Chapitre 2 : Canwa er maranwë

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Prélude d’un destin

Les lourdes portes en bois percutèrent avec fracas les hauts murs de pierre, laissant le champ libre à Goda qui s’engouffra dans le châtelet d’entrée. Le pelage ruisselant et recouvert de boue, il continua sa course folle en aboyant bruyamment jusqu’à la cour intérieure du château, avant de disparaitre dans la pénombre.

A l'extérieur du château, Hagrid avançait avec peine, portant dans ses bras l’étrangère de la forêt, dont la vie s’étirait. Les muscles bandés, ses jambes trahissaient son épuisement. Des lieux parcourus aux travers des arbres, à patauger dans la boue, trébucher sur les racines sorties de terre, se ramasser et serrer toujours plus fort ce corps, en priant pour que le temps s’arrête. Garder les yeux rivés sur l’ombre de l’impressionnante forteresse et continuer à avancer. Oublier les sarcasmes des créatures de la nuit qui se jouaient de lui, tour à tour, êtres de sang ou chimères. Dépasser la douleur de cette course folle. Résister à cette odeur putride qui lui donnait la nausée.

Les feux des lampes sur la muraille éclairaient les ténèbres quand il parvint enfin au seuil du château de Lockwood. Dans un ultime effort, il enfonça la porte du châtelet et déposa son triste fardeau sur une table de bois avant de s’écrouler à ses côtés. Au loin, des pas précipités. Les voies masquées par les aboiements de Goda, devenaient plus claires.

Hagrid reposait à terre les yeux clos, épuisé. Son épaisse chevelure noire éparse sur les pierres de parements, sa barbe hirsute, ses vêtements et ses mains recouverts de sang.

Goda se précipita vers son maitre et lécha énergiquement son visage puis ses yeux se posèrent sur un homme âgé dans l’encadrement de la porte. Lord Northumberland s’arrêta un instant, interdit, pour articuler avec difficulté : « Hagrid ? »

- « Je…je …l’ai trouvé dans la forêt. » haleta le garde-chasse.

Il serra la tête de son chien contre son cœur, avant d’ajouter : « Vite ! »

Fébrile, le vieil homme s’approcha de la table. Des talons résonnaient dans le corridor. Lord Northumberland découvrit le visage tuméfié quand une femme vêtue de noir apparut. Devant cette vision de cauchemar, elle ravala le cri qui lui montait à la gorge en portant les mains à sa bouche. Elle vacilla un instant et s’accrocha au chambranle de la porte pour ne pas tomber. Le regard fixé sur le tissu écarlate, le maître des lieux ordonna d’une voix éteinte : « Allez chercher Rose et Mestre Manfred ! ».

Sans attendre, son épouse Mercy s’exécuta. Quelques minutes plus tard, elle réapparut accompagnée d’une femme d’une cinquantaine d’année portant un tablier blanc sur une robe de laine marron et d’un jeune homme aux cheveux bruns, coupés en frange autour de son crâne, encadrant un visage aux traits fins. Son regard pétillant reflétait toute la bonté d’une âme tournée vers son prochain. La sobriété de sa tunique noire, soutenue par une ceinture de chanvre tissée, ne reflétait pas l’origine de sa naissance. Manfred de Thibérine ne s’en vantait jamais.

Saisi par l’abondance de sang, Manfred se précipita au chevet de l’inconnue, suivi par Rose qui officiait comme infirmière au château de Lockwood. Avec des gestes d’une infinie douceur, il procéda à un examen minutieux de la blessure avant d’annoncer : « Nous ne pouvons la déplacer d’avantage ! »

Puis il plongea ses yeux dans ceux de Rose : « Nous tenterons l’impossible ici ! »

Lord Northumberland échangea un regard inquiet avec Mercy. Celle-ci sortit un flacon de sels caché sous sa jupe noire et en fit respirer l’odeur à Hagrid. Manfred aida le garde-chasse et l’accompagna à l’extérieur de la pièce, suivit par leurs hôtes. La porte refermée, Rose entendait la voix du jeune Mestre expliquer la gravité de la blessure.

Il fallait faire vite. Il allait revenir. Elle fouilla les poches du manteau blanc souillé et s’empara d’un mouchoir brodé. Elle considéra les initiales en lettres d’or avant de le cacher sous sa robe et observa le visage boursouflé. Son menton se mit à trembler et des larmes voilèrent ses yeux. Elle prit la main de l’inconnue -qui ne l’était pas tant-  et la caressa.

« Puisse l’esprit te protéger et nous pardonner tous ! »

Puis Rose Edith Eggleton se ressaisit. Elle relégua au fond de son cœur ses doutes et ses peurs. Docilement, elle commença à dévêtir sa patiente.

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