Lorsqu'on s'aime

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Lorsqu’on s’aime ? Qu’imagines-tu au premier abord ? Ah ! Un couple. Que c’est prévisible !

Tout le monde, à l’entente de cette phrase, imagine instantanément deux. Les gens aiment apparemment les nombres paires. Tout le monde s’imagine deux tourtereaux, se tenant la main généralement, s’échangeant quelques fois des baisers aux coins des lèvres, des baisers prudes, pudiques, dont la fougue est mesurée bien que leurs corps aient envie de braver le fameux interdit. Ils s’aiment, ces deux-là que la plupart s’imagine, d’un amour jeune, qui vient juste de sortir de sa coquille, d’un amour fort qui veut combattre les intempéries du temps, du monde, de l’existence. Une fille élancée, belle, riant aux éclats de son rire cristallin, chatouillée doucement, avec tendresse par un garçon musclé, jeune et séduisant ; au bord de la plage, ils courent comme des forcenés, des passionnés, des idiots. Leurs pieds nus embourbés dans le sable mouillé, ils sont attachés l’un à l’autre, se regardent avec gourmandise, se dévorent littéralement des yeux, sans gêne car ils savent qu’ils s’aiment, et l’amour mérite qu’on s’appesantisse dessus. N’est-ce pas l’image d’une mer bleu royale que tu as là en tête, avec son infini qui défie les horizons ? Oui ? J’en étais certaine. Nous sommes tous romantiques au fond, nous avons tous cette envie inconcevable d’aimer, d’admirer, de tomber amoureux.

Mais. Il y a toujours un Mais qui s’oppose, qui s’impose car il a bien raison. Lorsqu’on s’aime veut dire quand deux personnes s’apprécient, s’animent d’un amour généralement amoureux, fougueux, un de ces amour dont on gave les comédies romantiques. Lorsqu’on s’aime est une appellation pure à l’admiration de l’autre, l’amour de l’autre, cet autre qu’on ne connait probablement pas encore, cependant qu’on attend, avec une force de patience inimaginable, dépassant la force de gravitation de la terre. Pourquoi ? Cet acharnement est dû à cette idée reçue qu’à deux, on est mieux, à deux on est meilleur. C’est véridique, c’est logique, mais ce n’est certainement pas une loi. On s’empresse alors, on se hâte d’aimer n’importe quoi, n’importe qui, pourvu qu’on entre dans les standards des gens normaux, pourvu qu’on vive notre histoire. On a besoin d’aimer, certes, mais n’est-ce pas plus raisonnable de prendre en compte notre personne, de l’admirer un tant soit peu, de l’aimer en silence, au lieu d’attendre que cet autre l’aime, la prenne en considération ?

Tu n’es pas d’accord ? Laisse-moi t’expliquer. Lorsqu’on s’aime laisse imaginer deux personnes différentes, complètement opposées, que tout diffère, mais qu’un certain sentiment rapproche. Et si ces deux personnes n'étaient en fait que toi, et ta personne ? Oui, cette personne qui se réfugie dans ton corps, cette personne que tu as l’habitude de côtoyer depuis des millénaires, cette autre part de toi que tu ne prends pas trop la peine d’aimer car tu crois probablement que c’est du narcissisme, de l’égoïsme ou bien tout simplement parce que le mépris à son égard est plus fort. Si bien que tu attends que quelqu’un, par un joli coup de sort, vienne pour t’aimer, toi qui ne t’aimes pas. Dis-moi, pourquoi ne t’aimes-tu pas ?

Comment s’aimer ? Quelle question existentielle que les gens qui s’aiment trouveraient absurde et farfelue ! Ces gens-là qui s’admirent dans la glace, qui ne fuient aucunement leurs reflets, qui se sourient à eux-mêmes parce qu’ils se trouvent beaux bien qu’ils ne le sont pas tant que ça, qui se trouvent admirables malgré leurs échecs répétitifs. Ceux-là qui n’ont pas peur d’eux-mêmes, ni considèrent leurs âmes avec dédain et mépris comme le font l’autre moitié de la balance qui est bien lourde sous le poids de cette haine injustifiée. Pourquoi tant que ça lourde ? Car les conséquences de se mépriser sont plus remarquables que celles de s’aimer. Lorsqu’on se méprise, c’est toute une vie qui se retrouve fade et fastidieuse, c’est tout un monde qui s’écroule, qui se désagrège, qui devient néant et poussière. Lorsqu’on ne s’aime pas, pas la peine de chercher à aimer les autres.

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