V

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Le soleil se lève en dissipant un léger brouillard matinal. Une longue rangée de fantassins se poste en avant garde, juste devant Gorneval, le bras tendu vers le ciel. Un silence implacable se répand dans les rangs, telle une chape de plomb qui serait tombée subitement sur l’armée. En face d’eux, la forteresse se tient prête à toute attaque. Les visages sont livides, les combattants engagent leur premier combat et l’angoisse va croissante. L’impassibilité de leur chef de file direct leur donne confiance. Ils oublient leurs courbatures, leurs maux de tête, leurs blessures aux pieds et se concentrent sur leur objectif.

Le jeune souverain laisse alors son bras retomber en direction de la forteresse. Comme un seul homme, deux cent fantassins se mettent en marche dans un silence religieux. Orphée n’a pas encore fait le moindre pas que son maître brise le silence d’une voix tonitruante :

“ A l’assaut ! ”

En un éclair, les hommes de traits se mettent à courir et franchissent l’encablure qui les séparait des douves de la forteresse. A gorges déployées, ils libèrent leurs angoisses et exhortent leurs peurs les plus intimes. Leurs visages se transforment en ceux de guerriers impitoyables et leurs yeux se fixent chacun sur leurs victimes. Une poignée d’hommes stoppent leur progression, s’agenouillent et sortent leurs arcs. Protégés par leurs mantelets, ils visent la garde du château. Une autre partie des troupes projettent leurs lances de l’autre coté des remparts. Une vingtaine d’entre eux tombent sous la première vague de flèches venues des hauteurs de Lidan.

Tandis que les flèches se raréfient sur le champ de bataille, Gorneval en profite pour mettre les chats en action ; il lance ainsi la deuxième vague de l’assaut. Deux ponts mobiles sont mis en marche ; ils traînent avec eux, le matériel lourd. Les archers déjà sur place tentent de contenir l’offensive de leurs ennemis en détournant leur attention. Ils protègent ainsi la lente progression des lourds chariots transportant le matériel. Malgré sa relative lenteur, l’armée reste efficace et les ponts sont promptement mis en place au-dessus des douves. Les chats sont montés avec discipline et permettent de limiter le nombre de victimes. Les sapeurs creusent quelques trous de concert à une centaine de mètres seulement des douves et envoient la terre qu’ils recueillent sur les ponts par l’intermédiaire de petits chariots à roulettes. Elle servira à remplir les douves. Bon nombre de soldats tombent lors de cette première phase. Tant et si bien qu’à l’heure du zénith, Périnis peut déplorer la perte d’une garnison entière. Gorneval, peu inquiet cependant, passe outre et propose même de lancer une troisième offensive que son maître d’arme refuse.

“ Laissons le temps agir en notre faveur ”

“ Hâtons cette attaque et montrons à ce Gwendal ce qu’il en coûte de défier la famille de Lidan sur ses terres ! ”

Périnis réprouve la hâte de son élève. Il sent dans ses propos, par delà une féroce envie de vaincre, une sinistre excitation qui lui fait perdre la notion de ce qui est juste. Dans les yeux du jeune homme brillent mille étoiles d’une folie destructrice qui lui rappelle celle de Gwendal quelques années plus tôt.

“ Votre bien-aimée se trouve peut-être entre les murs que nous assiégeons... n’est-il pas de bon aloi dans ce cas, de ménager nos ennemis ? ”

Le visage du jeune Roi se métamorphose en un éclair. Pour la première fois, Périnis fait allusion à Cassandre. Elle était sortie de son esprit et laissait vacante la place qu’elle occupait jusqu’alors. Mais tout à coup, un océan de tristesse envahit le corps du souverain. La princesse remplit son regard, son cœur et son esprit. Les bruits de la guerre deviennent insupportables, les cris des hommes qui meurent, une véritable torture et les flammes, une source de chaleur intolérable. Il se tourne vers son maître d’arme et implore son regard. Il aimerait tant lui entendre dire qu’elle n’est pas entre ces murs que tout devient confus autour de lui. Une grande fébrilité l’accapare. Malgré lui, il s’entend prononcer des mots dont il était certain, quelques instants plus tôt, de ne jamais prononcer.

“ Laissons le temps faire son œuvre vous avez raison... nous avons tout le temps pour saisir cette forteresse. ”

Le visage de Périnis s’éclaircit et il se tourne en direction de l’ennemi.

“ Le travail de sape a commencé. Il nous reste à conserver les positions afin que dés demain matin nous puissions envisager de lancer les tours de beffroi à l’assaut ! ”

“ Pouvons nous envoyer les catapultes ? ” demande alors Ewan, responsable des engins.

“ Lancez l’assaut des catapultes ! ” rétorque Périnis de sa voix la plus éloquente.

Aussitôt l’ordre donné, trois engins s’avancent dans la pénombre d’un jour qui à du mal à se lever. Des cris s’élèvent toujours des entrailles d’une triste nuit. Le Roi, en se retournant vers son maître d’arme, se demande enfin comment ce dernier peut être au courant de sa passion pour la princesse de Lidan. Il pose maladroitement la question, le regard imprégné d’une tristesse insondable. Le preux peine à lui répondre.

“ Les soupçons d’Eléonore nous ont été confirmés par Audret. ”

Sur le coup, le Roi sent une profonde déchirure lui entailler le cœur. Audret, son meilleur ami, s’il en est, aurait trahi son secret sans lui en faire part ? Gorneval a beau en douter, les faits sont là pour lui prouver le contraire. Puis, l’onde de choc s’étant dissipée, il ne se souvient pas avoir jamais demandé à son ami de ne rien dévoiler de cette histoire. Ne pouvant plus longtemps, accabler Audret de reproches inutiles, il laisse sa colère s’apaiser pour laisser place à une tristesse démesurée.

“ Est-ce un signe de faiblesse que d’avoir succombé à cet amour pourtant si merveilleux ? ” demande le jeune homme à son ancien précepteur, le visage baissé comme s’il avait subitement honte d’avoir laissé paraître un sentiment au grand jour.

“ Il n’est point de honte lorsque vos sentiments sont sincères. Ils me paraissent l’être et je suis fier que vous soyez passé par cette douleur car elle vous a révélé des choses que vous n’auriez peut-être pas connues sans elle. ”

“ La douleur peut-elle être une bonne chose ? ” Demande le Roi dont les derniers mots sont interrompus par les cris de Wilfried et de Audret qui viennent alerter les deux hommes.

Périnis s’en va aussitôt en leur direction en laissant le Roi seul et sans réponse. Il prononce quelques mots à voix basse en regardant ses amis et compagnons se jeter dans le charnier qui s’étend à ses pieds.

“ ... car j’ai peur de la douleur ! ”

Sur ces mots, Périnis revient en courant.

“ Les hommes seront prêts pour lancer l’attaque des beffrois dés demain matin. Les pertes peuvent être estimées à une centaine d’hommes. ”

“ Les cris étaient-il destinés à vous faire part de ces seules informations, somme toute assez secondaires ? ” Demande Gorneval d’un air suspicieux.

Le visage de Périnis trahit une certaine surprise, comme si le preux venait de s’apercevoir que son ancien élève, était doué de la singulière faculté de lire dans les pensées.

“ En effet, comme vous semblez l’avoir compris, les deux chevaliers sont venus me prévenir qu’un problème est survenu sur le champ de bataille. ”

Gorneval fait un signe de la tête pour inciter son chevalier à continuer son rapport.

“ Les chats ont été détruits et les hommes qui comblent les douves sont actuellement à découvert. ”

Immédiatement, Gorneval cherche Ewan du regard. Une fois que ses yeux se sont posés sur lui, le jeune homme bondit vers lui en l’interpellant.

“ Aller quérir toutes les forces vives de nos villages ! Faites les venir ici en rang de quatre le plus rapidement possible... il se pourrait que leur présence devienne une question de vie ou de mort ! ”

Le visage d’Ewan ne trahit aucun sentiment et le jeune garçon s’en va aussitôt sur son destrier. Les yeux de son maître le suivent jusqu’à ce que son armure argentée disparaisse complètement à l’horizon.

Tandis que le Roi de la Vallée des Larmes tente le tout pour le tout en rapatriant toute ses forces, la bataille continue de faire rage. Sur le parvis de la forteresse, tombent encore tout un bataillon qui tentait désespérément de relever le bataillon précédent, dans la difficile phase de préparation du terrain. Le souverain, loin des premiers rangs, observe avec une certaine souffrance, ses hommes s’enferrer entre les griffes de Lidan. Sur sa gauche, tous les chevaux sont regroupés et lui suggèrent l’idée d’une attaque de masse. Elle ne sera possible qu’une fois la forteresse ouverte. Les chevaliers n’auront donc pas à charger d’ici le lendemain au matin, au plus tôt.

Malgré le relatif silence des armes employées, Gorneval se fait la réflexion étrange qu’il n’est pas de guerre silencieuse. Il semblerait qu’une sorte de bruit sourd et triste accompagne les troupes et que ce bruit, d’une violence incroyable, ne laisse les hommes en paix qu’une fois la mort survenue. Il achève cette réflexion au moment où les catapultes arrivent sur le parvis gris. Trois hommes accompagnent chaque engin. Des projectiles sont amenés en masse derrière chacune d’entre elles par les artificiers. Elles sont calées puis armées. Le jeune souverain lève le bras au bout duquel se trouve Titane. D’une voix tonitruante, il lance à ses hommes les paroles que ces derniers attendent.

“ Feu à volonté ! ”

Aussitôt, les trois engins se délestent, les boulets sont projetés contre les murailles de la citadelle, brisant les fondations des hourds que les hommes de Lidan tentent de construire en hâte. Rapidement, les guerriers bandent à nouveau leurs armes et s’apprêtent à charger la plate-forme. Le Roi se retourne et pose un regard creux sur la citadelle assaillie. Une étrange sensation de domination s’empare de lui. La pensée que le combat puisse être remporté lui vient à l’esprit pour la première fois, en voyant l’efficacité irréprochable de ses catapultes. Ces dernières libèrent pour la deuxième fois consécutive, des projectiles qui brisent pour la plupart, les crénelages et emportent quelques gardes avec eux. L’activité autour des engins devient quasi frénétique et les dégâts que ces derniers provoquent, permettent aux sapeurs de travailler dans un calme tout relatif. L’attention des arbalétriers s’étant déportée, les douves se remplissent avec une plus grande facilité. Bientôt, quand la nuit approche et que la citadelle s’enfonce inexorablement dans les entrailles de la nuit, les catapultes cessent de cracher leurs projectiles. Pour leur part, les sapeurs continuent de remplir les douves sous le joug redevenu oppressant des gardes. Une garnison de soldats, reviendra de cette mission, une fois les ponts mobiles assis sur de larges berges de terres. Au pied de la cité, luisent une vingtaine de foyers. La couleur ocre des flammes au lointain, ressemble à la couleur du ciel que Périnis admire chaque soir. Ces mêmes flammes ne sont pas sans évoquer au souverain légitime de la vallée, une ligne de gardes, dressés comme autant de cerbères, qui captent son attention. Ils l’appellent depuis les tréfonds de leur univers sordide et l’invitent de leurs voix tressaillantes. Lidan devient alors le siège des enfers et les gardes autant de démons affreux que son regard ne peut supporter plus longtemps. Il se tourne promptement vers Périnis qui le rassure de sa voix chaleureuse, lui rappelant inconsciemment les douces heures de son enfance désormais bien révolues.

“ Nos positions s’assurent et les gardes de Lidan accusent une fatigue peu coutumière. Je pense que nous sommes en bonne voie. ”

“ Mais saurons nous seulement conserver cet avantage lorsque les portes de la citadelle s’ouvriront ? L’infériorité numérique n’est-elle pas un handicap insurmontable ? ”

“ Dinas avait su maîtriser moultes situations de cet acabit ! Nous saurons œuvrer comme il le faisait ! ”

Le Roi n’ajoute rien et son regard se laisse à nouveau emporter sur la plane ensanglantée du parvis de Lidan. Un silence malsain s’est emparé des lieux et le froid tombe comme un lourd rideau sur les épaules des guerriers de l’ombre. Celui qui est devenu par un destin inexplicable, le chevalier noir, succédant ainsi à son père, s’en va dégourdir les sabots d’Orphée. Sa silhouette se découpe nettement le long des bosses de la vallée. Périnis le regarde et ressent une sensation intraduisible en constatant que sa couleur se confond avec celle de la nuit. Gorneval est devenu ce chevalier mystérieux qui hante ses pensées et ses rêves depuis quelques années maintenant. Ce dernier a également ceci d’extraordinaire, qu’il sait cultiver une énigmatique présence qui double celle du Roi. Comme si lui et le chevalier noir qui galope sur le fil de la vallée, ne faisaient pas qu’un. Ses pensées s’évaporent lorsque le sommeil l’envahit. Gorneval rentre au camp quelques instants plus tard.

Au lever du soleil, lorsque l’intensité de la lumière devient suffisante pour envisager une attaque, les soldats accusant une certaine fatigue, se lèvent dans un ordre et un silence résigné. Gorneval est déjà à cheval lorsque Périnis sort du bivouac. Son armure noire tranche avec l’éblouissante luminosité du ciel. Titane est rangée et le ventail de son heaume est abaissé. Ceci permet au maître d’arme d’admirer un peu plus précisément la silhouette du chevalier noir. Une certaine admiration envahit son regard. Les reflets que dessine le soleil sur son armure n’ont pas d’équivalent et laisse le preux pantois d’une jalousie contenue. Il aurait tant aimé incarner le personnage qu’il voit, que l’image de Gorneval brise ses plus intimes espoirs de l’être un jour à son tour.

“ Il est temps d’envoyer à nouveau une charge de catapulte ! Nous enverront les beffrois plus tard, lorsque le soleil sera à son zénith ”

Aussitôt, les artificiers et les hommes de traits attitrés aux engins, s’affairent autour des trois machines. Les projectiles taillés durant la nuit, sont à nouveau déplacés. Gorneval renouvelle la scène de la veille et les boulets jaillissent des plates-formes. Ils viennent s’écraser contre les murs et brisent par la même, une bonne partie des crénelages. Ces cracheurs de pierres comme aime à les appeler Périnis, vont pilonner les positions de Lidan durant toute une matinée. Lorsque les munitions se feront rares et que le nombre de gardes se sera considérablement atténué, Gorneval envisage de lancer les beffrois à l’attaque. Il s’en va demander à Audret de mettre en place les trois tours derrière les catapultes. Les mastodontes de bois se déplacent avec une lenteur pitoyable. Rapidement, elles atteignent leurs objectifs. Les tours sont alors ouvertes et un petit détachement d’hommes monte dans chacune d’elles. Tandis que les lignes de Gorneval s’avancent aussi lentement que les beffrois les obligent, les gardiens de Lidan, finissent de construire les hourds. Des foyers aux flammes hautes d’une dizaine de pieds, commencent à se profiler sur les toits des appartements royaux. Ceci n’est pas sans alerter le Roi dont l’amour se réveille brutalement. – Est-il possible qu’Oriane m’ait menti tout ce temps et que Cassandre soit encore entre les murs de Lidan ? – se demande t-il simplement. Mais le visage et les expressions de la servante se superposent pour l’assurer du contraire. Les flammes perdent soudain de leur importance et l’assaut reprend la priorité dans ses pensées. Il lance son destrier au galop pour rejoindre le parvis. Lidan est alors encerclé par son armée. Les beffrois s’avancent en direction des ponts mobiles sous son impulsion. Périnis qui regarde d’un œil intéressé les faits et gestes de celui-ci, comprend qu’il saurait désormais gouverner seul. Il profite de l’instant pour balayer du regard l’ensemble du champ de bataille. Lidan en proie aux flammes va subir son troisième assaut en deux jours. Trois colonnes de fantassins gardent les trois façades secondaires de la forteresse tandis que les trois autres tentent d’ouvrir une brèche à l’Ouest. Les beffrois, sous le couvert des catapultes, protègent l’avancée discrète du bélier. Autour des engins, le reste des deux sections restantes des deux premières vagues d’assaut.

Gorneval, au pied de la citadelle regarde se dresser devant lui l’imposante masse de pierres qui le sépare de son royaume. Le succès lui donnera t-il pour autant la joie ? Lui, dont les seuls souvenirs véritablement heureux sont liés à Cassandre, ne comprend plus vraiment comment il en est arrivé là. L’absurdité de la guerre, du massacre et des victimes, ressort d’autant plus vivement, qu’elle sonne le glas de sa relation avec la princesse. Une fois que Gwendal aura plié et que la forteresse sera tombée, les chances de retrouver celle qu’il aime seront nulles. Tous ses efforts à bâtir un Lidan restauré, auront donc contribués à monter une barrière infranchissable à leur union. Une rage terrible anime ses membres. La frénésie du combat qui s’étend sur le front du parvis, n’atténue pas sa colère. Il dégaine son arme et se lance en avant des lignes pour mener la marche des engins jusqu’à leurs positions finales. Une pluie de flèches s’abat sur lui et les siens. Son armure le protège efficacement, mais certains fantassins dont le seul but est de traîner les beffrois, tombent eux, foudroyés. Au cœur de ce massacre sans nom, le Roi décide de faire atteler Orphée à l’une des machines de guerre. Usant de sa présence pour protéger sa monture, il apporte son aide pour tirer le beffroi plus rapidement. Il donne ainsi l’exemple à ses compagnons Wilfried et Emilie à qui l’idée semble plaire. Les tours sont ainsi amenées aux pieds des murailles. Les chevaux libérés, le Roi et ses deux capitaines s’en vont au galop sous une nouvelle pluie de flèches. Tout un détachement d’hommes tombe encore à leurs cotés. Les plus chanceux, les blessés et les rescapés, trouvent dans la présence de leur souverain, un réconfort et un appui dont ils ne pouvaient soupçonner la force, tant la marche sur Lidan leur avait paru insensée.

Une fois les beffrois en position, les hommes n’attendent pas d’ordre et se lancent dans la bataille. Les passerelles s’abattent sur les crénelages, brisant les hourds et permettant aux assaillants de prendre pieds sur le chemin de ronde. Tandis qu’ils chargent, archers et arbalétriers restent postés au dernier étage et tirent sur les défenseurs s’opposant à l’assaut. La première vague d’attaque éclate face à la défense regroupée des gardes de Gwendal. La seconde et dernière offensive que permettent les effectifs des tours, donne espoir aux soldats de Gorneval. La garde cède et une demi-douzaine d’hommes de traits parvient à combattre depuis les remparts. Le Roi les observe depuis les collines ; il remarque les brèches ouvertes mais déplore la trop grande masse de victimes. Subitement, sous ses yeux, les trois tours sont désertées. L’une d’entre elles est même assaillie par les flammes et se destine à un écroulement imminent. Le reste des troupes, trop faiblement représentée, tente de fuir les murs gris et froids de la vieille cité. Une garnison entière revient de la charge et peuvent se targuer d’avoir donner leur maximum pour tenter de vaincre sans y parvenir.

Pendant ce temps, le bélier arrive à la porte et les troupes commencent l’assaut. Le retentissement des coups se propage jusqu’aux limites du champ de bataille. Le Roi s’étonne d’entendre avec une si grande précision, les coups de ses hommes contre le rempart de bois. Force est de constater alors que le vent se lève et transporte le bruit avec une vitesse croissante. Le ciel de midi s’obscurcit précipitamment et le soleil a tôt fait de disparaître sous d’épaisses strates de nuages noirs. Le vent précède la pluie, violente, qui s’abat sur ses hommes avec force et fracas. Des rafales d’eau, fouettent les visages livides des guerriers de l’ombre, tentant vainement de faire céder le pont-levis redressé. Malgré la douleur et la fatigue, ils s’acharnent. Le bélier frappe et frappe encore, dessinant sur les mains de ses opérateurs, des séquelles irréversibles et des plaies sanguinolentes. Les cris de douleur s’étouffent au creux de leurs gorges nouées. Personne n’oserait avouer sa douleur, tant ils sont fiers de combattre aux cotés de leur seigneur et maître. Celui-ci, a le cœur qui se serre en voyant ses sujets mourir et souffrir et voudrait se faire pardonner auprès de chacun d’eux, se faire pardonner de les avoir entraîné dans un combat qui n’est pas le leur. Mais tous les regrets qu’il pourrait formuler ne sauraient être plus stimulant que cette farouche volonté de vaincre qu’il a imprimé dans les esprits lors de leur arrivée sur le plateau. C’est ce même entrain qui pousse les hommes à repousser leurs propres limites. Leur confiance en lui, motive des efforts gigantesques qui leur permet de prendre lentement le pas sur leurs adversaires pourtant bien supérieurs en nombre. L’assaut de la forteresse est encore incertain. Gorneval ne cesse de demander conseil à Périnis dont l’image dans l’esprit de son protégé a changé. Le preux jubile d’une envoûtante satisfaction car pour lui, le combat est dors et déjà acquis.

La valse folle des éléments autour de ses hommes ne l’inquiète pas outre mesure. Le vent, la pluie, la boue et la douleur ne sont pas des freins à la volonté et il connaît au combien ils en sont pleins. Alors, dans son regard interdit par le ventail de son heaume argenté, le sang qui coule n’est rien de plus que l’encre avec laquelle il pourra écrire les premières pages de sa réussite guerrière. Les corps des hommes ont beau se tordre, se contorsionner et se figer en de brèves esquisses de craie sur la toile immense de Lidan, le preux ne sent rien en lui d’alarmant. Les visages pétrifiés dans d’horribles postures, suspendent le temps et traînent mollement derrière eux, les souvenirs encore frais du massacre de la Vallée des Larmes. Ils appellent le Roi à la raison ; cette triste galerie peuplée de milliers de victimes ahuries, ternit l’élan superbe du chevalier noir. Elle fait peser sur son parcourt l’ombre infâme d’une réussite usurpée. Le triste cavalier fuit du regard l’atroce scène qui se joue à ses pieds. Il se sent comme un vampire qui boit le sang de ses hommes pour se fortifier et gratifier son ego d’une victoire dont il n’avait pourtant pas besoin. L’amour emplissait sa vie et voilà que la mort le remplace. Sinistre parcours que celui de Gorneval qui s’éveille alors de la torpeur de sa passion pour se retrouver au milieu de ce qui existe de plus vil. Sa colère et son acharnement ont motivé des hommes à tuer, massacrer et à se faire eux-mêmes assassiner. Comment l’homme à la cape noire pourrait-il cautionner de tels agissements alors que tout ce qu’il cherchait était la plénitude d’une vie en compagnie de celle qu’il aimait et dont il croyait qu’elle l’aimait en retour ?

“ Les forces vives de la Vallée des Larmes sont en vue ! ” Lance Périnis pour sortir son protégé de ses songes.

Ce dernier n’a pas beaucoup à tourner le visage pour remarquer la lourde colonne sombre qui se dessine et rampe en contrebas du flan du plateau de Lidan. A l’instar de ce qu’il avait demandé à Ewan lors de son départ, les hommes sont en colonne par deux. Tous vêtus de noir, Gorneval pourrait douter qu’il s’agisse des hommes du village, si tant est qu’il ne reconnaisse pas le port fier de son capitaine. En effet, le groupe forme une entité difficile à cerner. Ce qui paraît le plus étonnant c’est que chacun des hommes porte sur son épaule un objet long qui ressemble fort à un épieu. La position d’Ewan en tête, n’est pas sans rappeler celle d’un chef de file et confère par la même à la colonne l’illusion qu’il s’agit de guerriers armés. Cette illusion n’est pas fortuite et transforme la colère contenue de Gorneval en une pleine admiration. Le jeune garçon a su adapter la demande de son maître pour la faire entrer en adéquation avec la situation en cours. Il court sur la vallée une sorte de son rauque et pénétrant qui fait vibrer les hommes et cabrer les montures. L’arrivée de la colonne d’Ewan représente bien plus qu’un soulagement. Gorneval espère pouvoir faire flotter l’étendard de la paix sur le donjon en affichant une supériorité écrasante et Périnis pense déjà à une victoire sans prisonnier.

De leur coté, les gardiens de Lidan voient s’approcher d’eux, des centaines de guerriers portant sur leurs épaules des armes au reflet d’argent qu’ils brandissent fièrement. L’illusion est parfaite du haut des remparts. Le bélier suspend son action quelques instants lorsque les hommes voient surgir d’entre les griffes ruisselantes de la pluie, la colonne silencieuse. Le fracas des murs d’eau qui se brisent contre les parois grises de Lidan semble s’interrompre totalement lorsque les villageois apparaissent. Suspendu en un instant d’une curieuse intensité, le temps reprend sa marche quelques instants plus tard, marqué par un nouveau coup de bélier. Les gardiens appuient subitement leur défense comme dans un élan désespéré prouvant leur fébrilité. Périnis se réjouit d’une telle animation qui fait pourtant des victimes en plus. Le pont-levis est désormais le siège d’un combat sans merci. Acharné, les soldats de Gwendal s’appliquent à faire le plus de mal possible. Ils usent pour se faire de nouveaux chaudrons d’huile bouillante ainsi que de plus grosses arbalètes. Les assaillants s’écroulent les uns après les autres, même abrités sous les mantelets. Gorneval tente d’intervenir mais le preux l’en empêche. La porte est selon lui en passe de céder. Le Roi s’en remet une nouvelle fois à la volonté sans faille de son maître d’arme. Pourtant, de la garnison d’assaillants, partis à l’assaut de la porte, il ne subsiste bientôt plus qu’une poignée d’hommes.

Sous une rafale de flèches, le bélier s’écrase une nouvelle fois contre les robustes planches de bois. Cette fois elles plient et se déchirent, se brisent comme de frêles brindilles et laissent entrevoir l’intérieur de la citadelle. Le bélier se rétracte pour frapper une nouvelle fois. Le bruit de ce dernier choc, retentit comme celui de l’ultime effort pour Périnis et comme celui d’une mort programmée pour Gorneval. Les hommes de traits de celui-ci se jettent sur les parois déchiquetées du pont-levis et tentent d’agrandir la faille qu’ils ont initiée. Mais derrière la lourde porte se tiennent prêts bon nombre d’archers, qui, aussitôt, libèrent leurs pieux effilés et abattent les cinq ou six hommes qui restaient en avant poste des troupes de la Vallée des Larmes. Sous le regard horrifié du Roi, Périnis demande le rassemblement des unités. Celles-ci se déplacent avec une grande facilité jusqu’au parvis. Le maître d’arme, seul commandant, passe en revue les deux garnisons rescapées qui ont déjà effectué une charge. Il observe les troupes en place et estime qu’il reste encore trois ou quatre cent hommes après eux. En comptant les villageois, il peut compter sur un millier de guerriers. C’est ainsi qu’il ordonne une nouvelle charge sur la paroi entrouverte de la cité fortifiée. Les deux troupes courent en hurlant vers les douves et se précipitent sous les mantelets abandonnés par leurs prédécesseurs. Contre toute attente, le pont-levis est abaissé. Sonne alors l’heure, pour les hommes de Gorneval, de fuir. Les premiers sont pris pour cibles par les archers et abattus ; les suivants, gênés par les cadavres, piétinent, trébuchent et tombent pour la plupart sans vie. Les derniers sont empalés, blessés à mort ou plus cruellement écrasés par le poids du pont.

Le château ainsi ouvert laisse entrevoir une rangée de cavaliers silencieux. Ces derniers sonnent la charge dès que les derniers assaillants immédiats sont neutralisés. La troupe de chevaliers sort alors de la gueule béante de la forteresse. Gwendal projette une sorte de dernier rempart à ses adversaires pour tenter de donner le change à son ennemi. Les cavaliers s’arrêtent à mi-chemin sur le large parvis. Ils se mettent en formation et attendent les ordres. Deux ou trois colonnes d’hommes sortent à leur tour de la citadelle. Ils devancent la garde montée sur leur position. Les restes du pont-levis sont alors redressés dans un silence incertain.

“ Gwendal tente le tout pour le tout. ” fait le maître d’arme à l’adresse de son ancien élève peu attentif.

Celui-ci encore bercé par ses songes évocateurs, n’entend rien d’autre que les cris de sa conscience. Alors qu’il tente d’expulser hors de sa poitrine, les élans de sa rébellion, la charge est donnée ; le gros de la troupe de fantassins de Gwendal fonce dans leur direction et les cavaliers les suivent d’un pas modéré. Périnis n’attend aucun ordre et galope en direction du flan Est, où est regroupée la cavalerie de la Vallée des Larmes. Gorneval est violemment sorti de ses songes, ce qui ne lui laisse pas le temps de réfléchir d’avantages. Contraint par les événements, le chevalier noir reprend les rênes d’Orphée et s’en va prestement quérir la protection de ses hommes.

Du haut de la petite colline qu’ils ont investie, ils peuvent juger du nombre effarant de guerriers engagés dans le combat. A quelques encablures du parvis, ils n’auraient cependant pas besoin de se trouver si près pour comprendre l’importance de la charge. La barbarie de la manœuvre résonne jusqu’au plus profond de la terre. Les pas lourds des guerriers frappent avec sauvagerie, la plaine encore imbibée des eaux de pluie. Le son que produit cette attaque démentielle, ressemble au ronflement du tonnerre dans le ciel ; des éclairs jaillissent de cette meute furieuse et ont pour origine les armes des soldats. La gorge déployée, les yeux fixes et les muscles des visages tétanisés, ils engagent l’affrontement avec le reste de la piétaille. Immobiles et sans ressource, ceux-ci se font piétiner et anéantir sans la moindre résistance. Gorneval en les regardant, sait que les efforts qu’il leur a demandé de consentir pour satisfaire son égoïsme, sont à l’origine de ce douloureux revers. Mais ici, point de réprimandes et de coups pour rien comme lorsqu’il était enfant. Sur le champ de bataille, il y a des hommes qui meurent, des gens qui souffrent et ces monceaux de sacrifice n’ont aucune autre origine que son entêtement absurde.

Le preux, dans son dos, ordonne de détourner une colonne du flan Ouest pour couper la route des armées ennemies, en marche pour les rejoindre sur la petite butte. Wilfried est chargé de cette manœuvre alors que Ewan gagne seulement la colline en tête de son armée. C’est seulement à cet instant que le Roi comprend la supercherie de son dévoué serviteur. Chaque homme et chaque femme de son bataillon sont armés d’un manchon de bois couvert le plus souvent des instruments les plus divers et les plus anodins. L’allure de cette milice est bien différente de la réalité et le jeune garçon a tôt fait de se morfondre en réalisant qu’aucun d’entre eux n’est véritablement apte à se battre.

“ L’impression est peut-être forte mais ce n’est pas elle qui nous fera vaincre ! ”

“ Considérez cette arrivée comme une seconde chance. Une de celles que l’on a qu’une seule fois dans sa modeste vie ! C’est une chance inouïe qui s’offre à vous pour rattraper le temps perdu. Vous pouvez relancer l’enjeu de la guerre car vous pouvez miser bien plus que Lidan. Vous offrez maintenant la Vallée des Larmes avec l’assurance de sortir vainqueur ! ”

“ Qui me donne cette assurance ? ”

“ Moi, si vous m’écoutez ! ”

Le Roi regarde le preux d’un air ahuri et considère l’étendue de son expérience. Toute la richesse de son parcours d’homme et de chevalier lui fait comprendre que ses dernières paroles ont suffi à faire tomber les derniers bastions de sa volonté. Lui, qui ne voulait pas succomber à la folie barbare des belligérants, baisse sa garde et accepte de livrer le combat de Périnis. Ce dernier en s’emparant du pouvoir de décision, sent pointer en lui un sentiment d’une intensité inhabituelle : Sa vengeance lui appartient enfin pleinement.

Le premier geste du nouveau commandant est d’inviter tous les arrivants à s’aligner, tout en faisant face à Lidan. Sur deux rangées, la troupe s’étend sur plusieurs milliers de pieds. Tandis que Wilfried et ses hommes barrent le passage à ceux de Gwendal, le nouveau promu lance une troupe de cavaliers en renforts. Au pied de la butte, les assaillants piétinent et aident le preux à ne pas perdre espoir.

Le jeune capitaine Wilfried est cependant assailli de toute part, tant et si bien que Gorneval en personne, échappant à la vigilance de Guènelon, s’en va prêter main forte à son ami. Il rejoint promptement le cœur du combat où tout change pour lui. Son armure de ténèbres n’est plus un camouflage efficace pour échapper au regard d’autrui. Depuis le dos d’Orphée, le jeune homme doit guerroyer contre bon nombre de soldats, biens plus vaillants que ceux qu’il affrontait en rêve, étant enfant. Malgré ces différences, les entraînements de Périnis prennent tout leur sens. Il parvient ainsi à contenir les assauts comme le ferait un preux aguerri. Mais ayant traîné dans son sillage, son protecteur Guènelon, il sent bientôt la masse d’adversaires se raréfier autour de lui. La fureur et la rage qui l’entoure, ne lui font pourtant pas perdre conscience qu’il est protégé. Il redouble d’efforts. Son bras devient un piston maudit qui s’abat comme la justice hâtive du tribunal de ses chimères. Il fait jaillir de ses tripes ce qu’il a de plus sauvage, allant jusqu’à sacrifier sa conscience à la force de ses gestes saccadés. La lame de Titane s’empourpre et libère ses arrières de la pression de ses ennemis. Des corps mutilés, des hommes mortellement blessés ou tout simplement inconscients, jonchent le sol de son royaume qu’il malmène allègrement tout en combattant. Des cris inhumains tentent de l’amadouer sans y parvenir ; ils déchirent pourtant un jour inconstant en de brèves incartades où l’enfer et la chaleur des flammes, viennent lécher les bottes du Roi effaré.

Mais au terme d’un combat d’une longueur indéterminée et avec l’aide de ses hommes, pourtant en infériorité, il parvient à repousser le premier assaut de Lidan. Périnis qui le cherche du regard, pose bientôt les yeux sur son armure noire. Le chevalier de ses rêves guerriers, trône sur les cadavres de son propre pays sans que cela ne soit un frein à sa folie destructrice. Le preux est fier de son élève. Et c’est là, le seul sentiment que le lui évoque le drame qui étale à ses pieds, l’horreur d’un combat absurde.

Alors que le calme revient péniblement, voilà qu’une deuxième attaque perturbe à nouveau les pensées que Gorneval tentait de rassembler. La deuxième et dernière salve de guerriers, montre la franche détermination de Lidan d’en finir avec Périnis. Cavaliers et hommes de traits se mêlent en une seule et même cohorte d’où ne ressort qu’une fulgurante impression de rage. Gorneval ainsi que ses hommes, pétrifiés d’une peur subite, regardent leurs adversaires fondre sur eux sans esquisser le moindre geste. Du haut de la colline, le commandant ordonne une contre offensive et lance une colonne entière, venue de l’est du siège et menée par Emilie. Celle-ci emmène une garnison entière à un rythme soutenu pour finalement entamer les rangs ennemis avant qu’ils ne parviennent jusqu’au Roi. Le choc entre les deux milices est d’une violence inouïe. Les premiers rangs sont littéralement renversés et les suivants empalés par les lanciers de Lidan. Dégainant un peu tard, les soldats d’Emilie sont malmenés. Nombre d’entre eux sont décapités par les premiers rangs de cavaliers adverses. Le capitaine de cette troupe tente de détourner ces rangs infranchissables et commet une erreur qui lui coûte encore une vingtaine d’hommes. Les troupes coude à coude se battent avec toute l’énergie du désespoir. Emilie qui voudrait tant parvenir à franchir le rideau de guerriers montés, s’obstine au lieu de renoncer. Elle s’engage alors vivement au cœur du combat. Aux masses d’armes, aux fléaux et aux épées effilées, elle ne peut opposer une quelconque résistance efficace. Très vite, ses hommes se font débordés et reculent. Soudés, leurs adversaires progressent avec arrogance. Ils abattent la petite troupe, rang après rang. Et, tandis que Périnis comprenant l’impuissance de son capitaine, lance les rescapés de la première attaque à sa rescousse, cette dernière se fait submerger. Une dizaine de soldats munis de saquebutes l’encerclent et tente de la déstabiliser. Son bras s’agite tout autour d’elle en tentant de se libérer de leur étreinte maléfique, mais il semble que ces hommes prennent un plaisir sadique à la persécuter. Ses derniers gardes se font égorgés sous ses yeux horrifiés et les derniers combattants de sa modeste troupe sombrent bientôt entre les vagues sombres que dessinent ses assaillants sur son horizon. Il ne lui reste bientôt plus que ses cris stridents et une farouche envie de vivre pour affronter les barbares qu’elle surplombe encore. Elle remarque vite qu’une troupe de cavaliers alliée, galope en sa direction, espérant prendre ses assaillants à revers. Mais l’étau se resserre inexorablement autour d’elle. Dans la frénésie de l’instant, sa monture prend peur et se cabre. Profitant de la stupeur générale, elle tente de faire bondir la bête par-dessus les premiers rangs, espérant ainsi pouvoir fuir. Mais l’animal, en sautant, perd l’équilibre et s’écroule sur trois ou quatre soldats, qu’il tue sur le coup. Elle engage ses dernières forces à tenter de redresser sa monture, en vain. L’étreinte de l’ennemi devient plus redoutable encore, tandis qu’elle l’affronte au sol. Son épée à la main droite, elle agrippe de la main gauche une lance qu’elle trouve à terre. Ses deux bras blessés dessinent de grands cercles pour tenter de chasser ceux qui l’étouffent. En levant les yeux, elle constate que les cavaliers l’encerclent aussi et au plus profond d’elle, quelque chose se brise en comprenant qu’elle ne s’en sortira pas vivante. Usant de ses ultimes ressources, elle abat encore un peloton entier de piétons mais doit finalement s’effondrer à son tour, victime d’un coup de pic que l’un des chevaliers qui la surplombe, lui inflige pour mettre un terme à ses vaines souffrances.

Lorsque la cavalerie de la Vallée des Larmes arrive – trop tard – l’armée de Lidan a tôt fait de se retourner pour l’affronter. Le corps d’Emilie ainsi que ceux de sa troupe, sont piétinés, foulés comme s’ils appartenaient déjà au sol. Le choc entre les deux groupes sonne comme le tonnerre au milieu de la vallée. Des sons rauques et caverneux s’échappent de cette horde sauvage. Les lanciers de Lidan sont le premier rempart que les hommes que Guènelon et Wilfried emmènent, rencontrent en croyant venir en aide à Emilie. Ils s’empalent les uns après les autres sur les pics de leurs ennemis et s’écroulent dans la même stupeur abominée. Ceux qui se trouvent sur les rangs suivants, comprennent trop tard l’erreur qu’ils ont commise en se laissant envahir par la fureur et tentent de faire marche arrière. La masse d’opposants est bien trop importante et le massacre est inévitable. En voulant modifier leur course, les hommes de Guènelon se retrouvent nez à nez avec leurs propres compagnons. Ces derniers lancés, ne pouvant stopper leur charge, foncent dans leurs rangs et les blessent à leur tour. Derrière ce rempart, ils trouvent les mêmes lanciers de Lidan dont les regards interdits masquent leur incroyable satisfaction. A leur tour pris au piège diabolique de Gwendal, ils se font submerger puis étouffer pour venir mourir aux pieds des chevaux de Lidan. Une nouvelle vague de cavaliers de la Vallée des Larmes arrivent en renfort pour tenter de couvrir la fuite de la piétaille désemparée. La retraite est sonnée dans un chaos inexprimable. Chacun tente de fuir les rangs adversaires dont ils sont les prisonniers comme ils le seraient d’une toile d’araignée. Les chevaliers adverses n’ont aucune pitié et abattent les valeureux guerriers sous les yeux de Périnis. Suit un inconcevable massacre où les fantassins s’écroulent sur leurs propres camarades ; leurs sangs se mêlent entre eux et courent le long d’immenses sillons qui rejoignent la terre de leurs ancêtres communs. La débâcle donne le sentiment à Gorneval, qu’il aurait bien besoin d’une deuxième chance ; cette même chance dont lui parlait son maître d’arme quelques temps auparavant.

Tandis que le bataillon de Wilfried est décimé dans des circonstances atroces, le Roi engage alors à nouveau le combat. Cette fois face aux lanciers, ses hommes et lui, sentent souffler sur eux, une onde maléfique qui les fait douter. Leurs bras n’ont plus la vigueur du matin et leur souffle se raccourci. La fatigue marque les organismes et leurs forces déclinent rapidement. Périnis désappointé, sent la victoire lui échapper. Il arme les quelques centaines d’hommes qui sont à ses cotés et demande à Ewan de les mener en renforts jusqu’au parvis pour prêter main forte à Gorneval. Le jeune homme ne répond rien en entame la marche, suivi de son bataillon de fortune. Celui-ci sonne bientôt une charge phénoménale qui fait vibrer toute la colline à l’unisson de sa rage de vaincre. En voulant marquer leur égalité avec des guerriers entraînés, ils s’abattent sur les troupes de Lidan avec une frénésie effrayante. Malgré la pauvreté de leurs armes, ces hommes connaissent cependant des techniques de bases et submergent rapidement leurs adversaires. Les cavaliers de la Vallée des Larmes sont facilement écartés des affrontements, les renforts s’étant arrangés pour rompre les rangs de Lidan juste au niveau de leurs alliés. Les premiers arrivés fauchent les chevaux à l’aide des fauchards qu’ils ont confectionnés eux-mêmes. Ils entament les combats une fois les cavaliers désarçonnés ; prenant à revers les fantassins adverses, ils usent de leur force physique pour imposer des armes rudimentaires mais efficaces. Rien ne saurait arrêter leur soif intarissable de tuer, pas même l’étonnante facilité qu’ont les chevaliers en armure à les mutiler. L’horreur côtoie le malheur et le sang se mêlant à la boue, les hommes perdent la raison. Certain d’entre eux croyant ne pas être blessé, perdent subitement connaissance après avoir combattu, sans s’apercevoir qu’un épieu jaillissait de leur flan. La volonté de ces hommes est telle qu’elle leur fait oublier leur douleur. Le dégoût de la vision des corps arrachés qui jonchent le sol, enfin passé, ils avancent, passent outre le sang qui macule leurs uniformes noirs, pour finir contre la lance d’un guerrier adverse. Mais celui qui le suit prend la relève et parvient à articuler un geste suffisamment ample pour planter le manchon de son arme dans le cœur du chevalier. Des scènes de la plus grande violence parsèment cet indigne affrontement. Les coups d’épée au tranchant régulier se font de plus en plus rares. Ils laissent la place à des corps à corps bestiaux qui n’en finissent plus tant les hommes peinent à tuer leurs adversaires. Les armes qu’ils utilisent n’ont plus la noblesse de celles des chevaliers. Ils sont pour ainsi dire, tous écartelés ou inconscients de douleur. Les guerriers achèvent les mourants en d’ultimes soubresauts de folie, à l’aide de morceaux d’armure récupérés çà et là sur un terrain qui a perdu la couleur de la terre.

Quand les cris s’estompent au creux de la colline et qu’une sorte d’accalmie plane au-dessus des corps inertes, Gorneval remarque un corps parmi des centaines d’autres. Celui-ci, il ne saurait dire avec assurance s’il s’agit de celui d’une femme ou non, mais reconnaît cependant l’armure qui le recouvre. Le sang qui l’entache est une raison supplémentaire pour affoler sa conscience. Titane encore à la main, il bondit à terre et courre dans sa direction. En un éclair, malgré la lourdeur de sa propre armure, il rejoint Emilie. Au travers du ventail entrouvert, il aperçoit ses yeux clos et reconnaît celle qu’il aimait comme une sœur. Il peut s’enorgueillir d’avoir su conserver pour elle les élans de son amitié sincère. Tandis qu’il croyait qu’elle le méprisait, il veut croire qu’elle fut pour lui bien plus que déception et trahison, et regrette de l’en avoir cru capable. Il lui retire vivement son heaume comme pour ignorer l’évidence. La blessure qu’elle porte sous le sein gauche ne laisse pas grand espoir quant à la voir sourire à nouveau. Il prend son visage entre ses mains et ses yeux affolés parcourent ses traits figés. Une étrange expression de calme flotte au creux de ses joues pâles. Des larmes amères sourdent sous ses paupières. Elles brûlent ses joues d’un regret amer. Il ne pourra jamais lui dire combien il l’aimait. Périnis arrivé peu de temps après lui surplombe les deux êtres de toute la hauteur de son destrier. Sa peine est sincère mais il ne dit rien. Gorneval se redresse maladroitement et tout en retirant son heaume à son tour, plante son regard dans celui de son maître d’arme.

“ Vous m’aviez dit que nous ménagerions nos adversaires ! Qu’est-ce donc que toute cette horreur qui rempli mon regard et me blesse ? ”

“ C’est la guerre ! ”

“ N’avez-vous donc ni ami ni cœur ? ”

“ Je vous avais prévenu ! La guerre et votre position de souverain ne permettent pas de posséder ce dont vous me parlez. ”

“ Je ne veux plus être souverain alors ! ” ajoute Gorneval en finissant sa phrase dans un sanglot étouffé.

Périnis ne répond rien et pose sur le jeune homme un regard froid et sans profondeur. En lui, quelque chose se déchire. Mépriser celui qu’il aime comme un fils n’était pas dans son intention, mais le preux se convainc de son utilité.

Il rassemble les troupes qui restent à sa disposition. La garnison d’Ewan a fait un mal considérable aux armées de Gwendal et le preux imagine qu’il ne reste à l’intérieur de la forteresse que très peu de soldats en état de combattre. Impérial sur son cheval, il contemple le parvis et s’assure que plus un homme ne bouge, dans cet amas insensé de chair et de sang qu’est devenu le plateau de Lidan. Il ordonne alors qu’on encercle la forteresse. Tous les fantassins valides se mettent en marche pour assurer un cordon tout autour de la citadelle. Tandis que les hommes se mettent en place, Périnis rassemble tous ses chevaliers et les dispose en face de la porte du château. Trois ou quatre garnisons se déplacent ainsi. Bon nombre des hommes qui les composent n’ont pas d’armure ; ce sont des fantassins ayant pris possession d’un destrier adverse. Ils possèdent pics ou épée et forment avec le reste des troupes, une masse solidaire autour du maître d’arme et du Roi. Le silence suit le tumulte de la mise en place des guerriers. Un silence pesant et poisseux tant il est omniprésent. Il plane tout autour d’eux comme le spectre d’un fantôme malicieux qui joue avec leurs nerfs. Périnis repense à l’impression qu’il avait eu lorsqu’il était rentré de son dernier combat contre Gwendal. Dinas était couché sur son destrier. Les hommes qu’il avait laissés derrière lui, semblaient l’avoir suivi depuis les tréfonds des enfers où ils s’étaient réfugiés après leur mort. La sensation remonte en lui, aussi forte, aussi impressionnante et malsaine que jadis. Le dragon maudit de l’Orée des Ténèbres remonte également les pentes abruptes de sa mémoire déchirée. Autant de personnages fantasmagoriques qui font peser sur sa conscience le poids d’une incertitude poignante.

“ En tant que Roi, il faut maintenant demander l’ouverture de la porte. ”

Le jeune homme regarde le preux d’un air inquiet, mais il s’avance un peu et fait face à son royaume, à l’aplomb des vigies.

“ Je désirerais que les portes de Lidan soient ouvertes et que nous puissions prendre possession des lieux que nous venons de conquérir. ”

Aucune réponse ne fait écho à la demande du Roi. Le lourd pont-levis s’abaisse pourtant, aussi lentement qu’il soit possible de le faire. Telle une langue gigantesque qui jaillirait de la bouche des enfers, elle descend à nouveau sur les corps mutilés de ses victimes. Le sang de ces derniers tache encore les larges poutres de bois déchiquetées et brisées par endroit. Le jeune souverain se trouve à une encablure des douves et voit se dessiner les entrailles de la citadelle. Une fumée épaisse a envahi les lieux. Les flammes consument les toits de chaumes, les façades de bois ; elles paraissent les seules habitantes de la cité fortifiée. Lorsque le pont touche le sol, Gorneval est a même de constater que le château semble vide, étrangement déserté de toute forme de vie. Sa première réaction est un mouvement de recul. La curiosité l’oblige cependant à pénétrer entre les couloirs étroits de ce qui fut le théâtre de ses plus belles heures. Son maître d’arme commande une garde pour escorter le souverain. Ce dernier ne peut croire que Gwendal soit parti sans laisser derrière lui, pièges et gardes. Il reste en dehors du château pour couvrir les arrières de son Roi tandis que ce dernier use de son droit pour prendre possession des lieux. Ewan, Audret et Guènelon sont dépêchés à ses cotés. Les trois plus valeureux chevaliers du royaume, accompagnent ainsi un jeune garçon pétrifié de peur. La mort d’Emilie pèse encore sur sa conscience. Derrière lui, au large du parvis, il sait que Wilfried, qui fut bien plus qu’un ami pour elle, pleure toutes les larmes de son corps sur la dépouille de son égérie. Mais il aura beau frapper le sol de toutes ses forces, abattre les montagnes, détruire Lidan ou massacrer tous ses habitants, rien ne pourra lui rendre sa merveilleuse promise. Gorneval, résigné, les yeux cernés d’une fatigue autant nerveuse que physique, n’a pas peur de la mort, tant il est las. Alors que ses compagnons dégainent leurs épées, ce dernier n’esquisse pas le moindre geste. Il continue d’observer les alentours sans rien retenir. C’est comme s’il voyait au travers des choses, se détachant du monde du réel pour rallier celui de ses chimères.

De l’autre coté des remparts, Périnis se tient fin prêt à l’assaut. Guènelon mène cependant son protégé vers la citadelle. Les portes défoncées de la ville enclavée ne lui paraissent pas de très bon augure. Les quatre cavaliers s’approchent, avec le plus de précautions possible des deux lourds battants ouverts. Gorneval sort de ses rêveries en voyant un premier corps étendu à même le sol, baignant dans une flaque de sang. Il dégaine aussitôt son arme et avance promptement en direction de la victime. En regardant un peu plus attentivement autour de lui, il constate avec stupeur que la citadelle entière est peuplée des cadavres de ses habitants.

“ Gwendal a massacré les habitants de la cité ! ”

Guènelon est le premier à réagir. Il abaisse son ventail et prend position sur la place d’arme. Sa voix retentit comme le son du tonnerre dans le silence des ruines de Lidan.

“ Gwendal ! Où es-tu ? ”

Audret et Ewan stupéfaits, accompagnent le Roi dans ses déambulations au cœur de la ville. Guènelon les rejoint au triple galop. Pour la première fois, le Roi constate de l’énervement dans ses propos. Son excitation mêlée à une sorte de fureur incontrôlable, parvient même à bousculer son impérieuse confiance.

“ Il faut tuer ce monstre ! Cet homme a abattu femmes et enfants pour ne pas laisser la ville entre nos mains ! ”

Le preux n’a pas fini sa phrase qu’une troupe de cavaliers sortent d’une route dérobée pour leur faire face. Ewan, le plus prompt, tente de fuir, lorsqu’un deuxième détachement apparaît à l’entrée de la citadelle. Tous ces hommes sont vêtus d’armures rutilantes, contrastant étonnamment avec celles des quatre guerriers piégés. Ces derniers se regroupent et brandissent leurs épées. Les pensées de Gorneval divaguent pour rejoindre les rivages plus paisibles de sa passion pour Cassandre. Elle seule est capable de calmer la puissante terreur qui enfle au creux de son ventre. Ventaux abaissés, les chevaliers sont prêts à combattre lorsqu’un cavalier à l’armure dorée apparaît. Gorneval sans savoir pourquoi, a la certitude qu’il s’agit de Gwendal. Ce dernier leur adresse la parole.

“ Veuillez déposer les armes messieurs, cela nous évitera d’en venir à des extrémités que nos deux camps regretteraient amèrement. ”

“ En tant que souverain légitime de ces terres, je refuse, en mon nom et au nom de tous ceux qui assiègent ce château. ”

“ Le fils de Dinas est donc parmi nous ! ” lance t-il comme si cette information n’évoquait chez lui, rien de plus qu’un vague souvenir de jeunesse. “ Quel courage étonnant de la part d’un si jeune garçon, que de venir le premier dans la cité qu’il assiège ! ” ajoute t-il en partant d’un rire sardonique.

“ Il en va de mon honneur que de prendre possession de la citadelle en avant poste. ”

Dans l’attente insupportable du retour de son souverain, Périnis perd patience. Par delà la colère qui l’envahit, c’est comme une sorte de gêne ou de crainte camouflée qui s’empare de lui. Un sixième sens, une voix mystérieuse qui surgit de nulle part, évoque à sa conscience la probabilité d’une embuscade. Aussitôt, mené par sa seule intuition, il demande le silence et expose calmement les faits. Aucune réticence n’émane de l’assemblée improvisée. Il sait que chaque instant est important et qu’à chaque battement de son coeur, c’est peut-être un peu de la vie de la citadelle qui s’évapore. Alors, d’une voix tonitruante, il ordonne la charge.

Une centaine de chevaux bondissent aussitôt en avant, dégageant un nuage de poussière monumental. Tous les cavaliers franchissent ce mur opaque et pénètrent à l’intérieur du château, arme au poing et regard aux aguets. Les sabots des bêtes frappent le sol avec force et fracas et tous se retrouvent rapidement sur la large place d’arme, sans avoir rencontré la moindre défense. L’élan magnifique qu’avait prise cette charge subite, s’essouffle pour s’éteindre aussi brutalement que ce qu’il avait commencé. Quelques montures s’ébrouent encore quand Périnis demande le silence. Tout le monde observe d’un regard inquiet les chemins de ronde sur lesquels ne subsiste pas le moindre garde. Quelques corps parsèment la place et cultive l’horreur dans les cœurs de ses visiteurs. Une odeur âpre et malsaine suinte des murs gris de la citadelle. Cette dernière se transforme pernicieusement en une prison dorée dans laquelle, nombre de soldats se laissent endormir et manipuler sans réagir. La pression de l’atmosphère grossie et s’amplifie. Un grondement intense, bourdonne aux oreilles attentives des guerriers de l’ombre. Périnis sentant le danger se manifester demande subitement le repli. Sa voix n’a pas même le temps de jaillir de sa gorge que les gardes de Lidan bondissent d’entre les ténèbres pour encercler le groupe. Il ne leur faut pas plus que l’espace d’un battement de cil pour qu’ils apparaissent. Prolongeant leur chevauchée comme s’ils ne l’avaient jamais arrêtée, les hommes de Périnis bondissent alors dans tous les sens, se dispersant avec une facilité déconcertante. Ils vont débusquer les gardes jusqu’au plus profond de leurs cachettes secrètes pour les massacrer comme ils le faisaient sur le parvis, avec les fantassins. Les gardes, habitués à des combats de distance, se font rapidement décimer. Leur faible défense et leur nombre réduit, confondent Périnis. Quand la horde sauvage de guerriers de la Vallée des Larmes achève son combat, que le silence revient calmement, le maître d’arme n’en est pas pour autant satisfait. Cette attaque ressemblait d’avantages à un leurre qu’à une véritable envie de repousser l’ennemi.

Il lance alors sa garde dans la citadelle, dernier lieu où peuvent se cacher Gwendal et ses hommes, ainsi que Gorneval. Il prend la précaution d’envoyer un de ses sujets les plus dévoués en arrière, afin qu’il puisse sonner la charge s’il n’a pas de nouvelles d’eux. La troupe s’engage promptement entre les ruelles sombres et étroites de la cité. Pourtant, la course est rapidement stoppée. Ils découvrent au détour d’une ruelle étroite, les derniers lanciers de Lidan encerclant Gorneval et sa garde. L’instant est intense. Les flammes qui consument la cité fortifiée, laisse s’échapper de ses entrailles, les volutes d’une fumée noire et épaisse qui font ressembler les hommes à des fantômes et Gorneval à un ange. Son armure noire reflète la lumière intermittente qui descend du ciel et forme tout autour de lui, un halo de lumière surnaturelle. Tous les hommes qui l’entourent ne possèdent pas la moitié de sa splendeur maléfique. Les cavaliers de la Vallée des Larmes regardent stupéfaits, l’action se dérouler sous leurs yeux. Périnis s’engage le premier en avant de ses troupes. Il somme Gwendal, qu’il ne fait qu’entr’apercevoir, de laisser le Roi s’en aller. La situation semble à l’avantage du maître d’arme et des siens, attendu leur supériorité numérique. Cependant ce dernier redoute qu’il n’existe d’autres gardes dont la présence serait camouflée par la fumée ou les recoins obscurs. C’est pour cette raison qu’il n’ose engager le combat trop précipitamment au risque de mettre Gorneval bien plus en danger qu’il ne l’est déjà. La pression qui s’était un peu atténuée au fil du temps, reprend ses droits au milieu d’une rue bien anodine. Les mains se resserrent sur les manches des épées. Plus le maître des lieux tarde à répondre, plus la tension monte. Tous les hommes en arrêt, n’attendent qu’un seul ordre pour déchaîner les enfers qui brûlent en eux. Périnis l’a bien compris. Le moindre bruit peut déclencher un massacre que personne ne souhaite plus et risquerait de mettre le Roi en péril.

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