Chapitre 57

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Avertissement : contenu sensible dans ce chapitre (notamment si vous êtes par'ange ou enceinte). Il y a un court passage en mode "torture sur femme enceinte". C'est factuel mais ça peut être gênant d'où cet avertissement.

Empire, Arian, Huitième Monde

Le regard fixé au sol, avançant à pas mesurés malgré l’urgence, l’esclave Sital arpentait les couloirs de la demeure de son maitre, le Seigneur Evan du Huitième Monde.

Lorsqu’Iléor avait perçu la nouvelle à travers le Wild, il avait informé Sital sans attendre. Une longue discussion s’était engagée entre le Compagnon et l’ex-Mecer. Peu à peu, la détermination de l’esclave s’était affirmée.

En l’absence du Seigneur Evan, Sital avait décidé que seul le capitaine Ishty, qui lui semblait être à la fois garde du corps et conseiller, saurait quoi faire.

Il frappa deux coups secs au bureau qui jouxtait l’antichambre du Seigneur Evan, où il pensait le trouver.

–Entrez, fit une voix ferme.

Sital soupira de soulagement. Il était là. L’esclave pénétra dans la pièce et mit immédiatement genou à terre, le regard rivé au sol.

–Maitre, le Seigneur Evan est en grand danger.

–Que dis-tu ? questionna Ishty en fronçant les sourcils.

–Le Commandeur Éric organise une Purge. Le Seigneur Evan est sur la liste.

–En es-tu… certain ?

Sital déglutit face au doute qu’il décelait dans la voix de son interlocuteur.

–Je ne peux pas mentir, maitre Ishty. Mon Compagnon… il sait capter des fragments d’information. Le Commandeur Éric est espionné. Je vous supplie de me croire. Il y a urgence.

Malgré le silence qui s’installait, Sital n’osa relever les yeux. Il était esclave, et même si le Seigneur Evan et sa maisonnée se révélaient plus permissifs que le Seigneur Gelmir d’Anwa, ses quatre années de conditionnement dictaient chacun de ses gestes.

A force d’accompagner le capitaine Ishty, Sital avait compris que son Seigneur trempait dans des affaires plus sombres, dont il ne partageait rien avec sa jeune épouse. La Dame Ireth était apparue superficielle à Sital, avec son babil presque ininterrompu autour des bijoux et des soieries. Pourtant dans ses yeux verts miroitait le tranchant de l’acier ; elle tenait de son père, le Seigneur Gelmir, pour la volonté. Et considérait chaque esclave avec autant d’intérêt qu’un animal utile. Sital faisait tout son possible pour éviter de la croiser : il n’avait nulle envie de corvées supplémentaires.

L’esclave Massilien était bien décidé à ne pas retourner entre les mains du Seigneur Gelmir d’Anwa, et pour cela, il était prêt à tout – même à trahir sa mission d’espionnage pour sauver son maitre actuel. Tant pis s’il s’agissait de sauver un impérial.

Tout ira bien, Myonos.

J’espère, Iléor. Mais si Ishty ne me croit pas… le Seigneur Evan se fera tuer.

Je ne trouverai pas cela si déplaisant, si ta vie n’était pas aussi dans la balance. Mais le Commandeur ne s’embarrassera pas de démêler le vrai du faux, et les esclaves ne sont rien, face à la puissance de l’Empereur.

Le Seigneur Evan est un homme juste, protesta Sital.

Plus juste que d’autres, convint Iléor. Mais nous sommes des êtres libres. Les cieux devraient nous appartenir. Et nous sommes piégés là, à la merci de leur bon vouloir…

L’amertume de son Compagnon lui brisa le cœur. Que n’aurait-il donné pour l’avoir près de lui… Sital serra les poings. Il refusait de perdre espoir. Un jour, tout changerait. Quelle autre raison de supporter cet asservissement ?

–Je suppose qu’il n’y a rien de mal à vérifier tes propos ? murmura enfin Ishty. Mais je te préviens, reprit-il en élevant la voix, s’il s’avère que tu m’as piégé…

–Je me soumettrai à votre jugement, maitre Ishty, s’empressa de répondre Sital, soulagé.

Le capitaine s’empressa d’ouvrir les tiroirs de son bureau et fit rapidement le tri.

–Un élixir d’ombre… une dose de fumée… ah, pourquoi pas ça…

Il glissa une dague dans sa botte supplémentaire, vérifia que tout son équipement était bien ajusté à sa ceinture, puis considéra l’esclave.

–Sauras-tu manier une lame ?

Avec un frisson d’appréhension, Sital acquiesça.

–Je… j’espère avoir assez progressé, maitre Ishty.

Sans commentaire, Ishty le ceignit d’un fourreau et de son épée.

–Bien. Tu l’as accompagné à son rendez-vous, n’est-ce pas ?

–Oui, maitre Ishty. Jusqu’au restaurant prévu. Alors que j’attendais en bas comme il me l’avait demandé, j’ai constaté que le quartier était bouclé par de nombreuses patrouilles. Puis j’ai eu ces informations sur la Purge… J’ai filé vous prévenir.

–Comment as-tu pu passer le barrage ?

–Je vole, maitre, fit simplement Sital.

*****

Ishty jura entre ses dents en découvrant l’étendue du dispositif.

–Par Orssanc ! Ça grouille de Maagoïs. Jamais nous ne pourrons passer en force sans une petite armée. Nous devons le mettre en sécurité. Sans preuves, ils ne pourront accuser un Seigneur impunément. Et le temps presse… (il consulta son chrono). Leur réunion va bientôt prendre fin. J’imagine qu’ils s’attendent à les cueillir proprement à la sortie. Il nous faut passer par la porte de derrière, qui donne accès aux cuisines. Il va falloir tuer un sacré paquet d’ennemis…

Le Massilien ferma les yeux, ouvrit et ferma plusieurs fois les mains, inspira, expira… et posa doucement ses doigts tremblants sur la poignée de l’épée à son côté. Il était si pâle que le capitaine crut qu’il allait défaillir. Un frisson le traversa, crainte et excitation mêlées. Lentement, il ouvrit les yeux, affermit sa résolution.

Tu vas y arriver, transmit Iléor avec toute sa force.

–Je suis prêt, dit-il comme la lame coulissait hors du fourreau. Laissez-moi passer devant.

Ishty bondit dans la rue à sa suite… et s’immobilisa, sidéré. Les attaques étaient coulées, fluides ; économe en gestes comme en paroles, Sital démontrait une rare efficacité. L’acier chantait, l’acier dansait, l’acier virevoltait d’arabesques sanglantes en allonges rapides. Ils avançaient, les adversaires s’enchainaient, et les cadavres ponctuaient leurs traces.

Finalement, ils furent devant leur objectif, la porte des cuisines. Il ne s’était écoulé que quelques minutes.

–Remarquable, commenta Ishty en évaluant les dégâts.

Il n’avait même pas eu besoin de dégainer. Le Seigneur Evan était-il au courant du potentiel de l’esclave ? Le capitaine constatait les progrès réalisés, mais il se demandait soudain si son Seigneur n’avait pas eu tort. Sital était dangereux. A l’avenir, il garderait un œil sur lui.

–Ne trainons pas. Laisse-moi parler, et n’interviens qu’en cas d’extrême nécessité.

–C’est entendu, maitre Ishty.

Le capitaine ouvrit prudemment. Un doux fumet leur apprit que des brioches étaient en train de cuire, et les discussions allaient bon train entre la cuisinière et ses aides. Ils épluchaient des légumes tandis qu’elle ficelait un rôti, apparemment prévu au menu de midi. Ils s’interrompirent un instant en les voyant franchir le seuil.

–Le bonjour, maitresse Cécilia, salua Ishty. Ne vous dérangez pas pour nous, une affaire pressante à régler.

Suspicieuse, elle accorda sa permission d’un signe de tête, tout en vérifiant qu’ils n’en profitaient pas pour se servir.

Ishty la remercia, et les deux hommes purent s’introduire dans la salle commune, déserte comme l’ensemble du restaurant avait été réservé.

–Vite, quand ils découvriront les cadavres… nous n’aurons plus beaucoup de temps.

Il s’approcha du mur du fond, vérifia que la bibliothèque judicieusement placée les dissimulait bien des cuisines, et ouvrit une petite trappe ressemblant à s’y méprendre à l’une des briques du mur. Il composa un code à cinq chiffres sur le boitier électronique ainsi dévoilé.

Les deux hommes s’introduisirent dans le petit espace qui révélait un escalier tournant. Les marches étaient étroites, tout juste visibles, mais ils les descendirent au pas de course.

Plusieurs personnes vêtues de noir – Sital en compta dix – étaient assises autour d’une table, jonchée de documents. Des cartes et des listes, eut le temps de remarquer l’esclave.

–Que signifie cette intrusion ? demanda un homme au visage masqué d’ours.

–Quelque chose de grave, apparemment, dit le masque de loup en se levant.

–Seigneurs, le quartier est bouclé. Une Purge est en cours, annonça Ishty.

Les autres membres se levèrent à leur tour, poussant et cherchant à gagner la sortie dans un pur mouvement de panique.

–SILENCE ! tonna Masque d’Ours en abattant le pommeau de sa dague sur la table. Êtes-vous des moutons, ou des membres de la Coalition ?

Les épaules se voutèrent sous les remontrances.

–Vous sortirez un par un, calmement.

Un regard sévère se braqua sur les deux hommes, et Sital riva aussitôt ses yeux au sol, terrifié par l’aura qui s’en dégageait.

–J’espère que ce n’est pas une plaisanterie, continua-t-il froidement, où vous le paierez cher.

L’esclave frissonna tandis que le capitaine acquiesçait.

L’évacuation se fit en silence, Ishty et Sital fermant la marche. La salle commune se remplit de silhouettes noires masquées, mal à l’aise.

Une femme vêtue d’une lourde robe qui camouflait ses formes, portant un masque de corbeau, s’approcha de l’une des fenêtres. Elle se recula en jurant.

–Ils sont là !

Les membres de la Coalition s’éparpillèrent aussitôt alors que des Maagoïs surgissaient par chacune des ouvertures. Ishty se saisit de l’homme au masque de panthère et fit signe à Sital.

Avec efficacité, l’esclave entreprit de leur dégager un passage. Un flot continu de soldats se déversait depuis les cuisines : il était illusoire de penser repartir par là où ils étaient entrés. Les tables étaient renversées, la vaisselle volait, les coups pleuvaient. Dans la cohue, les trois hommes progressèrent vers la porte principale.

Bientôt, les hurlements de terreur firent écho aux gémissements des blessés. Plusieurs corps jonchaient le sol, membres de la Coalition et soldats Maagoïs mêlés. Les éclats de verre crissaient sous leurs pas, des sirènes hurlaient à l’extérieur pour signaler que toute fuite serait vaine.

Déjà certains étaient démasqués, prisonniers se débattant en vain dans la poigne de fer des soldats d’élite de l’armée impériale. Le masque de corbeau gisait à terre, immobile, une mare écarlate s’étalant autour d’elle.

Ils étaient coincés.

Sital jeta un coup d’œil dans la rue qui s’étalait devant eux. Il y avait encore beaucoup trop de Maagoïs… deux escouades surveillaient les sorties, et d’autres patrouillaient aux intersections. Il allait falloir plus que de la chance pour qu’ils sortent le Seigneur Evan de là.

Ishty était parvenu aux mêmes conclusions. Le capitaine tira trois fioles de sa ceinture, et d’un ample mouvement du bras, les envoya tour à tour dans la rue. Une épaisse fumée noire ne tarda pas à recouvrir les lieux, sous les jurons et les toussotements des troupes.

Un linge devant leurs visages, Sital et Ishty guidèrent leur Seigneur au travers de la fumée. Dès qu’il avait été dissimulé par la fumée, Evan s’était débarrassé de son masque. Sans preuve directe de sa présence sur les lieux, les Maagoïs ne pouvaient l’accuser, son statut de Seigneur d’Arian l’en protégeait. Il dégrafa sa cape noire quelques mètres plus loin et la jeta sur l’un des cadavres semés sur la route.

Devant, Sital ouvrait la voie, se fiant à son sens de l’orientation hors pair, affuté par son lien avec son Compagnon. Dans ce brouillard noirâtre, il était illusoire de chercher à discerner quoi que ce soit. Seuls les jurons leur parvenaient, et quand un Maagoï tombait sur eux par mégarde, Sital ou Ishty l’éventraient sans même ralentir leur course.

Quelques ruelles plus loin, ils pénétraient discrètement une boutique de tissus de luxe. La respiration hachée, Sital mit genou à terre tandis qu’Ishty s’assurait qu’ils n’aient pas été suivis.

–Vous allez bien, Seigneur ?

–Tu as fait du très bon travail, Sital, commenta Evan.

–Désirez-vous quelque chose, mon Seigneur ? dit le vendeur hésitant, qui s’approchait en se frottant les mains.

Le débarquement en force des troupes d’élite impériales, à quelques rues de là, avait failli lui faire fermer boutique. Mais s’enfermer ne serait-il pas pire, en montrant qu’il craignait le courroux de l’Empereur, Orssanc lui prête sa force ?

Jaafan zu Shengis était fidèle à l’Empire, et comptait bien profiter de l’aubaine, quand quelques-uns de ses concurrents s’étaient claquemurés, par crainte de tirs perdus.

La présence du Seigneur d’Arian en personne serait une belle publicité pour sa boutique. Et qu’il aille tranquillement faire ses courses un jour de Purge témoignait de son courage et de sa fidélité à l’Empereur Dvorking, Orssanc lui prête sa force.

–Je cherchais un cadeau pour mon épouse, répondit Evan en rentrant immédiatement dans son rôle. Quelque chose de fin, de somptueux, de… surprenant. Elle adore la soie impériale.

–Je vois, je vois… réfléchit-il en caressant inconsciemment sa bedaine. Hum… oui, peut-être ça, continua-t-il en se dirigeant vers les coupons de soie rouge.

Il en déroula un large mètre.

–Admirez la finesse du tissu, Seigneur. Et ces couleurs… un rouge magnifique, rehaussé par des motifs d’or…

–De beaux oiseaux en effet… n’auriez-vous rien de plus… félin ?

Avec un sourire rusé, le marchand alla dérouler une autre étoffe, orangée cette fois. Des panthères arpentaient les replis du tissu dans un tracé noir aussi délicat qu’arachnéen.

–Est-ce pour une occasion spéciale, Seigneur ? demanda le marchand.

–Qu’en penses-tu, Sital ?

L’esclave se troubla, perturbé d’être ainsi mis en avant. Le prenait-on pour un simple esclave domestique ? Le regard du marchand s’était attardé sur ses ailes ; les Massiliens étaient peu communs, ici. S’il devinait qu’il était un ancien Mecer… ils étaient rares, lui avait appris le Seigneur Gelmir. Rares et précieux. Était-il un simple symbole du statut de son maitre ?

–Ce n’est pas mon champ de compétences, Seigneur. Néanmoins… choisir des phénix serait audacieux, Seigneur, si je puis me permettre.

–Des phénix… murmura Evan. Je n’avais pas fait attention.

–Votre esclave a un regard aiguisé, mon Seigneur. Ce motif fait fureur en ce moment, c’est la dernière mode à la capitale !

–Très bien, alors mettez-moi-en quelques mètres. Et qu’auriez-vous en dentelles et autres rubans ? Elle a beau en avoir des quantités, elle est toujours ravie quand je lui en rapporte d’autres…

–Vous semblez avoir beaucoup à vous faire pardonner, Seigneur, gloussa le marchand d’étoffes. Cette dentelle est faite de fils d’or, Seigneur. Une rareté, admirez le talent de cette brodeuse d’exception ! Les oiseaux semblent voler dès que le tissu bouge.

Evan tergiversa pour la forme. Les marchands adoraient palabrer, et plus il passait de temps dans cette boutique, plus son alibi serait solide. Un homme pourchassé n’allait pas faire des emplettes un jour de Purge…

Les bruits de la rue leur parvenaient étouffés, et si le marchand sursautait de temps à autre en coulant des regards inquiets à travers sa vitrine, il ne perdait pas son sens des affaires. D’autres nobles étaient servis par ses vendeurs, mais Jaafan tenait à s’occuper lui-même des clients les plus prestigieux.

Malgré la situation, les sourires étaient plaqués sur tous les visages. Les arrestations musclées de l’autre côté de la rue étaient ignorées ; tous savaient qu’au moindre signe de compassion ils seraient embarqués à leur tour.

Une heure plus tard, Evan décida qu’ils s’étaient assez affichés. Il s’efforça de ne pas bondir au vu de la note – rester en vie n’avait pas de prix, puis ils sortirent de la boutique, Sital croulant sous les paquets de soie soigneusement emballés.

Le regard sombre, Evan allongea le pas en direction de sa demeure, jouant distraitement avec les perles de ses bracelets. Ce soir, il apprendrait les détails et les arrestations de la Purge. L’Empereur Dvorking, Orssanc lui prête sa force, ne manquerait pas d’afficher sa satisfaction.

Mais il se leurrait s’il croyait avoir éradiqué la Coalition. Evan était certain qu’il n’était pas le seul à avoir survécu ; leur mouvement se fondrait encore une fois dans les ombres, mais jamais il ne disparaitrait. Pas temps que l’Empire était debout.

*****

Empire, Iwar, Septième Monde, Demeure d’Eric.

Depuis le départ du Commandeur, Esbeth se rongeait les sangs. Elle tournait en rond, n’arrivait pas à se concentrer sur une quelconque activité.

Les esclaves de la maisonnée avaient perçu son humeur ; ils vaquaient à leurs tâches en silence et s’efforçaient de demeurer hors de sa vue.

Esbeth maudissait son inconscience. Comment avait-elle pu être aussi aveugle ? S’était-elle trop focalisée sur le Commandeur, à en oublier les autres menaces qui planaient sur la Coalition ?

Sans son communicateur, il lui était impossible de joindre les autres membres de sa cellule. Demeurer ainsi dans l’incertitude était insoutenable. Pour couronner le tout, elle n’avait pas trouvé un seul écran accessible dans la maison. Elle n’avait pu suivre la retransmission de la Purge, car elle le savait, Dvorking aimait étaler sa puissance aux yeux des citoyens.

Ne supportant plus d’être enfermée, Esbeth se rendit dans les jardins. L’un des esclaves taillait les rosiers, remarqua-t-elle en descendant les allées. Le Commandeur possédait un territoire de choix, sur Iwar. La planète était peu fréquentée ; seule une poignée de villes s’étaient développées, souvent aux abords des astroports. Des navettes assuraient les liaisons, et chaque agglomération était protégée par un bouclier énergétique. Les terres sauvages et inhospitalières d’Iwar étaient le lieu d’entrainement des Maagoïs, après tout. Les approcher restait dangereux.

Esbeth s’arrêta au bord d’une falaise. Ainsi, c’était là que s’arrêtait le domaine d’Eric aux Ailes Rouges. Elle comprenait mieux pourquoi il avait choisi l’endroit. Son regard s’attarda sur les buissons alentour et elle fronça les sourcils. Ne devinait-elle pas un début de sentier, derrière ce genèvrier ? Sa curiosité piquée au vif, elle s’y engagea.

–Maitresse Esbeth, non, vous ne devez pas !

La jeune femme se retourna. Hors d’haleine, Zem s’inclinait devant elle.

–Et pourquoi donc ?

–Le maitre l’a interdit, maitresse.

–Et tu oserais t’opposer à moi, esclave ? dit-elle crânement.

Zem se recroquevilla.

–Bien sûr que non, maitresse. Je ne fais que transmettre la volonté de maitre Eric.

–Donc il ne souhaite pas que je m’aventure là-bas ? murmura-t-elle pensivement. C’est donc une bonne raison pour que j’aille me rendre compte par moi-même.

–Laissez-moi vous conduire, alors, céda Zem.

Surprise, elle considéra l’esclave.

–Le sentier est traitre, maitresse, expliqua-t-il. Et contrairement au Commandeur, vous ne possédez pas d’ailes. Il sera très mécontent s’il vous arrive quelque chose en son absence.

Encore une fois, Esbeth se demanda à quel jeu jouait le Commandeur. Leur mariage était un arrangement réciproque, et elle ne s’était pas attendu à ce qu’il prenne son rôle autant à cœur. Peut-être y avait-il là une opportunité à saisir.

L’esclave déglutit nerveusement avant se s’engager sur l’étroit sentier. Une brise douce soufflait dans les cheveux d’Esbeth ; elle se prit à espérer qu’il ne forcisse pas. Un seul coup d’œil lui avait suffi pour comprendre qu’une chute serait fatale. Après quelques minutes d’une marche précautionneuse, ils arrivèrent devant une porte verrouillée. Zem farfouilla dans la bourse à sa ceinture avant d’introduire une petite clé dans la serrure. La porte s’ouvrit avec un grincement.

–Je vous attendrai là, maitresse. Je ne suis pas autorisé à entrer.

Esbeth fit quelques pas dans la pénombre, le temps que ses yeux s’habituent au faible éclairage. Elle distingua bientôt les lourdes grilles qui délimitaient plusieurs cellules et frissonna. Quoi qu’il se passe ici, une atmosphère lourde se dégageait des lieux.

Un instant, Esbeth crut que toutes les cellules étaient vides. Puis, elle découvrit que la dernière était occupée. Une masse informe, grisâtre et surtout, ailée. Un prisonnier de guerre des Douze Royaumes ?

–Qui es-tu ? demanda-t-elle en s’approchant.

L’être leva les yeux vers elle, comme surpris qu’on lui adresse la parole. Des chaines reliaient ses poignets et ses chevilles, une couche de crasse le recouvrait.

–Je réponds au nom d’Orys, dit-il d’une voix cassée. Êtes-vous venue me tuer ?

–Pas avant d’en savoir davantage, rétorqua-t-elle. Pourquoi êtes-vous détenu ici ?

Le Massilien eut un rire rauque.

–Parce qu’un marchand d’esclave m’a vendu au Commandeur des Maagoïs, répondit-il en portant la main sur le collier à son cou. Et que jamais je ne servirai ce traitre.

Malgré l’odeur nauséabonde, Esbeth se rapprocha davantage.

–Dites-m’en plus.

*****

Empire, Iwar, Septième Monde, Demeure d’Éric.

Le crépuscule se parait d’or lorsque le Commandeur Éric rentra chez lui. Sans fioritures, il atterrit dans son atrium et se délesta de son baudrier.

–Les affaires du jour, maitre, annonça Zem en lui présentant une liasse de documents.

–Demain, fut la réponse péremptoire qu’il reçut, accompagnée d’un geste las de la main. Fais préparer un bain.

–Dame votre épouse a pris la liberté d’ordonner que cela soit prêt pour votre retour, maitre.

L’esclave ne sut dire si son maitre était surpris ou ennuyé.

–Très bien. Vous avez congé pour la soirée. Qu’on ne me dérange plus.

–À vos ordres, maitre, fit Zem en s’inclinant.

Le Commandeur jeta un dernier regard aux cieux teintés de mauve, et se dirigea vers le bassin qui l’attendait.

Rien n’était plus agréable après une longue journée à respirer les fumées nauséabondes des bûchers et les parfums entêtants des courtisans. Ces êtres poudrés lui donnaient la nausée. Dvorking pouvait bien se moquer de son dédain, la découverte qu’une Iko était au cœur du complot contre Éric et le trône l’avait mis hors de lui.

Les huit Iko avaient été soumises à la question par l’Arkom Samuël en personne, sur la requête expresse de l’Empereur, Orssanc lui prête sa force. Elles n’avaient pas été marquées physiquement, mais leur regard vide et hagard en disait assez sur les souffrances qui leur avaient été infligées. Pourtant, même l’Arkom n’avait pu établir un quelconque lien de complicité entre elles. Elles avaient été répudiées, par précaution. Quel gâchis. Le Commandeur doutait qu’elles soient bonnes à quoi que ce soit, désormais.

L’Iku Idril so Baradiel avait sauvé sa peau de justesse, au prix d’une grande partie de la confiance que Dvorking lui accordait. Les proches de Dvorking étaient de moins en moins nombreux, après ce fiasco.

Avec un soupir, Éric chassa ces pensées déplaisantes et se dévêtit, laissa là ses habits qu’un esclave viendrait laver, repasser et ranger, et s’immergea avec délices dans l’eau brûlante. À l’aide d’une brosse et d’un morceau de savon, il entreprit de s’étriller consciencieusement. puis sortit de la cuve, dégoulinant d’eau, et se rinça longuement à l’eau glacée, appréciant son contact frais, vivifiant et revigorant.

Il descendit ensuite lentement les marches du bassin extérieur, gardant précautionneusement ses ailes hors de l’eau. Le bassin était juste assez profond pour lui permettre de garder les pieds au fond et la tête hors de l’eau.

Arrivé à l’autre extrémité du bassin, il s’accouda sur le rebord, posa la tête sur ses mains, et contempla le soleil disparaitre doucement sous l’horizon. Une parfaite relaxation pour conclure une journée intense.

–Vous n’avez pas peur d’attraper froid ? frissonna Esbeth en s’approchant.

–Le climat est chaud, ici, sur Iwar.

Elle s’assit au bord du bassin, laissa ses jambes fines et fuselées jouer avec l’eau. Pendant de longues minutes, elle considéra son époux.

Depuis leur première conversation, elle avait beaucoup découvert sur son caractère. Beaucoup, mais pas tout, apparemment.

S’il était au courant de son rôle dans la Coalition, pourquoi avoir consenti au mariage qu’elle lui avait proposé ? Pourquoi une union si rapide, d’ailleurs ? Savait-il déjà, n’était-elle qu’un pion pour lui, comme il l’était pour elle, ou s’était-elle trahie d’une manière ou d’une autre ?

Et elle se trouvait là, rongeant son frein, ne sachant comment lui demander des nouvelles. Elle avait déjà survécu à quatre Purges, et se trouvait étonnamment chanceuse. S’il n’y avait pas eu ce mariage, elle aurait sans nul doute été présente à la réunion du matin sur Arian. Elle y avait délégué sa seconde, Murielle zu Essine, car il était impensable que le Neuvième Monde ne soit pas représenté à cette réunion capitale pour la suite de leur mouvement. Elle avait eu si hâte de leur apprendre que son plan avait fonctionné…

Elle n’était plus si sûre d’avoir fait une bonne affaire, finalement. Ce mariage lui avait sauvé la vie, mais si elle perdait la confiance des autres membres de la Coalition…

Qui donc avait bien pu survivre ? Elle ne pouvait croire qu’ils aient tous été pris. Elle le sentait confusément, quelque chose ne s’était pas passé comme prévu pour le Commandeur. Jamais elle ne l’avait vu aussi pensif, aussi détaché.

Était-il vulnérable, ou en donnait-il seulement l’apparence, en ce moment-même ? Comment profiter au mieux de l’ouverture ?

Après de longues minutes de silence, le Commandeur finit par dire :

–Vous ne m’interrogez pas ? Craignez-vous mes réponses, avez-vous encore de l’espoir pour vos compatriotes ? Ou préférez-vous me maudire de vous avoir gardé recluse ici ?

Malgré la colère qu’il avait éveillée en elle, elle se força à rester calme. Elle n’irait pas à la confrontation comme il le souhaitait.

–Je vous trouvais simplement… troublé, pour une journée qui aurait dû être un triomphe, de votre point de vue.

L’homme ailé soupira. Pourquoi avoir consenti à ce mariage ? Sa demeure, son oasis de tranquillité, n’était déjà plus qu’un lointain souvenir.

–La Purge a rempli son office. Des centaines de personnes ont été arrêtées sur l’ensemble des Neuf Mondes. Beaucoup d’esclaves, étonnamment, dans le lot… Les bûchers d’Orssanc, allumés par l’Arkom et ses apôtres, ont brûlé toute la journée. L’Empereur Dvorking, Orssanc lui prête sa force, était ravi. Une dizaine de domestiques du Palais ont aussi été arrêtés et soumis à la question. Nous avions déjà des doutes sur l’une des Iko, ils ont été confirmés par plusieurs d’entre eux. La révélation ne lui a pas plu du tout… dans sa rage, l’un des apôtres de l’Arköm a percuté un mur avec suffisamment de violence pour se briser la nuque. L’Arköm Samuël n’a pas apprécié… pourtant il n’a rien dit : lui aussi a compris que ce n’était pas le moment de contrarier l’Empereur.

Esbeth frémit.

–Qu’est-il advenu d’elle ?

–Apparemment, elle était à la tête du complot qui devait commanditer l’assassinat de Dvorking. C’était elle aussi qui avait envoyé des tueurs à mes trousses… une amatrice, pour ne pas avoir pris le temps de se renseigner correctement sur ses cibles. D’autres tentatives avaient été lancées sur l’Arköm et le chef espion Fayaïs. Ces échecs ont signé sa perte.

–Elle est allée au bûcher ?

Éric laissa échapper un rire sans joie.

–C’eut été préférable. L’Arköm lui a donné quelque chose, un remède qui diminuait la douleur et lui permettait de rester lucide. Pendant que ses apôtres la maintenaient debout, il a ouvert ses entrailles, avant de les dérouler sur une table… ils se sont alors aperçus qu’elle était enceinte. Ils ont incisé sa matrice, ont déposé le bébé si petit encore vivant dans ses bras… à partir de là, ses hurlements ont perdu toute cohérence (il frissonna). Je pense qu’elle en a perdu l’esprit. Elle n’a eu aucune réaction quand ils ont tout replacé, tout refermé… Son regard est vide, elle attend la mort dans la cage de verre où ils l’ont enfermée, aux pieds du trône de l’Empereur, Orssanc lui prête sa force. Infection ou inanition, il est certain que sa mort douloureuse servira d’exemple aux Familles…

Esbeth était restée sans voix. Quelle cruauté ! Elle n’arrivait pas à trouver les mots ni les qualificatifs pour ces actes de torture perpétrés à la vue de tous.

–Que… que cherchaient-ils à savoir ? réussit-elle à dire avec difficulté. Son bébé…

–Oh, bien trop petit pour survivre, même avec l’aide de votre technologie. Ils ne lui ont posé aucune question.

–C’est… je ne sais pas quoi dire.

–L’Empereur n’a pas apprécié du tout, et c’est un doux euphémisme, qu’une personne aussi proche de lui le trahisse. Quand il s’agit des Familles, ça l’amuse, quand il s’agit de ses Iko… c’est autre chose. Beaucoup ont rendu leur déjeuner lors de ce… spectacle. S’il restait des membres de votre… Coalition, dans les spectateurs, je doute qu’ils s’essaient à quoi que ce soit sans être certain du résultat.

Esbeth déglutit péniblement.

–Nous… nous savions tous à quoi nous nous exposions, murmura-t-elle. Et les autres Iko, que sont-elles devenues ?

–Elles vont être vendues aux enchères à la fin de la semaine, selon la règle Impériale. En attendant, elles sont recluses dans leurs appartements, sous haute protection.

La règle impériale… Une des normes les plus sévères concernant le commerce des esclaves. À la fin du temps imparti pour les enchères, ceux qui n’avaient obtenu aucune offre étaient purement et simplement tués.

Le soleil avait maintenant disparu, et si le ciel oscillait entre le mauve et le bleu, les étoiles commençaient doucement à apparaitre. Sur un signe de son maitre, Taliel s’approcha pour lui présenter une serviette. Le Commandeur se hissa à la seule force des bras et s’essuya avant d’enfiler une tenue décontractée.

–Désirez-vous diner, ma Dame, ou mon récit vous a-t-il coupé l’appétit ?

–Je n’ai pas l’estomac aussi sensible que vous semblez le croire, Éric, rétorqua-t-elle tout en acceptant le bras qu’il lui proposait.

Le repas était excellent, pourtant Esbeth lui trouvait un goût de cendres. Ni les filets de truite fumée, ni le rôti, tendre et juteux, ni les légumes délicieusement relevés ne parvenaient à chasser de son esprit les images de mort et d’agonie. Finalement, elle déposa ses couverts et repoussa son assiette.

–Pensez-vous que quelqu’un osera acheter les Iko ? demanda-t-elle.

Surpris, le Commandeur la dévisagea.

–Vous, vous avez une idée derrière la tête.

–Suis-je vraiment si transparente ? maugréa Esbeth.

–Je doute fort que les acheteurs se pressent pour les anciennes Iko. Elles ont été répudiées, et si l’Empereur, qu’Orssanc lui prête sa force, les a ainsi désavouées… c’est courir le risque d’affronter ses soupçons. Et les serviteurs d’Orssanc… toujours prompts à obtenir des aveux.

–Leur corps et leur beauté sont intacts, insista Esbeth. Quel homme résisterait à une telle offre ?

–Celui qui tient à sa tête, rétorqua Éric. (Il soutint un instant son regard, avant de se détourner). N’y pensez même pas…

–Et pourquoi pas ? dit-elle sur un ton de défi. Si Dvorking souhaitait s’en débarrasser proprement, il n’avait qu’à les faire exécuter directement !

–Ne peut-il vous venir à l’esprit qu’il s’agit justement d’un appât pour les membres de votre Coalition ?

–Ne les avez-vous pas supprimés efficacement ?

Il se renfonça dans son fauteuil, d’humeur sombre.

–Si, évidemment. Croyez-en mon expérience, il reste des survivants. Il en reste toujours. Votre précieuse Coalition se reformera, avec de nouveaux membres. Et un même objectif. L’Empereur, Orssanc lui prête sa force, a besoin d’une opposition pour démontrer son pouvoir.

Esbeth haussa un sourcil.

–Des paroles bien étranges, pour le favori de l’Empereur.

Il renifla.

–Le favori ? Je ne suis qu’un jouet à ses yeux, un instrument utile et loyal. N’allez pas croire que je lui suis indispensable. Et n’ignorez pas que j’en ai conscience.

–Mais…

Il balaya ses protestations d’un geste de la main.

–Votre précieuse Coalition me prend pour bien plus important que je ne le suis réellement. Oui, à l’occasion je suis le bras armé de l’Empereur, Orssanc lui prête sa force. Tout comme le Maitre-Espion ou ses autres proches conseillers. Oui, je suis loyal à l’Empereur, Orssanc lui prête sa force. Il le sait, mais il ne peut concevoir qu’un homme sain d’esprit ne cherche pas à comploter contre lui.

Il vida son verre d’un trait avant de poursuivre.

–N’ayez crainte, vous ne serez pas enchainée à moi bien longtemps. Un jour ou l’autre, Dvorking se lassera et se débarrassera de moi.

–Vous êtes bien mélancolique, ce soir.

Il eut un rire sec.

–Souhaitez-vous prévoir une sortie pour les enchères ?

Elle parut surprise.

–Vous accepteriez ?

–Je ne suis pas votre geôlier… et vous semblez avoir un intérêt bien particulier.

–Il s’avère que l’une d’entre elles… a été mon amie. La Famille du Neuvième Monde a toujours aimé que ses enfants partent découvrir les autres Mondes dans leur jeunesse. Sirah était originaire de Meren, plus jeune que moi, mais nous avons très vite beaucoup partagé. Son dernier message m’annonçait qu’elle avait été choisie pour devenir Iko. Je ne l’ai pas revue depuis.

–Je crains que vous ne soyez déçue…

–Ces femmes ont été CHOISIES ! Et voilà qu’il s’en débarrasse, alors qu’elles n’ont rien fait !

–Ce n’est ni la première, ni la dernière fois que cela arrive. L’Iku Idril est bien en place… les Iko tournent, et assez rapidement ces derniers temps.

–La favorite aurait autant de pouvoir ? s’exclama Esbeth, incrédule.

–Vous ai-je précisé que l’enfant était de sexe masculin ? Cette Iko avait son avenir tout tracé : il lui suffisait d’attendre la naissance pour régner sur les Iko. Si elle avait annoncé sa grossesse à l’Empereur, Orssanc lui prête sa force, elle aurait été placée sous protection. Pensez-vous vraiment que dans le cercle très fermé des concubines, nulle ne soit au courant ?

–Je ne savais même pas qu’une Iko faisait partie du mouvement…

–Il m’a paru évident qu’il s’agissait du premier lieu où avoir quelqu’un présentait un intérêt. Pourtant je doute que l’Iku s’intéresse à la Coalition… Son seul désir semble être de régner dans le cœur de l’Empereur. Mais à force de chercher à dominer les Iko à tout prix, à force de s’en débarrasser « discrètement », il a fallu trouver de plus en plus de candidates… avouez qu’il était tentant pour votre Coalition d’en profiter.

–Maintenant que vous présentez les choses ainsi, murmura-t-elle en fouillant ses souvenirs. L’Iku Idril aurait-elle pu manigancer tout ceci juste pour se débarrasser d’une rivale ?

Éric haussa les épaules.

–Qui sait ? Nous n’aurons jamais de preuve. Mais ce n’était pas n’importe quelle rivale. C’était la mère potentielle d’un héritier. Une concurrente qui aurait eu sa place avec certitude. Une belle écervelée.

–Je sauverai les survivantes.

–Eh bien, j’ai hâte de voir comment vous allez vous y prendre….

*****

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