Obsession (2/2)

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Cent-dixième rotation :

Je suis allé parler aux Vahingollen pour leur demander s’ils n’avaient pas vu l’objet. Ces idiots m’ont ri au nez !

« Alors mon vieux, tu vois des soucoupes volantes, maintenant ? »

C’est parfaitement ça oui ! Je vois des soucoupes volantes qui survolent mon jardin au beau milieu de la nuit ! Et ils ne m’ont pas cru ! Ils n’ont rien vu, rien entendu ! Alors qu’elle faisait un boucan pas possible, cette fichue soucoupe ! En plus d’être idiots, ils sont sourds et aveugles ! La belle affaire !

Cent-onzième rotation :

C’est terrible ! Depuis une heure environ, j’entends un son fourbe qui raisonne dans mon crâne. Comme si on avait introduit de force dans ma tête des enceintes à plein volume ! J’ai beau me boucher, me laver, me tirer, me griffer les oreilles, rien n’y fait !

Cent-douzième rotation :

Le son s’est mué en un ensemble de voix qui viennent de là-haut, dans les étoiles. Elles me parlent. Elles m’appellent et me promettent mille secrets.

Cent-treizième rotation :

Vu que ça ne partait pas, je suis retourné voir le Vieux pour lui parler de mon problème. Il m’a alors raconté l’histoire d’Ulysse, un héros datant de plus de cinq millénaires qui parcourait les mers de la Terre. Lui et son équipage étaient passés à côté de l’île avec les Sirènes qui chantent. Les Sirènes étaient réputées pour livrer des secrets précieux et avoir une voix magnifique, et Ulysse voulait les entendre. Ses compagnons l’avaient alors attaché au mât du bateau sans lui mettre les trucs dans les oreilles, je ne sais plus quoi – je crois pas qu’ils avaient des casques antibruit à l’époque… Bref, Ulysse a écouté les Sirènes et il a voulu aller les voir. Mais ses compagnons – eux ils avaient un casque antibruit – l’en ont empêché parce qu’il se serait fait dévorer. Quelle drôle d’histoire !

J’espère que le Vieux ne devra pas m’attacher pour m’empêcher d’aller voir les voix dans le ciel…

Cent-quatorzième rotation :

J’ai remarqué que les voix chantent plus haut et plus fort le soir au crépuscule, alors que les kaurae se rétractent pour leur nuit de sommeil.

Peut-être que ces voix sont celles des habitants de la soucoupe ? Les petits bonhommes verts, comme disait le Vieux. Après tout, ils existent bien, ces gens-là. Je connais un grand-oncle qui avait un ami dont l’ancêtre était une exploratrice des étoiles – ou un truc du genre. Cette arrière grand-mère était une fois tombée sur un immense vaisseau extraterrestre, grand comme tous mes champs de kaura réunis ! Heureusement pour elle, ces extraterrestres étaient des voyageurs de l’espace, pacifiques, et ils l’avaient laissée passer.

Ma mère me disait tout le temps qu’il ne fallait pas croire ces rumeurs, et que les humains étaient seuls dans l’univers. Je crois qu’elle mentait.

Cent-dix-huitième rotation :

J’ai vu ! Oh mon dieu ! J’ai vu une ombre ! Hier soir, alors que j’inspectais mes pauvres kaurae ! Elle était là, dans le noir, à cinquante mètres de moi tout au plus ! Quelque chose d’inhumain, haut de trois bon mètres, longiligne et fin comme une tige de kaura ! Il m’a vu et m’a observé ! Le démon ! Si j’avais eu un fusil ! Si j’avais eu un fusil, je l’aurai tué ! Oh mon dieu !

Cent-dix-neuvième rotation :

L’ombre inspectait la ferme. Ils sont là pour me prendre ! Je me rappelle du docteur. Voilà ce qui n’allait pas : ils l’avaient déjà pris, pris et possédé ! C’est le sort qu’ils me réservent, qu’ils nous réservent à tous ! Même ces idiots de Vahingollen y passeront ! Si ce n’est déjà fait ! Ils nous envahissent !

Cent-vingtième rotation :

Ils sont là ! Ils arrivent en masse ! Ils se sont posés cette nuit dans l'un de mes champs ! Je les ai entendus dans mon sommeil agité. Ce matin, j’ai vu un cercle de terre brûlée, pulvérisée, tout ça sur trente bons mètres. C’est là qu’ils ont posé leur soucoupe, avant de repartir ! Leur engin de mort ! Le Vieux savait ! Les Sirènes arrivent !

Cent-vingt-et-unième rotation :

Le Vieux est mort ! Ils ont pris le Vieux ! Ah les scélérats ! Ils viennent, ils arrivent ! J’ai mon fusil ! Je les attends !

Ils se nourrissent de la peur des gens. C’est pour ça qu’ils font toute cette mise en scène. Ils veulent me terroriser, et ils se délecteront de ma peur tels des hyènes sur un cadavre !

Cent-vingt-deuxième rotation :

Je sais d’où ils viennent ! Hier au soir, j’ai vu une étoile, une étoile qui n’était pas là avant. Elle a scintillé. Puis elle a bougé ! Elle s’est déplacé !

C’est eux ! Ils arrivent ! Au secours !

Cent-vingt-troisième rotation :

Par le pulsar de l’Enfer ! Le ciel clignote ! Il cligne comme une boule à facette ! Comme est-ce possible ? Ils sont forts, trop forts ! Ils peuvent éteindre et rallumer les étoiles à leur guise !

Ils arrivent !

Cent-vingt-quatrième rotation :

Ils sont là.

Le ciel s’est éteint.

Les étoiles sont toutes mortes.

Ils sont là.

Je suis terrorisé.

Ils le savent.

Ils sont là.

Je les entends venir, dans leur soucoupe.

Ils chantent leur victoire.

Ils sont là.

Les kaurae sont morts.

Le Vieux est mort.

Mon grand-père est mort.

Ma mère est morte.

Ils sont là.

Ils se posent, ils débarquent.

Ils marchent, ombres dans la nuit.

Ils sont là.

Je crie.

Ils sont là. Ils sont là. Ils sont là.

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