Chapitre 10

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La nuit était tombée depuis longtemps sur la forêt de Tyrion, et la pluie commençait enfin à faiblir.

Les Émissaires Matthias et Luor progressaient laborieusement, soutenant leurs compagnons inconscients, pataugeant sur le sentier boueux. Ils étaient trempés, et auraient tout donné pour un bon feu qui réchauffe jusqu’aux os.

Pour l’instant, ils ne songeaient qu’aux longues heures qu’il leur faudrait pour rejoindre Valyar.

Des renforts étaient en route ; mais les deux jeunes gens avaient besoin de chaleur et de soins urgents. Il était inconcevable d’espérer allumer un feu sur la terre détrempée, et même si la pluie drue s’était changée en bruine légère, l’air était chargé d’une humidité glacée.

Raison pour laquelle ils avançaient, un pas après l’autre, et économisaient leur souffle.

La nuit les enveloppait ; nulle lune n’éclairait leur chemin, pourtant les deux hommes distinguaient parfaitement les obstacles.

Matthias s’arrêta soudain, et Luor jura en manquant de le percuter.

–Qu’y a-t-il ? haleta-t-il.

–J’y pense. Le camp des Maagoïs ne doit pas être loin.

–C’est un détour par rapport à Valyar.

–Mais c’est plus près, et si les baraquements sont intacts, nous serons à l’abri de la pluie.

La perspective d’être enfin au sec balaya tous les arguments que Luor aurait pu opposer.

–Très bien, capitula-t-il.

*****

Les deux Émissaires arrivèrent en vue de l’ancien camp Maagoï. Les lieux avaient été vidés dans la précipitation ; les portes ouvertes et le matériel oublié qui trainait dans la boue en témoignait.

Ils entrèrent dans le premier bâtiment qu’ils aperçurent ; enfin à l’abri de la bruine ! Ils en soupirèrent d’aise. Matthias déposa délicatement son fardeau sur l’un des lits et entreprit d’explorer les lieux. A priori, ils se trouvaient dans un dortoir. Une cheminée remplie de cendres froides se trouvait dans l’un des coins de la pièce, tandis que la porte du fond donnait sur une chambre privée ; celle d’un officier certainement.

Le Mecer fit signe à son collègue qui allongea la jeune femme, toujours inconsciente.

–Elle est glacée, maugréa Luor en posant la main sur sa joue.

–Je vais allumer un feu, je doute qu’ils soient partis avec leur stock de bois de chauffage, répondit Matthias en revenant dans la pièce principale.

Némo, tu voudras bien vérifier que nous sommes seuls ? s’enquit l’Émissaire.

J’espère que tu as de quoi me réchauffer pour m’obliger à sortir par un temps pareil, maugréa le faucon des cimes.

Tout est tranquille, rapporta-t-il quelques minutes plus tard.

Il pénétra à l’abri et Matthias rapprocha obligeamment une chaise de la cheminée pour lui servir de perchoir.

Merci.

Merci à toi, au moins sommes-nous en sécurité pour le moment.

L’Émissaire n’avait pas chômé pendant l’absence de son Compagnon, et des flammes crépitaient dans l’âtre en léchant les buches. Maintenant qu’il était en sécurité, la fatigue lui tomba dessus comme une masse ; avec effort, Matthias la repoussa. Il avait encore beaucoup à faire. Il enleva sa veste et l’essora avant de l’étendre près du foyer. Il était glacé jusqu’à la moelle, alors les deux jeunes gens trempés après leur bain forcé dans les eaux du lac Eriol risquaient l’hypothermie. L’Émissaire secoua ses ailes devant les flammes pour les sécher puis se rapprocha de Lucas et fronça les sourcils. Ses lèvres viraient au bleu-violet, c’était mauvais signe. Il déploya délicatement l’une de ses ailes pour qu’elle s’égoutte sur le sol, et entreprit de le dévêtir. Le tissu détrempé collait à la peau, rendant sa tâche difficile. Matthias pinça les lèvres en défaisant le bandage rougi de son abdomen ; les points avaient cédé, il devrait tout recommencer. Et c’était pareil sur sa jambe, réalisa-t-il.

L’Émissaire Matthias alla récupérer des couvertures sur un lit voisin, et en recouvrit Lucas, puis saisit son aiguille et du fil et s’occupa de suturer les plaies. Avec le froid, ses mains tremblaient, et il jura tout bas : ce n’était vraiment pas le moment ! Le Mecer ferma les yeux, se recentra sur sa respiration, accepta l’emprise glacée sur son corps, disciplina ses muscles, souffla doucement une dernière fois avant de rouvrir les paupières. Le geste sûr désormais, il reprit son ouvrage. Un dernier nœud, et il lacéra l’un des draps pour le reconvertir en bandage serré. Le Massilien posa une main légère sur le front de son compatriote. Lucas commençait à se réchauffer, emmitouflé sous une belle épaisseur de couvertures. Il ne pouvait faire mieux, ce serait à lui de se montrer assez déterminé pour survivre. Et au vu de son caractère, il n’avait que peu de doutes sur le réveil rapide de son ami.

*****

Luor avait ravivé les braises du poêle, surpris que les Maagoïs l’aient laissé intact. Le Commandeur devait vraiment être impitoyable sur les retards pour que même un officier quitte les lieux précipitamment. Des buchettes garnissaient un large panier tout près, de quoi alimenter les flammes pour plusieurs heures.

L’Émissaire se tourna vers la jeune femme qu’il avait déposée sur le lit. Toujours inconsciente. C’était bien sa veine. Il s’approcha, hésitant sur la conduite à tenir.

Tu es tracassé ? demanda Wari.

Il faudrait que je lui enlève ses vêtements trempés pour qu’elle se réchauffe.

Ça pose un problème ? continua Wari, curieux.

Les jeunes femmes n’apprécient pas d’être vues sans leurs vêtements, lui expliqua Luor.

Étrange coutume. Bah, reprit Wari avec un silence, elle ne s’en rendra pas compte maintenant. Et de ce que je comprends, tu n’as pas le choix.

Avec un peu d’appréhension, l’Émissaire déshabilla la jeune femme, et s’efforça d’adopter un certain détachement. Il était en train d’ôter une manche quand il s’arrêta net et jura tout bas. Il y avait clairement une démarcation sur sa peau, au milieu de son avant-bras. Si la main et le poignet avaient la couleur beige clair d’une peau vaguement hâlée par le soleil, la suite du bras arborait une teinte d’un mauve clair, légèrement nacrée.

Était-elle glacée à ce point ? Luor posa la main sur la peau nue, sans sentir une différence de température entre les deux couleurs. Perplexe, il appela Matthias, qui s’empressa de couvrir la jeune femme d’une couverture.

–Par Eraïm, souhaites-tu vraiment que Lucas découvre que tu te rinces l’œil avec sa protégée ? Tiens-tu si peu à la vie ?

–Ne vois-tu rien d’étrange sur son bras ?

–Quoi ?

–Là, regarde, insista Luor.

L’Émissaire fronça les sourcils et frotta doucement la démarcation. Sous une couche de beige, la peau était clairement mauve.

–Du maquillage, murmura-t-il. Qu’Eraïm me garde, je n’ai aucune idée de ce que cela signifie.

–Dommage, je pensais que tu pourrais m’éclairer, maugréa Luor. Tu crois que Lucas est au courant ? C’est une Prêtresse de Mayar ?

–Aucune idée pour tes deux questions. Une chose après l’autre. Assure-toi pour qu’elle survive ; nous aurons tout le temps de leur poser des questions ensuite. Enfin, s’ils se réveillent avant l’arrivée des Mecers…

Luor frissonna.

–Ce serait mieux pour nous. Le Messager Zilar n’a pas la réputation d’être tendre.

*****

Satia reprit doucement conscience ; une agréable chaleur l’envahissait, le ronronnement d’un poêle chatouillait ses oreilles, l’odeur épicée d’une infusion titillait ses narines. Elle voulut s’étirer et découvrit que des couvertures l’enveloppaient ; elle se trouvait dans un abri... Elle eut un mouvement de recul en reconnaissant les lieux de sa courte captivité.

–Tout va bien. Vous vous souvenez de moi ? Je suis l’Émissaire Luor. Vous êtes en sécurité.

Le ton apaisant la rassura. Satia s’assit, resserra les draps autour d’elle en réalisant qu’elle était nue. Plusieurs bougies maintenaient l’obscurité à l’écart.

–Que s’est-il passé ? demanda-t-elle d’une voix qu’elle espérait ferme.

–De quoi vous souvenez-vous ? répliqua-t-il.

Luor lui colla une tasse de tisane dans les mains, et elle huma avec délice l’odeur de cannelle et de miel qui s’en échappait. Elle but une gorgée pour se laisser le temps de réfléchir. Son dernier souvenir… Elle avait cru s’échapper ; réussir par un improbable miracle à fausser compagnie aux soldats Maagoïs ; l’ombre qui avait plané sur elle ne lui avait laissé aucune chance. Elle frissonna au souvenir du Commandeur, son sourire narquois, comme s’il savait pertinemment qu’elle ne s’échapperait pas. Elle détestait se sentir impuissante. Sa main effleura sa gorge en réminiscence du contact avec la sombre lame d’Éric aux Ailes Rouges. Sa panique avait occulté toute autre sensation ; elle n’avait même pas réagi quand Lucas et deux autres Mecers avaient atterri auprès d’eux.

Après ça, c’était le flou total, le néant. Qu’était-il advenu de Lucas ? Du Commandeur ? S’étaient-ils affrontés à nouveau ?

–Je ne sais pas, répondit-elle.

Ses doigts s’entrecroisèrent autour de la tasse, elle en savoura le contact, sentit la chaleur remonter lentement dans ses bras. Puis elle fronça les sourcils. Des détails s’entrechoquèrent dans son esprit et plusieurs pièces se mirent en place. Ses mains mauves, sa nudité. Elle fixa l’Émissaire aux ailes bronze.

–Vous avez vu ? questionna-t-elle.

Luor acquiesça, mal à l’aise, et elle s’assombrit. Le Mecer n’était pas le premier à découvrir son secret, mais son père avait toujours été celui qui arrangeait les choses. Elle ne savait pas comment gérer cette situation. Il l’avait pourtant prévenue qu’elle ne pourrait se cacher éternellement. Elle hésitait encore, mais les Mecers étaient venus la secourir, non ? Puis elle réalisa que l’Émissaire paraissait bien plus gêné qu’elle – et peut-être pas pour les mêmes raisons. Elle rougit et dissimula son embarras en fixant son attention sur le fond de sa tasse.

Luor se racla la gorge.

–Éric aux Ailes Rouges vous a jetée dans les eaux du lac Eriol, commença-t-il. Lucas a plongé à votre recherche ; Matthias et moi vous avons récupérés sur les rives du lac, inconscients tous les deux. Vous étiez trempés, nous nous sommes arrêtés ici pour attendre les renforts.

–J’ai dormi longtemps ?

–Le soleil n’est pas encore levé.

–Il va bien ?

–Matthias est avec lui.

La jeune femme lutta pour retenir les larmes qui menaçaient de l’envahir. Ne pas flancher, pas maintenant ! Elle ne savait rien de Luor, après tout. Il n’avait pas vraiment répondu à sa question, elle n’avait pas à imaginer le pire. Lucas aussi était un Mecer. Il survivrait à un plongeon, non ? L’incertitude était insupportable. Elle grinça des dents.

Elle se montrerait forte, sans donner à Luor un ascendant supplémentaire. Il en savait déjà trop d’elle à son goût.

–Merci pour la tisane, dit-elle enfin, fière que sa voix ne tremble pas.

*****

Lucas ouvrit brusquement les yeux en cherchant à s’assoir. Une main sur son épaule l’obligea à rester couché ; il lui fallut plusieurs secondes pour que les contours flous du visage de Matthias deviennent nets.

–Tout va bien, dit doucement l’Émissaire. Tu es en sécurité.

–Satia ?

–En vie également, et en meilleur état que toi, répondit Matthias avec un sourire.

C’était bien son genre de s’inquiéter d’abord pour sa protégée.

–Merci.

Lucas essaya encore de s’asseoir, et Matthias soupira avant de l’aider.

–J’ai dû suturer de nouveau tes blessures. Évite d’en faire trop. Tu devrais te reposer.

Le Massilien ne répondit pas, trop occupé à se concentrer pour tenir droit. Il se sentait faible et impotent, à la merci de n’importe quel adversaire, et n’aimait pas ça.

–Tes habits sont en train de sécher, poursuivit Matthias en lui désignant le feu qui brûlait haut dans un coin de la pièce.

Lucas se contenta de nouer une couverture autour de sa taille en se levant et d’en draper une deuxième sur son torse. Dans son dos les gouttes tombaient encore de ses ailes en un doux « ploc ploc » sur le plancher inégal. Il faudrait encore longtemps avant qu’elles ne sèchent suffisamment pour lui permettre de s’envoler.

Il n’eut qu’à pousser une porte pour rejoindre Satia.

La jeune femme était assise sur un lit, emmitouflée dans plusieurs couvertures, adossée au mur. Un sourire éclaira son visage et elle bondit dans ses bras.

–Lucas !

–Tu vas bien ?

–J’ai eu si peur, je t’ai cru mort, souffla-t-elle dans son étreinte.

Comme un barrage qui rompt, les larmes qu’elle avait contenues jusque-là dévalèrent ses joues.

–Il n’a pas manqué grand-chose, concéda-t-il. Tu es en sécurité maintenant. Es-tu blessée ?

–Pas vraiment, j’ai été traitée comme tous les autres… la corde m’a abimé les poignets mais ce ne sont que des égratignures. Ça pique et ça démange mais ce n’est rien de grave. Par Eraïm, des citoyens de la Fédération emportés pour devenir des esclaves de l’Empire ! Comment une telle chose est-elle encore possible ?

–Les Maagoïs sont des unités d’élite, intervint Matthias en entrant. Ils savent être discrets. Nos renforts seront bientôt là, poursuivit-il à l’attention de Lucas.

Satia fit quelques pas dans la pièce, resserrant ses couvertures autour d’elle. Un détail la chiffonnait… et un déclic se fit.

–Tu n’es pas surpris, poursuivit-elle.

Le maquillage de la jeune femme n’avait pas résisté à son bain forcé.

–J’étais au courant, confirma Lucas.

–Et tu ne m’en as rien dit, se rembrunit-elle en croisant les bras.

–Tu n’as jamais demandé.

Elle aurait voulu le frapper, là, tout de suite, pour sa décontraction apparente et son imperturbabilité. Heureusement pour lui, il était blessé. Satia soupira. Impossible d’avoir une conversation digne de ce nom avec Lucas.

–Et cette couleur particulière, a-t-elle une signification… particulière ? demanda Luor.

La jeune femme lui lança un regard noir. À quel point pouvait-elle leur faire confiance ?

–Elle en a une, intervint Lucas, et vous n’avez pas à savoir laquelle.

Satia oscilla entre la colère, la surprise et le soulagement. De quel droit se permettait-il ? Elle aurait su remettre cet emplumé à sa place.

–Très bien, maugréa Luor sombrement, vexé.

–C’est son rôle de la protéger, tempéra Matthias.

–Je suis tout à fait capable de prendre seule mes décisions ! fulmina Satia.

–On voit où ça t’a menée, rétorqua Lucas, impassible.

La jeune femme allait répliquer vertement lorsque Matthias imposa le silence en levant la main.

–Votre règlement de compte attendra. Ils sont là.

*****

Les jeunes gens quittèrent la petite chambre et rejoignirent le dortoir comme un Messager pénétrait les lieux. Son uniforme était impeccablement blanc malgré les conditions météorologiques qu’il avait dû traverser. Près de son cœur était épinglé l’insigne de son rang, un faucon doré en piqué, les ailes légèrement écartées.

Satia frissonna. Il émanait du Messager une impression de danger, un air de prédateur qu’elle n’avait pas perçu chez les Mecers d’un rang inférieur.

Les trois Émissaires saluèrent d’un même mouvement.

–Quelle est la situation ?

Avec l’approbation tacite de ses confrères, Matthias avança d’un pas.

–Satia est saine et sauve, l’Émissaire Lucas n’est que légèrement blessé. Des Maagoïs et Éric aux Ailes Rouges ont réussi à passer la Porte avec une vingtaine de prisonniers, résuma succinctement le Massilien.

–La pluie nous a retardés, pesta le Messager Zilar, ou nous aurions pu intercepter les Maagoïs avant la Porte. Arrangez-vous pour être prêts à partir aux premières lueurs du jour.

–À vos ordres, Messager, saluèrent une nouvelle fois les trois Mecers.

Une équipe de trois Émissaires leur apporta des vêtements secs, et Satia se changea avec un soupir d’aise. Peu importait qu’ils ne soient pas vraiment à sa taille, pour la première fois depuis des heures elle se sentait bien. Un pantalon beige en toile, muni d’une ceinture qu’elle serra au dernier cran pour qu’il lui tienne, et une chemise épaisse en laine, le tout complété par une lourde cape en cuir fourré et des bottes souples, quoiqu’un peu trop grandes.

Elle apprécia que les Mecers lui laissent la chambre, et rejoignit Lucas et les deux Émissaires dans la pièce attenante. Satia nota immédiatement que les deux groupes ne se mélangeaient pas ; la raison lui en restait étrangère. Certainement une autre des coutumes bizarres Massiliennes, à moins qu’il ne s’agisse de leur curieux sens de l’honneur. Le Messager était absent, et elle s’en réjouit. Sans qu’elle ne sache l’expliquer, elle ne l’aimait pas. Elle s’était sentie jugée lorsque son regard s’était brièvement posé sur elle, et aussitôt considérée comme quantité négligeable. Elle avait détesté que son mépris lui rappelle son impuissance. Ses ongles s’enfoncèrent dans ses paumes. Elle comprenait soudain bien mieux les paroles de l’Émissaire Luor. Détenir le pouvoir permettait de rabattre leur caquet aux individus pleins de suffisance, tout en imposant son point de vue. Saurait-elle se montrer juste même envers des personnes détestables ? Ne pas abuser de son autorité ?

Elle considéra ses mains, à moitié dissimulées dans les longues manches de sa chemise. Le maquillage de son visage n’avait pas résisté, même si elle avait pu récupérer un peu de matière sur ses bras pour effectuer quelques retouches. Elle avait lissé l’ensemble au mieux ; impossible de réussir un miracle avec si peu.

Le Messager avait forcément vu le mauve sur ses mains, au minimum. Avait-il compris qui elle était ? Elle ne devait pas le sous-estimer.

–Le jour où la couleur de ta peau sera ta force, et non ta faiblesse, plus rien ne te résistera, murmura Lucas en passant près d’elle.

Satia sursauta, surprise comme toujours par sa capacité à deviner ses pensées. Était-elle si transparente ? Elle voulut lui demander une explication, mais le Messager revint à ce moment de son inspection des lieux. Sa démarche assurée n’avait rien à voir avec la tenue des Émissaires, nota immédiatement Satia. Elle n’arrivait pas à déterminer s’il s’agissait de prestance ou de suffisance, mais il avait indéniablement une aura qui reléguait les Émissaires à de simples apprentis. Elle comprit alors que le fossé qui les séparait était bien plus important que ce qu’elle imaginait. Les Messagers étaient loin d’être de simples officiers supérieurs comme elle l’avait pensé.

–Ces Maagoïs étaient implantés là depuis bien trop longtemps. Que leur présence soit passée inaperçue si longtemps est inexcusable ! Enfin, ce sera à l’Assemblée d’apprécier la situation.

Le Messager se tourna vers le groupe de Matthias, et croisa les bras, visiblement mécontent.

–À nous, maintenant. Vous avez enchainé des erreurs de débutants ! tempêta Zilar. Lucas, tu n’aurais jamais dû être surpris par ces Maagoïs. Ton Compagnon aurait dû patrouiller les environs pour s’assurer de la sureté des lieux. Tu aurais dû éviter d’engager le combat avec Éric aux Ailes Rouges. Tes coéquipiers auraient dû être bien plus proches. À quoi songiez-vous en restant en ville, à deux heures de vol ? Quel soutien immédiat pouviez-vous apporter ?

Les trois Émissaires baissèrent la tête sous le feu roulant des reproches du Messager. Satia était estomaquée ; ils avaient risqué sa vie pour elle et n’en recevaient aucun mérite ?

–Excusez-moi, intervint-elle sans pouvoir s’en empêcher. Fallait-il deviner que des Maagoïs étaient installés là depuis des jours ? Que leur Commandeur serait là ? Lucas a quand même réussi à le blesser, ce n’est pas rien ! Je n’ai pas connaissance qu’Éric aux Ailes Rouges soit magnanime, pourtant Lucas lui a survécu. Et même blessé, il n’a pas hésité à plonger dans les eaux glacées du lac Eriol pour me sauver. Peut-être qu’ils n’ont pas été parfaits, mais ils étaient là au bon moment, n’est-ce pas l’essentiel ?

La jeune femme s’était enflammée en prenant de l’assurance, sans remarquer que le Messager s’était rembruni.

Matthias et Luor découvraient une nouvelle facette de sa personnalité ; leur stupéfaction fut de courte durée.

Lucas saisit le poignet de la jeune femme, et d’un regard la fit taire. Poing droit sur le cœur, il s’inclina.

–Veuillez pardonner mon Estérel, Messager Zilar. Elle ne pensait pas à mal.

Satia étouffa ses protestations sur une pression du Massilien. Comment acceptait-il de se laisser écraser de la sorte ?

–Ne croyez pas connaitre notre règlement, lâcha enfin Zilar après de longues secondes. N’intervenez pas dans les affaires des Mecers. Pour le moment, vous n’êtes rien, est-ce clair ?

La gorge nouée, Satia acquiesça en silence, soudain consciente de sa vulnérabilité. Elle savait pouvoir compter sur Lucas, mais était-elle vraiment en sécurité entourée de Mecers ? Elle n’avait voulu qu’aider ; elle se demanda soudain si son intervention n’avait pas empiré la situation.

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