Chapitre 8

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Le trajet jusqu’au bureau est silencieux, chacun est perdu dans ses pensées. Heureusement, celui-ci n’est pas très long et, bientôt, l’immense bâtiment de verre et d’acier se dessine au loin. Cette forme grise et impersonnelle est ma hantise depuis mon enfance où mon père me jurait qu’un jour cette entreprise serait la mienne puis celle de mon frère mais quoi que je puisse essayer de faire pour la fuir son ombre me suivrait à jamais. Ses paroles m’avaient terrorisées à l’époque et obsèdent mes cauchemars encore aujourd’hui.

En entrant dans le hall, les employés se tournent vers moi et me dévisagent en se parlant à voix basse. Il n’est pas difficile de deviner de quoi ils parlent. La directrice générale de la pharmaceutique est de retour après s’être enfuie de chez ses parents et d’avoir envoyé son père en prison. Tellement de ragots et souvent tellement loin de la vérité. Ils ne connaissent pas la moitié de l’histoire et osent porter un jugement sur moi ? Si je n’étais en présence du Roi, j’aurais immédiatement convoqué une assemblée extraordinaire des employés pour remettre les points sur les « I ». Mais il est là alors je relève la tête, me redresse et marche droit vers l’ascenseur.

Celui nous emmène directement devant mon bureau. Je m’efface pour laisser entrer mon visiteur et vais m’asseoir derrière mon ordinateur. Après l’avoir déverrouillé, je remarque que je n’ai plus accès à la moitié de mes dossiers. La rage m’envahit. J’appelle le service informatique de la société et leur ordonne de me rendre l’accès à ceux-ci immédiatement s’ils ne veulent pas se retrouver sans emploi. Si tôt menacés, mes dossiers réapparaissent sur la page d’accueil et je les enregistre sur une clé USB à grande capacité de stockage. Je propose au Monarque qui m’accompagne une petite visite des laboratoires, nous donnant l’occasion de poser plus de questions sur le psychotrope et la nanotechnologie, ce qui semble l’intéresser énormément.

Les labos se situent au sous-sol et un ascenseur spécial doit être utilisé afin d’y accéder. Seules les autorités supérieures y ont accès en dehors des laborantins et, étant la sommité du laboratoire, j’ai droit à tous les accès, même aux ateliers classés secrets qui ne sont connus que de ceux qui y travaillent, de mon père et de moi. C’est à cet endroit que sont travaillé les méfaits qui nous intéressent. Je prétends sans problème que le Roi veut visiter l’entreprise et que les laboratoires, qui sont notre grande fierté, doivent être vus en premiers après les bureaux de la présidence. Ainsi, nous pouvons poser toutes les questions que nous voulons sans problème.

À l’entrée des ateliers secrets, le garde de sécurité nous arrête, voulant savoir notre identité et ce que nous venons faire ici. Après l’avoir sévèrement grondé pour ne pas être capable de reconnaitre son Roi et sa supérieure, il nous laisse entrer, tête basse. Dans ces locaux, l’air filtré et pulsé nous oblige à des mesures d’hygiène très strictes, comme dans les laboratoires de tests d’astrophysique. Une fois habillés et accompagnés d’un chercheur, nous nous faisons innocents et curieux et tirons sans soucis tous les vers des nez. Victorieux, nous ne nous attardons pas et remontons vers la sortie.

Le trajet de retour me semble beaucoup plus court. Nous ne parlons pas de ce que nous avons trouvé mais nous sommes accordés pour en discuter une fois que nous serons à la maison. Daniel tourne en rond mais dès qu’il entend la porte s’ouvrir, il se précipite vers moi, me soulève du sol, me fais tourner et m’embrasse. Même si je ne suis partie que deux heures, je suis heureuse de le retrouver. Un raclement de gorge nous ramène à la réalité et nous nous retournons vers son père qui ne sait où se mettre.

Après nous être excusés, je raconte à Daniel ce que nous avons découvert : la Seconde Reine a demandé la création de nano-robots et d’un produit pouvant aider à contrôler l’esprit d’une personne et mon père a accepté avec un immense plaisir, surtout quand il a su à qui étaient destinés ces inventions, c'est-à-dire aux deux hommes qui m’entourent. Tous deux sont furieux mais que faire ? Il ne nous pas encore possible d’accuser la Salope, nous n’avons pas encore assez de preuves. Mais peut-être que les informations contenues sur la clé USB pourront nous en dire plus. Une fois qu’elle est branchée, je peux enfin savoir de quoi il en est. Et ce n’est pas joli-joli. Les plans, très détaillés me donnent assez d’indices que pour enrailler le problème. Pas besoin d’électrocution, il suffit d’injecter un peu de liquide physiologique au même endroit que le poison avant qu’une deuxième crise ne se déclenche qui pourrait entrainer la mort du sujet. Inquiète, je demande à ce que qu’on m’en apporte. Il n’est pas question que je laisse une deuxième manipulation se produire !

Malheureusement, je n’ai pas su aller assez vite et, d’un coup, le regard de Daniel devient flou et fixé droit sur moi. J’averti le Roi de ce qu’il risque de se passer et où il faut injecter le produit. Le liquide arrive au moment où Daniel me saute dessus. Je me laisse faire, cherchant à l’immobiliser au maximum. J’accroche sa tête quand il m’embrasse, enroule mes jambes autour de sa taille et le laisse me plaquer au mur. Aucune douceur, il n’est que bestialité et sexualité mais ce n’est pas comme la première fois. Quelque chose a changé. Il est moins fort, on dirait que sa force diminue de minute en minute. Interrompant notre baiser et faisant descendre sa tête vers mon cou, je cherche le Roi. Là ! Il est immobile, visiblement choqué de la violence de son fils envers moi. Je lui crie de se dépêcher et de faire cette piqure. Mon cri le fait sursauter et il se réveille, prend la seringue et le liquide puis s’approche. Mais Daniel l’entend, me lâche et se retourne pour l’attaquer ! Le Roi me lance la seringue maladroitement. Malgré ça, elle atterrit pile dans mes mains. Je profite de la distraction pour sauter sur le dos du manipulé. Il gesticule, tente de se défendre mais je réussi à le piquer pile au bon endroit. Son corps se ramollit, se détend et il s’effondre dans les bras de son géniteur. Que se passe-t-il ? Je prends son pouls, il ralenti puis se stabilise. Est-il pour autant sauf ? Je n’en sais rien. Avec l’aide du Roi, je le porte jusqu’à notre lit et appelle un médecin.

Le docteur Gyman arrive rapidement, comme toujours, et examine Daniel. Il est stable et devrait récupérer. Il me pose plus de questions que je le voudrais mais je lui réponds ce qu’il veut savoir. Le Roi se prête également au jeu mais reste en retrait, me laissant faire tout le boulot. Finalement, Gyman nous propose son aide pour décrypter les fichiers médicaux. J’accepte sa proposition avec plaisir mais lui fait promettre de garder le silence sur l’affaire. Le nombre d’infos récoltées est hallucinant, très technique mais, avec l’aide du médecin, j’arrive à en décoder un maximum. Le Roi fait les allers-retours entre son fils et nous, donnant des nouvelles du patient et venant voir si nous avançons et s’il peut nous aider.

Tard dans la nuit, ils retournent chez eux, fatigués de la quantité de travail abattue mais contents de l’évolution des choses. Je monte me coucher à mon tour, tout aussi éreintée. Daniel a l’air paisible, allongé au milieu du lit. Je prends une rapide douche et mets mon pyjama. Dans l’autre pièce, j’entends du bruit. Daniel s’est réveillé ? Quelqu’un est-il entré à mon insu dans la maison ? Je me dépêche de me diriger vers l’origine de mon malaise. Pas besoin d’aller très loin. Daniel se tient debout au milieu de la pièce, le regard perdu dans le vide. Je l’appelle doucement en m’approchant de lui, de peur qu’il ne soit pas guéri et toujours sous le contrôle de mon père. Il se tourne vers moi et me sourit. Il s’approche de moi avec beaucoup plus de douceur que tout à l’heure, me prend dans ses bras et m’embrasse tendrement. Il me porte jusqu’au lit, nous y allonge et s’endort d’un coup, la tête coincée entre ma poitrine et ma mâchoire. Je le serre contre moi, heureuse de le voir redevenu lui-même.

Quelques jours plus tard, Daniel et moi sommes appelés au Palais royal. Pourquoi ? Je ne sais pas et lui n’en mène pas plus. À l’entrée du château, un majordome vient nous chercher mais nous fait passer par derrière. Je découvre l’envers du décor, loin des dorures et des marbres, les passages secrets sont sombres, légèrement inquiétants. Je m’agrippe à la main de mon amoureux pour me rassurer. Son bras libre s’enroule autour de ma taille et il pose un bisou sur ma tempe. À force de remonter les couloirs plongés dans la pénombre, nous finissons par déboucher dans le bureau privé du Roi. Celui-ci nous attend en regardant par l’immense baie vitrée qui donne sur les jardins à la française. Le majordome nous annonce puis s’en va d’un mouvement de main de son maître.

« - Je suis heureux de te voir parfaitement rétablis, fils. Magdalena, je voulais m’excuser de mon ignorance et de ma crédulité face à ton père. Il est en prison pour un bon bout de temps pour maltraitance, viol, inceste et proxénétisme. Malheureusement, je ne peux pas encore l’inculper pour tentative d’assassinat et pour attaque envers la famille royale. Je n’ai pas encore assez de preuves. Avez-vous avancé dans les dossiers ?

- Oui, grâce à l’aide du docteur Gyman. Nous avons pu trouver assez de preuves pour incriminer la Seconde Reine et mon père dans les chefs d’accusation que vous venez de citer.

- Vraiment ? Génial ! Je suis désolé de mettre dans l’ombre M. de Villeneuve. Cependant, pour ma seconde épouse, ça sera plus difficile à cause de son statut et en tant que mère de l’héritier. Mais je trouverai bien une solution pour la répudier ou quelque chose dans ce genre…

- Pourquoi pas l’accuser d’adultère ? Père, elle s’est vantée durant des années que le père de son très cher fils était plus jeune qu’elle, presque mineur. Père, permettez à Magdalena de faire un test ADN. Si mon idée est la bonne, vous pourrez faire d’une pierre deux coups !

- Ce n’est pas une mauvaise idée. Mais comment faire pour récupérer l’ADN de Jean-Alexandre ?

- Très simple et pourtant, vous allez détester tous les deux vu mes positions face à ce mariage mais laissez-le m’embrasser et, dans notre étreinte, je pourrai aisément lui arracher les quelques cheveux nécessaires pour le test.

- QUOI ??? Non ! Mag ! Non ! Je te l’interdis ! Il doit exister un autre moyen ! Laisse-nous nous battre dans une confrontation qui tend depuis des années ! Mais je refuse qu’il pose un doigt sur toi !

- Bien sûr… Et si tu perds le combat, il aura accès à moi à volonté. S’il ne savait pas que j’étais chez toi, il y a bien longtemps qu’il aurait mis la main sur moi. Laisse-moi faire, jouer ce rôle une demi-heure et tout sera fini à jamais ! Tu sais que je t’aime et que je n’aime que toi ! S’il-te-plait !

- Daniel, son idée est meilleure que la tienne. Je n’aime pas qu’elle doive se trahir et prendre un rôle qu’elle déteste mais je ne supporterai jamais voir mes deux fils se battre jusqu’à la mort. Laisse-la faire, mon fils.

- Bien. Mais, si la situation dégénère, je vous considèrerai comme le seul responsable, Père.

- Je comprends. Restez dîner, ça vous donnera une excellente occasion pour résoudre cette misère. Oh ! et donnez-moi les preuves, je les donnerai au chef de la police royale. »

Le dîner est extrêmement gênant. Je suis entrée dans mon rôle, essaye de m’éloigner de Daniel, comme s’il me retenait contre ma volonté et me rapproche de Jean-Alexandre, me pendant à son bras, allant jusqu’à accepter un rendez-vous avec lui. Je déteste ça. Je veux m’éloigner et aller rejoindre Daniel le plus rapidement possible. Alors que la Salope harcèle mon amant pour le faire partir, j’en profite pour attirer le Connard dans l’ombre d’un mur, le plaque au mur et l’embrasse.

Contrairement à Daniel et ses lèvres d’une douceur tendre et amoureuse, celles du cadet sont dures, arrogantes et violentes. Il prend le contrôle du baiser et je me laisse faire plaquer contre le mur à mon tour, passant mes mains dans ses cheveux. Bizarre, ils n’ont pas tous la même longueur… De longs cheveux blonds sont mélangés à ses courts cheveux noirs. Sans doute les cheveux d’une des pétasses qu’il s’est envoyé cette nuit… J’agrippe une poignée de sa tignasse et tire dessus. Il grogne, force mes lèvres à s’ouvrir et glisse sa langue dans ma bouche, dure et brutale. Il me soulève et essaye d’enrouler mes jambes autour de sa taille mais je refuse, rompant notre baiser et le repoussant loin de moi, ses cheveux cachés dans main. Je lui souris puis regagne le reste du groupe au moment où on passe à table. Je m’oblige à me mettre loin de Daniel et à laisser Jean-Alexandre poser son bras sur le dossier de ma chaise et me dire combien il est impatient de découvrir la chaleur de ma chatte. Je frissonne, effrayée par ses propos de plus en plus vulgaires et cochons. Daniel comprend mon malaise et essaye d’attirer l’attention de son frère. Les cheveux sont soigneusement rangés dans un mouchoir au fond de mon sac et j’ai hâte de rentrer chez nous.

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