Chapitre 5

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Le lendemain matin, je me réveille comblée et légèrement ankylosée mais seule dans le grand lit froid. Où est Daniel ? La panique m’envahit. Est-il parti ? N’était-ce qu’un rêve et je suis toujours chez mes parents ? J’ouvre les yeux, me retourne. Le lit est bien vide mais la porte de la chambre est ouverte et une délicieuse odeur de gaufres arrive jusqu’à moi. En quittant la pièce, je prends son tee-shirt, laissé comme le reste de nos vêtements éparpillés sur le sol et descends. Sur la commode proche de la porte, je vois ma bague qui m’attends. Je la prends et la mets autour de mon annulaire, sa place originelle et où une seule autre bague y prendra place, l’alliance que j’espère que mon amant me mettra au lieu de son ignoble demi-frère. Je suis l’odeur jusque dans une grande cuisine américaine où je vois Daniel seulement habillé d’un jogging. Ses larges épaules portent encore les marques rouges de mes ongles. Quand ai-je été si violente ? Quand il m’a réveillée au milieu de la nuit pour un second round ou lors du premier ? Si lui est marqué, je n’ose savoir quelle tête je dois avoir. À pas de loup, je m’approche et l’enlace par derrière en appuyant ma tête contre son dos musclé.

« - Bonjour ma petite marmotte.

- Bonjour. Ça fait longtemps que tu es levé ?

- Non. Je ne me suis levé il n’y a qu’une heure. Mais si non, j’ai passé près de deux heures à te regarder dormir. Tu sais que tu parles en dormant ?

-Euh… Oui… Qu’est-ce que j’ai dit ? Pas trop de bêtises, j’espère !

- Non. Juste que tu m’aimes. Tu l’as dit en cinq langues ! Qui aurait cru que tu parlais mandarin et coréen ?

- Mon père m’a obligé à les apprendre. Pour les affaires, disait-il. Il doit être drôlement moins fière maintenant qu’il a dû savoir que je me suis enfuie.

- Tu veux rentrer ?, me demande-t-il, visiblement déçu, en se retournant, me portant pour m’asseoir sur le plan de travail.

- Jamais de la vie ! Je veux rester avec toi !, lui répondis-je en l’attirant dans l’étreinte de mes bras et de mes jambes.

- Bien ! Parce qu’il est hors de question de te laisser partir ! J’ai passé pour la première fois de ma vie une vraie bonne nuit de sommeil avec la femme que j’aime dans mon lit.

- Tu… Tu… Tu m’aimes ?

- Oui. Quoi ? Tu doutes de moi ? Mon ange, je vais te prouver par tous les moyens que je t’aime ! Et je sais que tu m’aimes ! Tu l’as assez répété cette nuit.

- Ce n’est pas que je doute de toi, je doute de moi parce que je n’ai jamais vraiment connu la signification du mot amour…

- Dans ce cas, laisses-moi te montrer ce que ça veut dire !, dit-il en m’embrasser avec passion. »

Comment dire que cette journée a été la meilleure de toute ma vie ? J’ai passé tout mon temps avec l’homme que j’aime, faisant l’amour encore et encore, dans toutes les positions, dans toutes les pièces de la maison, en mangeant la délicieuse nourriture qu’il fait et en apprenant plus sur lui. Avec lui, je peux parler de tout et de n’importe quoi, être moi, sans fioritures ni obligations sociales. Au soir, il me posa cependant une question qui m’a beaucoup gênée : est-ce qu’on me l’a déjà fait par derrière. À sa plus grande joie, je lui ai répondu que c’est le seul endroit de mon corps que j’ai su garder vierge de toute tentative. Il me proposa d’essayer mais je ne me sens pas encore prête pour ça. Grand prince, il l’a compris et m’a dit que si je voulais essayer, je n’avais qu’à le lui dire. J’aime cet homme. Vraiment. Il me l’a appris de la plus belle des façons, en m’aimant. Comblée par tous les moyens possibles, je m’endormis dans ses bras en un instant.

Le lendemain, cependant, est nettement moins heureux. En effet, mon père, rendu furieux par mon départ imprévu alors que je devais faire les essayages de la robe de mariée qu’ils m’ont choisie et valider les différents détails du reste du mariage, il débarque à la maison au milieu de la matinée. L’ayant vu arriver grâce au système de caméras et de détecteurs de mouvements, je me cache avant que Daniel n’aille ouvrir la porte sous l’insistante sonnette que mon père actionne tous les dixièmes de seconde.

« - Où es ma fille ?

- Votre… Votre fille ? Qui est votre fille ?

- Ne tentes pas de jouer au plus fin avec moi, petit bâtard ! Je sais que ma fille est là ! Où d’autre aurait-elle bien pu aller ? Magdalena ! Sors de ta cachette et il ne t’arrivera rien de méchant !

- Monsieur, je ne connais pas votre fille alors pourquoi serait-elle ici ?

- Sans doute parce que tu l’as sauvée de cette bande de sauvages ? Laisse-moi passer, maintenant ! Je viens chercher ma fille et rien ne m’en empêchera !

- Oh ! La fille que j’ai sauvée il y a un mois ? Jamais revue. Mignonne et très polie mais pas mon genre et je ne fais pas venir chez moi les filles que je n’apprécie pas. Et il n’est pas question que vous entriez chez moi ! Je ne laisse pas entrer les gens que je ne connais pas chez moi. Or, je ne vous connais pas. Donc vous restez dehors. Restez aussi longtemps que vous voulez mais jamais vous ne mettrez un orteil dans ma maison sans finir dans les geôles du palais. Est-ce bien clair ? Maintenant, allez chercher votre fille ailleurs que chez moi ! Vous avez été voir chez ses amies ? Bonne fin de journée ! »

Ayant trop peur de me montrer, je reste dans ma cachette, attendant le moindre bruit qui signifierait que mon père essayerait de rentrer de force mais la porte d’entrée reste fermée et plus aucun son ne me parvenient. Daniel ne s’approche pas de moi, inconscient qu’il vient de me blesser en disant que je n’étais pas son genre et qu’il ne m’appréciait pas. Je sais déjà quelle justification il va utiliser : il a menti à mon père pour me protéger et il ne pensait pas une seconde ce qu’il disait. Même si c’est vrai, il n’empêche que c’est blessant. Le temps passe et Daniel ne vient toujours pas. Je n’ose pas lui demander si Père est parti ou non car je ne sais pas si la porte est assez épaisse que pour bloquer ma voix. Finalement, après ce qui m’a semblé être des heures, il revient près de ma cachette et me glisse une assiette remplie d’omelette. Je lui demande en murmurant si l’intrus est parti et il me répond par la négative. Rageant, je mange silencieusement mes œufs qui sont bien sûr délicieux. Je m’ennuie et lui aussi. Je suis étonnée de la persévérance de Père face à ce déni total de ma présence tout autant que ça m’énerve. Quand va-t-il partir ? Il doit avoir faim, soif, envie d’aller aux toilettes mais il ne bouge pas d’un pouce. La journée avance lentement, trop lentement. J’ai l’impression d’être un rat mort dans un égout oublié. Mon homme met de la musique et joue au billard pour m’éviter et pour pouvoir me parler. Je comprends qu’il s’impatiente autant que moi mais qu’il a aussi peur de quitter la maison au risque de donner à mon père le temps d’entrer et de me trouver. Depuis combien de temps suis-je là, dans mes deux mètres-carré ? Je finis par m’endormir, inoccupée et en colère.

Daniel me porte dans ses bras et me réveille en montant les escaliers. Quelle heure est-il ? Combien de temps ai-je dormi ? Mon père est-il enfin parti ? Si non, n’a-t-il pas encore manifesté son agacement ? Notre lit me parait tellement confortable après avoir dormi sur le sol de ma cachette. Il me déshabille puis me porte dans la salle de bain après avoir fait couler un bain. L’eau est tellement agréable que je me serais rendormie direct s’il ne m’avait pas distraite avec son corps d’Apollon et ses bisous dans le cou.

Frustrée de ma journée, je me fais un peu prier et ce n’est qu’après de longues préliminaires que je le laisse me faire l’amour. Il est étonnamment doux pour quelqu’un qui a grommelé être aussi frustré que moi et avoir répété trois fois qu’il aurait bien voulu faire autre chose sur la table de billard. Lentement mais sûrement, il fait monter la tension en moi, changeant de position en même temps qu’il accélère le rythme. Je ne suis bientôt plus que gémissements et cris de plaisir, me débattant contre lui pour enfin atteindre l’orgasme désiré et qu’il semble me refuser, jouant avec moi. Je ne l’atteints non pas une fois mais quatre avant qu’il ne me laisse sortir de la baignoire. Ou plutôt qu’il m’en sorte, complètement épuisée et enfin satisfaite.

Quand je me réveille, au milieu de la nuit, j’entends des voix qui s’énervent et qui haussent le ton. Je reconnais la voix de Daniel et celle de mon père. Il me semble qu’ils sont à l’intérieur. Daniel l’a-t-il laissé entrer ou Père a-t-il forcé la porte ? Je m’approche discrètement de celle de notre chambre et tends l’oreille :

« - Sortez immédiatement de chez moi ou j’appelle la police !

- Très bien ! Appelez-la ! Comme ça tu seras obligé de me rendre ma fille, connard !

- Arrêtez de m’insulter ! Combien de fois faut-il que je vous répète que votre fille n’est pas ici ? Vous êtes dur d'oreille ou quoi ?

- Si tu y tiens tant, autant appeler ton père pour résoudre la situation. Oh ! et regarde, j’ai son numéro ! C’est bête pour toi. Maintenant, rends-moi Magdalena et ton père n’entendra jamais parler de cette histoire et tu pourras peut-être venir à son mariage avec ton frère. Lui, au moins, c’est un gentleman et ne se comporte pas comme si j’étais un imbécile !

- Bien sûr ! Mon frère si parfait ne sait même pas la différence entre un ami et un imbécile hypocrite qui cherche à s’élever dans la société ! Appelez mon père si vous voulez mais ça ne résoudra pas la situation. Pire, ça la compliquera encore plus et vous mettrai dans les mauvaises grâces de Père. Mais allez-y, ne vous privez pas ! En attendant, dehors ! Moi je retourne me coucher et vous devriez faire de même !

- Petit con ! Tu essayes de jouer au plus fin avec moi mais ne fonctionnera pas ! Je sais qu’elle est ici, je peux sentir sur toi le parfum que je lui ai offert il y a deux ans pour Noël. Laisse-moi passer, j’ai deux mots à lui dire !

- Pas question, putain ! Vous êtes chez moi, c’est ma maison, mon territoire ! Dehors ! De votre volonté ou les flics viendront le faire pour vous avec une ordonnance de protection aux fesses !

- Tu oses me menacer ? Toi ? Laisse-moi rire ! Tu n’es qu’un enfant qui refuse de rendre un jouet à son propriétaire !

- Oh ! donc votre fille est votre jouet. N’y aurait-il pas une connotation sexuelle derrière tout ça ? Vous savez que je peux vous envoyer dans l’ombre pour viol et inceste sur son propre enfant ? Ça ferait tellement tache, le jour du mariage ! Le père absent parce qu’il doit comparaitre devant le tribunal correctionnel. Je suis certain que ça ne plairait pas à mon père ni à mon imbécile de frère. Dehors et on oublie cette histoire.

- Non ! Je veux ma fille !

- Tant pis pour vous. Allô ? Police ? Oui, un homme s’est introduit chez moi et refuse de partir. Il tient d’intéressant propos sur sa fille. Il prétend qu’elle est chez moi puis qu’il l’a violée. Savez-vous venir ? Oui, merci. Très bien. À tout de suite. Loupé pour vous, les flics arrivent et ils ne sont pas contents que vous ayez dérangé un prince chez lui au milieu de la nuit.

- C’est du bluff ! Tu n’as réellement appelé la police.

- Très bien, si vous ne voulez pas me croire, ils ne vont pas tarder à arriver. »

En effet, quelques instants plus tard, la sirène d’une voiture de police résonne dans le quartier avant de s’arrêter devant la maison. Deux policiers, un jeune ventripotent et un vieux décharné, entrent dans le hall. En deux minutes, Père se retrouve avec les menottes aux poignets et enfermé de force dans le véhicule de service. Le jeune policier avertit Daniel que le Roi est au courant de l’histoire et cherche à savoir où je suis. Lui servant la même histoire qu’à mon père, Daniel dément ma présence dans la maison. Le policier, moins futé que Père, le croit sur parole, lui souhaite une bonne fin de nuit et s’en va. La voiture s’éloigne, j’ouvre la porte et cours me jeter dans les bras de mon valeureux amoureux qui sait si bien me défendre. Je l’embrasse et il me porte jusqu’à notre lit où il me fait à nouveau l’amour en répétant qu’il mentirait mille fois plutôt que de me perdre et qu’il m’aime. Heureuse mais toujours inquiète, je m’endors difficilement, sa tête reposant sur ma poitrine.

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