Pourquoi lui ? Pas moi ? (Partie 2)

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Je marchai derrière le vieillard pendant une bonne vingtaine de minute, aux aguets. Je me sentis soulagée quand il me dit, sans se retourner :"Attends ici, je reviens rapidement." J'aperçus l'homme se dériger vers une boulangerie, me laissant dans un coin obscure. Dus-je m'enfuir ? Hurler au secours ? Ou simplement attendre ? J'étais persuadée : deux voies résonnaient fortement en moi, celle de mon coeur et celle de ma raison. La première m'ordonna d'attendre docilement, l'autre de s'enfuir.

Je commençais à avoir le vertige. Ma tête tournait.

"Suis ton coeur", c'est ce que le proverbe dit, mais j'en doutais fort que mon coeur aie raison.

Mes réflexions acharnantes ont duré si longtemps que je n'avais pas remarqué le vieille homme revenir, un paquet dans les mains. Je sursautai lorsque il me secoua la main gentiment.

— Excusez-moi. J'étais...

— Vas-y. Nous y sommes presque, dit-il ignorant que je lui parlais.

Nous nous aventurions encore et encore dans de sombres quartiers. Plusieurs figures insolantes me fixaient inlassablement. Nous nous arrêtâmes devant un rez-de-chaussée de bonne augure. "Tiens, c'est le seule bâtiment respectable, pensai-je"

Je suivai le vieillard à l'intérieur et je ne pus cacher mon admiration. Tout était propre, bien entretenu. Certes, les meubles ne sont pas neufs, quand même ils sont en bonne état et étincelants.

— Vous avez une très belle maison, monsieur.

— Vraiment ? Merci. Asseyons-nous pour discuter un peu.

Je hochai la tête et m'installai dans le petit fauteuil beige à mes cotés. Je voyai une télévision commode, deux autres fauteuils de la même couleur, une table ronde noire. Et quelques autres objets encaissés dans un recoin.

— Ici, c'est le salon. Tu peux jeter un coup d'oeil aux autres chambres si ça vous plaise, mam'zelle.

J'acquis d'un signe de tête et fis un tour dans les environs. Il y avait deux autres chambres, une un peu féminin et l'autre sans doute revenait au monsieur assis au salon. Je trouvai aussi une cuisine très bien garnie, et il y a avait un petit balcon où regorgeaient des plantes magnifiques et des fleurs éblouissantes. Le tout paraissait propre, très propre.

— Certes, ce n'est pas très grand comme maison mais ça suffit au vieillard que je suis.

— Du coup, j'ai bien aimé le balcon, c'est très joli.

— Merci, mamz'elle...

Il se souvint que jusqu'à ce moment il ignore mon nom et aussi pour moi.

— Marguarite.

— Oh, tu sais que les marguarites ont une grande signification dans ma vie, je les aime beaucoup. En fait, je m'appelle Robinson, enchanté de vous reconnaître.

Je souris timidement et je sentis ma gorge se nouer. Je me rappelle que mon père disait toujours que Marguarite était un mauvais nom et qu'on devait m'appeler plutôt Olivia, au nom de sa défunte mère. Je me demande pourquoi je me force de l'appeler mon père, du coup il ne l'est pas. Et je le savais discrètement depuis mon enfance. Ses regards froids, ses paroles brèves, son indifférence envers tout ce qui me concernait, voulaient bien dire :"je ne suis pas ton père, tu n'es pas ma fille. N'attends pas quelque chose de surnaturel entre nous".

— Je crois que vous réfléchissez, mamz'elle Marguarite. Je voulais savoir plus de vous et dans l'autre sens, si vous me permettez. En attendans que vous soyez prêtes, j'accomplirai mes devoirs de hôte, soyez la bienvenue chez moi.

Je remarquai cette lueur bizarre dans ses yeux quand il quitta le salon vers la cuisine. Il voulait parler, ce pauvre ! Et moi, je n'en avais pas la moindre envie. Il revint un quart d'heure après avec deux tasses de thé vert, une assiette de petit pain, une autre de mille feuille et une dernière de crackers.

Il posa le tout sur la table et m'invita à s'en régaler.

— Vous ne devrez pas vous fatiguer, monsieur Robinson. Je vous remercie pour votre hospitalité.

— Ce n'est rien, on peut pas papoter sans quelque chose à grignoter.

— Je voudrai vous demander, si ça ne vous dérange pas, formulai-je enfin.

— Bien sûr que non, allez-y, je vous entends.

—Vous vivez seul, monsieur ? Je veux dire que tout est bien à sa place, on dirait qu'il y a une femme de ménage parce que même chez nous, il y a avait toujours du désordre.

Robinson pouffa de rire.

—Le fait que ma maison soit bien rangée est étrange, c'est ce que vous voulez dire ? Pour un homme de soixante ans vivant seul, l'ordre de la maison est négligé, n'est ce pas ?

Je rougis immédiatement, j'aurais pas dû prononcé des idioties.

—Oui, je vis seul. En fait, c'est une longue histoire, si vous voulez l'entendre, ça me fera chaud au coeur.

Je hochai la tête et avalai une gorge tiède du thé. Très délicieux.

— Donc, quand j'étais à ton âge, j'avais vécu une si malheureuse vie, la plus malheureuse qu'un garçon de quatorze ans peut supporter. J'ai perdu quasi tous mes proches ( parent et autres ) dans un accident de voiture, alors je restai seul au monde avec mon oncle et sa femme. Ceux-ci, au lieu de m'héberger et de me considérer autant qu'un fils, ils me chassèrent sans pitié et je me retrouvai dans la rue. Ma vie de vagabond a duré deux mois, deux mois plein de souffrance et de mal.

Vint le 20 Octobre 19..., en fait c'est la même date qu'aujourdh'ui, constata-il, il avait l'air content de raconter sa propre expérience dans la vie.

Je n'avais trouvé d'autres solutions que de mendier mon pain. Assis à califourchon à l'entrée d'un supermarché, le propriétaire venait maintes et maintes fois m'ordonner de s'en aller, ce que je ne faisais jamais. Soudain, une belle femme d'une trentaine d'année s'approcha de moi gentiment. Elle portait une robe bleu ciel. Ses cheveux étaient en queue de cheval, une fleur de marguarite les ornait d'un côté. Malgré cette allure simple, elle était éblouissante. Tout comme j'avais fait avec toi il y a une heure, elle m'a guidé vers sa maison, qui est celle-là.

J'ouvris de grands yeux, et fronçais imperceptiblement les sourcils, il avait dis que cette maison lui appartenait et qu'il vivait seul...

— Elle s'appelait Caroline, un nom qui avait fait entré le bonheur à ma vie. Mama Carole, comme j'avais l'habitude de l'appeler, avait joué le rôle de la mère super protectrice pour moi. J'avais retourné à l'école grâce à elle. J'avais pu survivre sous ses ailes. Etre reconnaissant n'est pas suffisant pour décrire mon devoir vers elle. Je l'aimais infiniment et elle m'aimait excessivement. Cependant, notre histoire a une fin triste. Vraiment triste...

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