Épilogue

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Sagitta, Douzième Royaume.

Il s’était écoulé une semaine depuis son retour, mais Satia ne comptait plus ses heures. La version finale du traité de paix avait été adoptée deux jours auparavant ; elle l’avait apporté en personne à l’Empereur, avec une escorte réduite triée sur le volet, et à son retour, ils avaient fêté la paix signée entre l’Empire et la Fédération. Un moment historique.

Depuis elle était revenue aux affaires courantes ; une masse de requêtes en retard l’attendait. Elle ne savait plus où donner de la tête.

Satia termina sa lettre, la cacheta et la posa sur la pile de documents qui attendraient le lendemain pour partir vers leur destinataire. Elle soupira et se laissa aller contre le dossier de sa chaise avant d’oser un regard vers le ciel. Le soleil se couchait déjà ; elle se leva et s’approcha de la fenêtre pour en admirer les derniers rayons qui se reflétaient sur les toits de Valyar.

Trois coups résonnèrent à sa porte.

–Entrez, dit-elle sans se retourner.

–J’apporte un message du Djicam Aioros.

–Lucas ! Je ne savais pas que tu étais de retour ! s’exclama-t-elle comme la porte se refermait derrière lui.

Satia se précipita vers le Messager qui s’inclinait, poing sur le cœur.

–Merci, dit-elle en se saisissant du pli.

Elle le parcourut rapidement des yeux.

–Il a enfin arrêté une date pour son mariage ! C’est un peu rapide, non ?

–Il est plus pratique pour Dame Elycia d’officialiser leur union avant la naissance du bébé, répondit Lucas.

–En effet. J’imagine que ça facilitera aussi la filiation.

Le Messager sourit.

–Nulle crainte à avoir de ce côté-là. Seuls les membres de la Seycam possèdent des ailes blanches.

–Je lui renverrai une réponse officielle demain, mais je compte bien être présente.

–Aioros sera enchanté de l’apprendre, répondit-il poliment.

–Et toi ? rétorqua-t-elle en venant nouer ses bras autour de son cou.

–J’en serai ravi, dit-il avec une lueur amusée, avant de déposer un baiser sur ses lèvres.

Satia sentit son cœur accélérer.

–Tu restes ? murmura-t-elle.

Il vint appuyer son front contre le sien.

–J’aimerai.

–Mais ? devina-t-elle. Aioros ne peut avoir besoin de toi à cette heure ?

La jeune femme ne put empêcher l’amertume de transparaitre dans sa voix. Lucas laissa échapper un soupir.

–Satia…

–Je sais, l’interrompit-elle en se détournant. Tu as d’autres obligations. Je comprends. Vas-y, je ne te retiens pas.

Le Messager fut sur elle en moins de trois pas, posa les mains sur ses épaules.

–Veux-tu bien me laisser terminer ma phrase ? Aioros recevait ; j’en ai profité pour t’apporter sa lettre mais je dois toujours lui parler.

–Est-ce à ce point urgent ?

–Je pars demain matin. J’accompagne Itzal sur Massilia. Il est temps pour lui de rejoindre l’une des Maisons des T’Sara.

Satia fronça les sourcils et croisa les bras.

–Es-tu en train de me dire que tu vas aller prendre du bon temps sur Massilia alors que tu viens à peine d’arriver ? dit-elle d’une voix dangereusement douce.

–Tu savais dans quoi tu t’engageais, rappela-t-il.

–Alors je t’accompagne.

–Pardon ? s’étrangla le jeune homme. Tu quitterais Valyar si rapidement après ton absence ?

–Tu as bien entendu. M’en crois-tu incapable ?

Il s’approcha pour l’enlacer, déposa un baiser sur son front.

–Je ne peux nier que ta présence me comblerait de joie. Mais tu es bien naïve si tu penses que ta présence empêchera leurs sollicitations.

–En es-tu si sûr ?

Lucas sourit.

–Elles te demanderont si tu préfères regarder ou participer.

Comme il le prévoyait, Satia rougit. Les mœurs très libres des Massiliens restaient étranges pour la plupart des autres peuples de la Fédération, Lucas en était bien conscient. Leur relation survivrait-elle à leurs obligations respectives ? Il l’espérait.

–Je suis désolé de t’imposer ça.

–Ne t’excuse pas. Je te l’ai déjà dit, que je voulais visiter l’une de leurs Maisons, tu te souviens ?

–Je m’en souviens très bien, murmura-t-il.

Si Lucas ne devait garder qu’un seul souvenir de leur séjour dans l’Empire, c’était bien cette soirée où tout avait changé entre eux.

–J’ai déjà tout prévu, tu sais ? Je compte bien refaire un tour sur les douze planètes. Commencer par Massilia est une manière de réhabiliter le Djicam Ivan. Mayar est la suite logique. Je veux surveiller l’élection du nouveau Djicam au sein du clergé d’Eraïm. Vérifier l’installation des phénix. Comprendre le fonctionnement des Portes.

–Vaste programme. Je pensais que…

Un coup à la porte l’interrompit.

–Entrez, lança Satia avec un soupir.

Lucas avait déjà reculé. Elle haussa un sourcil à son intention. Pour lui parler des T’Sara, il n’avait aucun souci, mais il n’osait toujours pas s’afficher avec elle ? Et puis elle comprit. Elle était Souveraine, donc supérieure à lui en terme de hiérarchie pure. Les Massiliens ne fonctionnaient pas autrement ; ce serait à elle d’en prendre l’initiative.

Aioros poussa la porte, leur jeta un coup d’œil et salua Satia.

–Je vous interromps, peut-être ?

–Non, répondit Satia avec un sourire, malgré la rougeur qui devait colorer ses joues.

–Je m’excuse de m’imposer ainsi, mais je repars ce soir, finalement, alors... Voici ta recommandation, comme prévu.

–Merci, répondit Lucas en glissant le parchemin à sa ceinture sous le regard interrogateur de la Souveraine.

–Elycia te manque à ce point ? poursuivit-il.

Aioros croisa les bras.

–Je pourrais te donner tout un tas de réponses diplomatiquement acceptables, mais… oui, tu as raison, elle me manque. Comme je n’arrive à rien ici, autant que je rentre sur Massilia. La Porte n’est pas si loin, en volant.

Le Djicam de Massilia resta un moment sur le pas de la porte, songeur.

–Les rumeurs vont vite, déjà. Il ne faudrait pas trop tarder à mettre les choses au clair entre vous. Officiellement, tout du moins.

Satia n’avait pas ouvert la bouche qu’il saluait et disparaissait dans les escaliers de la Tour. Au pas de course, si elle en jugeait par le bruit.

–Ton frère ne manque pas d’audace, marmonna-t-elle.

–Il songe avant tout à protéger la Seycam, rétorqua Lucas.

Satia se lova contre lui.

–J’imagine que ça veut dire que tu restes ?

–Ai-je vraiment le choix ? sourit le jeune homme.

*****

Empire, Premier Monde, Druus.

–Vous m’avez demandé, sire ? demanda Éric en mettant genou à terre.

Ses blessures récentes rendaient le geste douloureux. Il se retint de porter la main à sa poitrine. Le coup était passé à moins d’un centimètre de son cœur ; sans le stratagème d’Esbeth, sans l’intervention rapide des médecins prévus par Dvorking, il ne serait plus de ce monde. Sa survie résultait d’un tel miracle ; il avait encore du mal à réaliser à quel point il avait frôlé la mort. Le Commandeur aurait dû être encore en convalescence ; mais on ne désobéissait pas à un ordre de l’empereur.

–Oui, répondit pensivement Dvorking.

L’empereur sortait d’une réunion informelle avec les Seigneurs ; au complet, maintenant que chacune avait désigné son représentant.

–Nous sommes officiellement en paix avec la Fédération, continua Dvorking. La version définitive du traité a été validée par les neuf Seigneurs.

–Que comptez-vous faire, sire ? Je doute que vous m’ayez demandé pour si peu.

–Je ne t’ai pas montré le dernier cadeau de la Souveraine Satia ? dit-il en produisant un flacon de verre.

Sa forme délicate évoquait une poire ; le verre transparent, taillé avec précision pour renvoyer la lumière, dévoilait un liquide d’un bleu cristallin.

Malgré sa curiosité, le Commandeur des Maagoïs tint sa langue.

–Des larmes de phénix, dit enfin l’empereur.

–Un présent inestimable, murmura Éric, stupéfait.

–Oui. Et je compte bien l’utiliser à sa juste valeur. Je vais t’envoyer en mission, Éric. Tu vas aller rappeler aux Familles qu’ils me doivent chacun une Iko.

Le Commandeur blêmit. Après son dernier combat et ses terribles blessures, il n’aurait pas craché contre un peu de repos. L’Empereur avait apparemment décidé que sept jours étaient suffisants. Devait-il lui rappeler qu’il n’était qu’un homme ? Qu’il avait perdu la moitié d’un poumon et qu’il n’était pas certain de revenir à son meilleur niveau ?

Non. L’empereur ne tolérait pas la faiblesse. Il trouverait un moyen.

–Et s’ils refusent ?

–Assure-toi qu’ils ne le puissent. Il me faut un héritier (Dvorking serra les poings). L’Arköm m’a fait perdre un temps précieux. Précise-leur que la première à concevoir sera couverte d’or. Et nommée Impératrice.

Le Commandeur accusa le coup. Jamais encore une concubine n’avait été nommée aux côtés d’un Empereur en tant qu’égale.

–Ce sera fait, sire. Je vais me mettre en route dès que possible.

Une lueur rusée et calculatrice passa dans les yeux écarlates.

–J’y compte bien.

FIN

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