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Le soleil brillait de tous ses feux sur la terrasse où Eléonore Dutilleux s’affairait pour les préparatifs de la grande fête qu’elle donnait en l’honneur de son anniversaire de mariage avec Patrick. Elle tenait à marquer leurs neuf ans de vie commune en réunissant tous leurs amis et la famille. « Neuf, c’est un chiffre magique ! », ne cessait-elle de répéter.

Sa belle-mère, Kristin, était arrivée quelques jours auparavant afin de l’aider dans l’organisation de l’événement. Elle s’occupait aussi de ses petits-enfants et surtout de la petite dernière – Audrey – qui avait beaucoup de mal à s’endormir. Pendant la journée, elle pleurait souvent, sans raison, et l’après-midi, résignée, Audrey acceptait de se coucher pour sa sieste.

– Chère Elé, vous êtes toujours aussi ravissante, mon fils a vraiment de la chance, vous êtes une femme merveilleuse.

– Merci Kristin.

– Quelle idée de fêter neuf ans de mariage, ce n’est pas commun. Pourquoi n’avez-vous pas attendu dix ans, ça ferait un chiffre rond ?

– Patrick ne vous en a pas parlé ?

– Non, ou bien... non, je ne m’en souviens plus.

– L’année prochaine j’ai une grande tournée mondiale et je ne sais pas encore si je serais là à notre date anniversaire.

– Eu égard à votre père, vous êtes une merveilleuse pianiste, et votre talent lui rend un grand hommage.

– Merci Kristin, vous êtes vraiment très gentille. Oui, j’aurais été fière qu’Henri soit parmi nous...

Les larmes au bord des yeux, elle poursuivit :

– Je compte bien que Louisa étudie la musique dès l’année prochaine, pour ses cinq ans.

– C'est formidable ! Ainsi elle s'inscrira dans les pas de son grand-père ! Vous me permettez, Eléonore, de passer un de ses disques ?

– Vous trouverez Les Métaboles là-bas, à côté de sa Grand Croix de la Légion d'honneur.

La petite Audrey apparut avec son nounours blanc dans les bras, chouinant des mots incompréhensibles. La musique envahissait l’espace de la grande salle.

– Eléonore, je ne trouve pas la pochette dont vous parlez, avertit Kristin, j’ai mis Le Loup à la place.

– Excellente idée, Kristin, la musique symphonique va nous faire du bien, répondit Eléonore tout en rejoignant sa fille qu’elle prit par la main en l’entraînant dans une danse improvisée.

– Ma chérie, dansons sur cette musique composée à l’occasion d’un ballet.

Audrey avait séché ses larmes et lâché son nounours. Sa mère la regardait, elle bougeait avec elle et était heureuse : « Il passait le balai avec la musique ? », interrogea la petite.

Eléonore éclata de joie ; son rire clair illuminait la maison.

– Vous avez raison Elé, il ne faut pas perdre l’occasion de se détendre. Ces journées de préparation ne sauraient exclure quelques entractes, remarqua Kristin qui s’était assise pour observer sa bru et sa petite-fille, vous êtes le bonheur incarné Elé, bravo Audrey !

L’après-midi s’achevait avec douceur. Le portail grinça, un homme marchait dans l’allée jusqu’à la maison.

Daniel van Clemtov était le répétiteur et l’imprésario d’Eléonore Weiss-Dutilleux. Depuis un an et demi, il était l’homme à tout faire de la pianiste internationale, c’est lui qui avait organisé la tournée pour l’année à venir : les contrats, les réservations d’hôtels, les transports, etc. Il lui avait conseillé de garder son nom de jeune fille en hommage à son grand-père duquel elle pouvait bénéficier de l’héritage moral. Au début Eléonore en avait éprouvé du scrupule mais son mari l’avait encouragée lui disant qu’il comprenait et qu’elle avait sa carrière à bâtir.

– Ah Daniel, bienvenue, dit Eléonore en pleine virevolte avec sa fille.

– Bonjour Daniel, dit Kristin Weiss, la main tendue vers l’élégant quadragénaire, je dois vous dire que vous avez fait un travail remarquable.

– Je vous remercie madame.

– Appelez-moi Kristin, je suis la belle-mère d’Eléonore.

Eléonore les rejoignit.

– Audrey, ma chérie, tu vas avec mamie Kristin, c’est l’heure de manger.

– Mais maman, où est mon nounours ?

– Il ne doit pas être très loin. Maintenant je dois parler avec Daniel, je te rejoins après.

La fillette se remit à couiner et Kristin lui prit la main pour la conduire jusqu’à la cuisine.

– Ma chère Eléonore, cette musique pourrait – si vous me le permettez – accompagner un film d’Alfred Hitchcock, remarqua Daniel.

– Tiens, oui, en effet, je n’y avais pas songé. Et vous me faites penser à Laura d’Otto Preminger, répondit Eléonore, tout en prenant place dans l'un des grands fauteuils du salon. Asseyons-nous, Daniel. Où en sommes-nous des invitations ? Vous avez contacté les Italiens, les Polonais, les Allemands ?

– Je ne pense pas qu’ils puissent tous se déplacer. Par contre, les producteurs anglais m’ont promis de venir et je vous assure que nous pouvons compter sur la parole des anglo-saxons.

– Bon, mais si vous pouvez faire en sorte que les autres puissent venir…

On sentait une légère contrariété. Daniel se versa du Martini Blanc et fit tourner son verre.

– Je ferai tout ce que je peux, dit-il, faites-moi confiance. Vous ai-je déjà parlé de ma sœur ?

– Non, Daniel, jamais.

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