusa réception, avec toute la froideur qui le caractérisait. Mais, contre toute attente, un second message suivit, plus doux qu’elle l’aurait imaginé.

— Prends soin de toi, Моя лапочка.

Émue, Léna s’arrêta au milieu de son salon. Son père n’était pas du genre affectueux. Il ne s’était jamais intéressé à sa maladie, ne prenait jamais de ses nouvelles depuis qu’elle s’était fait opérer. Les sourcils froncés, elle embrassa la pièce du regard. Tout était encore en place, exactement comme elle l’avait laissé un an plus tôt. Un bouquet de fleurs — offert par la concierge qui s’était occupée de l’appartement en son absence — était posé sur une commode au style épuré et griffé d’un artiste reconnu, près de la vasque en bois flotté qu’elle avait ramenée des Maldives. Tout chez elle montrait l’opulence dans laquelle elle avait toujours vécu. Chaque meuble était réalisé sur mesure par des ébénistes d’art ou d’autres artisans engagés par ses soins. De grands tableaux contemporains habillaient les murs avec un certain raffinement.

— Home, sweet home, murmura-t-elle.

Son attention se dirigea vers un cadre sur la cheminée. Accompagnée de son frère et de son père, elle posait sur le pont de leur voilier. Un sourire nostalgique se dessina sur son visage fin. Ils avaient passé la journée en mer, en famille, fait assez rare pour être souligné. Leur père n’avait cessé de pester contre eux alors qu’ils chahutaient, jusqu’au moment où Jules, sans réfléchir, l’avait arrosé avec un seau d’eau. Les deux enfants s’étaient figés, craignant sa colère, mais ce dernier n’avait rien dit. Le visage fermé, il s’était contenté de s’éloigner. Mais quelques heures plus tard, alors que Léna bronzait sur la proue, il s’était acquitté de sa vengeance, hilare. Elle s’était retrouvée trempée de la tête aux pieds, son livre et son portable avec elle. La jeune femme effleura ce rare souvenir vraiment heureux de son père. Son sourire nostalgique se transforma en une moue triste. Elle s’était promis d’entamer une nouvelle vie, mais elle ne pouvait pas tirer un trait sur tout ce qu’elle avait vécu avant. Seulement, tous ceux qui l’avaient accompagnée depuis sa naissance n’étaient plus là : Pas de famille, pas d’amis ; ses souvenirs pour seule compagnie.

Elle reposa le cadre et se fit volte-face, comme pour détourner son attention de sa tristesse. Son regard s’arrêta sur son cactus, celui qu’elle avait mis tant d’années à faire pousser. Il était mort. Dépitée, elle attrapa le gros pot et le traîna dans l’ascenseur. Il n’y avait plus d’espoir pour lui, il partirait avec les ordures.

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