7 -Mia

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J'ouvre les yeux doucement. Je sens ses bras autour de ma taille, ma tête est posée sur son torse je peux entendre son cœur battre. Je suis bien, je me sens apaisée contre son corps, enivrée par son odeur. Je redoute de croiser son regard, de lui parler. Après mes confessions d'hier, je ne veux pas qu'il m'abandonne ou qu'il ait pitié de moi. Lui raconter en résumé ma vie, après Enzo, m'a chamboulée. Je n'en ai jamais parlé depuis que tout est terminé et revenir dessus m'a fait réaliser que ma mère me manque énormément. Je pensais avoir soigné cette plaie dans mon esprit mais elle est juste refoulée.

Puis j'ai pris Nilson pour Enzo. Je m'en veux. Pourquoi il me pourrit encore la vie ? il m'a réveillée en me faisant un cunnilingus – comme le faisait son frère pour me violer en pleine nuit. La seule différence c'est qu'avec mon bourreau, lorsque que je tentais de me débattre il me mordait pour que je me tienne tranquille. Il me faisait mal quoiqu'il se passe. Si seulement je pouvais oublier cette longue période de ma vie et vivre tranquillement le présent. Je serais la plus heureuse.

Lorsque je me suis rendu compte que ce n'était pas mon violeur mais son frère, je voulais me foutre des tartes. Inconsciemment, Nilson me fixait comme si je l'avais trahi. Je ne veux plus qu'il me regarde ainsi, ça m'a brisé le cœur. J'ai eu l'impression d'être une inconnue.

Et s'il ne veut plus de toi ?

Cette supposition me fait douter. Je veux être avec lui encore un plus. Je sais que ce ne sera pas indéfini mais je désire rester auprès de lui un peu plus longtemps. J'ai besoin de lui.

Je sens son corps remuer et sa main se poser sur mes fesses. Tout mon corps se tend. Je ferme les yeux faisant semblant de dormir. Je sens son autre main prendre une mèche de mes cheveux et jouer avec. Nous restons ainsi une poignée de secondes.

- Tu as bien dormi ? il me demande.

Je hoche la tête, toujours muette. Je reste dans ma position.

- Ça fait longtemps que tu es réveillée ?

Cette fois ci je secoue la tête. Je sens mon cœur battre la chamade, j'ai peur de ce qui peut arriver après ce moment de gêne.

Un ange passe. Je ne sais pas quoi faire ou dire. Alors je me lève, je ne me tourne pas vers lui. Habillée de sa chemise, je fuis vers la salle de bain. Je m'y enferme à clé. Je fais face au miroir. Je fais face à mon ancienne moi. Celle qui se réveillait avec d'énormes poches et les yeux rouges d'avoir pleurés toute la nuit. Mon teint porcelaine est devenu terne. Il faut seulement une mauvaise nuit pour que je redevienne Amélia. Je suis à deux doigts de craquer. Tous ces efforts pour rien, je viens de refaire banque route. Je ne ressens plus rien. Il y a ce vide au fond de moi. Je me sens comme anesthésiée. Il faut que je me réanime. J'ouvre un tiroir puis un autre, à la recherche d'objets tranchants. Mon besoin est incontrôlable. Il faut que j'aie mal.

Je trouve enfin une lame de rasoir. Je me déshabille, je me bâillonne avec la chemise de Nilson pour que celui-ci ne m'entende pas. Et sans attendre, j'approche la lame de mon ventre – ou toutes les anciennes balafres sont répertoriées. Je pose la lame sur mon ventre juste au-dessus de ma hanche, le froid de l'objet me donne des frissons. J'appuie plus profondément jusqu'à ressentir une douleur fulgurante, celle qui me faut. La douleur me fait pleurer. Mes cris sont atténués par le bâillon et ne deviennent que des gémissements. Je sens mon cœur battre, je me sens en vie. Je retire la lame et recommence à plusieurs reprises, jusqu'à que mon sang goutte partout sur mon corps. Je balance la lame dans le lavabo, enlève la chemise de ma bouche. Je relève la tête, et me regarde dans le miroir.

Une seule pensée vient :

Je me dégoute.

Toc, toc, toc.

Le bruit contre la porte me fait sursauter. Il vient de frapper à la porte :

- Est-ce que ça va là-dedans ?

Qu'est-ce que je dois faire ? est-ce que je dois lui montrer le mal que je peux me faire ?

Il doit en être conscient ! me sermonne ma conscience.

Suivant son conseil, j'ouvre la porte. Il me fait face, en caleçon. Je n'ose pas le regarder dans les yeux. Je sens son regard détailler les dégâts que je me suis infligées.

- Entre sous la douche, il ordonne.

Sa voix est dénuée de sentiment. Je prends mon courage à deux mains et le cherche des yeux. Son regard me fuit, ses sourcils sont froncés, sa mâchoire est contractée. Il est énervé. Est-ce que c'est contre moi ? Vu son état, j'obtempère. Il souffle un bon coup et entre avec moi dans la cabine. Il ne me touche pas. Il enfile un gant et ouvre le robinet. Je tente de capter son regard, rien n'y fait quand j'ai l'impression de l'avoir il se détourne. Avec l'eau et le gant il tente d'abord de nettoyer le sang qui a coulé puis il monte jusqu'aux incisures, il n'y passe que l'eau. La douleur est là. Elle m'enivre et m'effraie en même temps. Elle me fascine. Je crie, l'eau sur ses incisures me brule. Je m'accroche à ses bras pour qu'il arrête. J'ai eu assez de douleur pour l'instant.

- Stop ! je crie.

Il n'arrête pas. Il continue avec l'eau.

- Ne bouge pas ! il ordonne

Je pleure. Il est distant, j'ai besoin de Nilson mais je n'ai que mon maitre. Je me colle à lui, sanglotant, en espérant qu'il me prenne dans ses bras. Il n'en fait rien. Il arrête l'eau, il ne me regarde plus, je suis toujours collée contre lui. Il évite tout contact visuel, ça me déchire le cœur. Je le sens contre moi sans qu'il soit vraiment avec moi.

- Enlève ta culotte, essuie toi et presse une serviette contre tes blessures, je reviens.

Il met de l'espace entre nous et à contre-cœur je le laisse partir. Je l'ai perdu. Je l'ai déçu. Je ne veux plus me retrouver sans lui. Je fais ce qu'il m'a dit. Je suis en larme, tremblante, mais je m'exécute comme je peux.

Il revient dans la salle de bain avec une trousse dans les mains. Je suis assise sur la lunette des toilettes. Il s'accroupit devant moi. Il est toujours aussi froid. Il enfile des gants en latex. Cependant c'est sa peau que je veux sentir contre la mienne, je ne dis rien. Il prend dans sa trousse un antiseptique et me l'applique. Ça pique ! Je sursaute.

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