J- 3

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J'atterris brusquement chez moi. Le souffle court, je me rétablis à l'aide du bar placé comme par hasard sous ma main.

- Maman?, me demande une petite voix.

Je lève les yeux. Mon fils me fixe avec un regard surpris. 

- Tout... tout va bien Arthur. Ne t'inquiète pas.

Mon petit garçon se lève de sa chaise et s'approche.

- Alors pourquoi tu allais bien, et après tu t'es pliée en deux? T'es malade?

- Non,non, ne t'inquiète pas. Retourne manger, on doit partir à l'école.

Les mots sont sortis tout seuls. Ça me revient. Le matin de ma mort, j'ai amené Arthur à l'école. Il a six ans et il est super content d'entrer à l'école primaire. Mon mari devait accompagner Alice, notre petite dernière à la crèche. Sauf qu'elle ne se sentait pas très bien, alors j'étais restée avec elle. Toutes les images me reviennent en pleine face. Lorsque je retrouve ma vision, le regard troublé d'Arthur est plongé dans le mien.

- Tu es sûre que tu vas bien maman?

- Mais oui, aller, dépêche-toi, on va être en retard.

Arthur, sans me lâcher des yeux, engloutit son petit déjeuner, passe les bretelles de son sac, court embrasser son père. Juste avant de partir, il dépose un petit bisou sur la joue rebondie de sa petite soeur. Un spectacle bien attendrissant. Mon fils revient me prendre la main et nous descendons ensemble l'escalier de l'immeuble où nous habitons. Le trajet vers l'école me semble bien court. J'ai un peu de mal à quitter Arthur, sachant que je vais mourir dans la journée. Heureusement, on se méprend sur ma réaction. L'homme qui sera le maître de mon garçon cette année s'approche :

- Vous savez madame, votre fils sera bien ici. 

Il s'accroupit devant Arthur.

- Comment t'appelles-tu?

- Arthur!

- Très bien Arthur. Tu vas voir, l'école, c'est super. 

Le maître lui tend la main. Arthur dépose un dernier baiser sur ma joue avant de s'en saisir. Presque à reculons, je rentre chez moi. Esteban, mon mari, m'attend pour partir. Il m'embrasse avant de dévaler l'escalier. Je le suis des yeux, referme la porte et m'adosse à elle. Alice, dans sa chaise haute, me fixe tout en buvant goulûment son lait. Je lui souris. Elle lâche son biberon qui rebondit sur le sol. Tendant les bras vers moi, ses mignons sourires font fondre mon cœur. Je la prends tout contre moi, ramasse le biberon et lui redonne. Et la voilà qui termine son repas dans mes bras, la petite manipulatrice! Enfin, je n'ai rien contre et tout pour. 

La serrant toujours contre moi, je déambule dans l'appartement. Que va-t-il m'arriver dans la journée? Tout semble si paisible...

Je retourne à la cuisine en décidant que j'y travaillerai aujourd'hui. Je pose Alice dans son parc, pars chercher mon ordinateur, un bloc note et un stylo et reviens le plus vite possible. Je ne veux pas laisser Alice seule. Pour ses deux ans, elle me semble remarquablement maligne. Pour exemple, elle sait déjà comment s'échapper de ce parc sans que nous ne sachions comment vu qu'il fait une tête de plus que la petite et les barreaux sont légèrement trop rapprochés pour la laisser passer. Dans tous les cas, je préfère rester près d'elle.

La journée passe.

A midi, j'ai à peine mangé, Alice, elle, a gobé avec appétit sa purée. Et l'après-midi est passée. Sans le moindre incident. L'appartement était silencieux depuis que ma fille s'était endormie pour sa sieste. Alors que 16h arrivait, je commençai à me préparer pour sortir. Ma mort n'avait pas pu arriver à 16h, vu que je n'étais pas dans la cuisine mais près de l'école. 

Alice dans une poussette, nous prenons le chemin de l'école. Arthur, comme je m'y attendais, est très enthousiaste de sa première journée. Le maître, me raconte-t-il, s'appelle Raphaël et il leur a fait faire des dessins. Il me montre le sien, une sorte d'animal vert avec des oreilles de lapin et une queue de poisson. Très mignon. Arthur continue à parler parler parler sur tout le trajet tout en grignotant des gâteaux. Nous remontons tous les trois à l'appartement. Arthur laisse tomber son sac dans l'entrée, court chercher une feuille et ses crayons et revient tout poser sur la table de la cuisine. Il monte sur une chaise et commence à griffonner sur la feuille. Alice sort de sa poussette (je ne sais pas comment, elle doit savoir ouvrir la ceinture) et va s'asseoir près de son parc et, avec un lot de cubes multicolores, commence à les mettre les uns sur les autres. Bon, à trois ils tombent mais elle persévère. 

Un bruit effroyable retentit. Un étrange mélange entre une sirène, un crissement de pneu et un râle d'agonisant. Quelque chose dans mon oreille claque et puis le son me revient comme si quelqu'un avait appuyé sur la sourdine. Je sens plus que je n'entend Alice pleurer et Arthur crier.

Une douleur lancinante me transperce la poitrine. Le regard larmoyant, je baisse les yeux. Sur ma chemise blanche, une large tache rouge s'étiole. Mon corps s'effondre sur lui même. Dans un sursaut de force, je tourne la tête. Mon fils est face contre terre, le visage en sang et sa soeur est introuvable. Une vision d'horreur.

Mon souffle rauque ralentit, se fait de plus en plus laborieux avant de s'éteindre totalement. C'est fini.

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