Nos rêves déchus

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Chaque fois que je parte à l'université, ou précisément l'école ou je fais mes études supérieures, durant ce trajet en bus, pendant que j'écoute la même éternelle musique, je repense à tous les écrits que j'ai abandonnés ; parfois par lassitude, par manque de temps, par dépit, par manque de confiance, par découragement. Je repense tout de même à eux avec ce même état d'indifférence qui m'effraie à mesure que les jours s'effritent dans le naufrage du temps. Cet état d'indifférence, d'atonie dont j'aurais pu à chaque fois m'en débarrasser en reprenant l'écriture d'une ancienne histoire qui, des mois auparavant, ma passionnait follement. Et à présent, à Alger, à la ville blanche mais noire de détritus, d'idées arrêtées, à Alger la blanche qui s'est assombrie depuis un bout de temps, je manque d'inspiration alors que tout autour de moi crie la nouveauté, l'originalité.

J'ai laissé tomber le processus duquel j'étais follement amoureuse, j'ai laissé tomber les personnages que je me suis tant efforcée à rendre crédibles et attachants, j'ai commencé l'écriture de ce qui semblait être l'ébauche d'une nouvelle de meurtre pour laquelle je n'ai que si peu d'inspiration. Et c'est ainsi, durant ces moments de regards hagards, d'écran blanc qui trépigne d'impatience, que je remets en question le soi-disant talent dont je suis si fière. Et si je n'étais pas en fin de compte faite pour écrire ?

Pas du tout envie de laisser tomber ce qui me fait plaisir. Pas du tout envie de ne plus écrire. Mais j'ai peur de ne pas exceller et de tomber dans le puits de l'oubli ou de ne jamais exister dans la communauté littéraire. Écrire, c'est mon rêve déchu comme toute personne en a un. Vivre de mes écrits, c'est mon rêve déchu que j'ai tué pour suivre des études scientifiques. Mettre des mots sur des ressentis, des émotions, des histoires est le rêve déchu auquel je continue de m'attacher malgré le fait que tout me signale de me détacher. Je ne sais plus. Je suis mitigée. De toute manière, je ne peux abandonner mes études pour suivre le rêve fou, capricieux, audacieux, d'écrire pour toute une vie. Le rêve déchu se déchoit davantage.

Peut-être est-ce que dans les livres que les protagonistes suivent leurs destinés pour enfin accomplir leur légende personnelle. Est-ce déjà ma légende personnelle d'écrire des livres alors que des histoires aussi simples me causent autant de troubles et de difficultés ? Je commence à en douter. Et si je n'étais pas destinée à être autrice dans un futur proche ou lointain ? Vaut mieux alors continuer à étudier des maths et de la physique, enchaîner des exercices d'analyse, faire des expériences de chimie, des exposés d'économie ; et mon rêve déchu, puisqu'il n'en est pas un, ne se déchoira plus.

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