De la gnole à la torgnole.

2 minutes de lecture

 Allez patron, remets-moi une rasade. J'en ai marre de lustrer avec mes coudes le comptoir de ce rade. Je suis détrempé, imbibé, alors que depuis toujours j'évite la baignade. Sauf que les verres s'enchaînent et moi je suis sous la cascade. Pour mes songes, vient de commencer une sacrée cavalcade. Dans ma tête, il n'y a plus aucun ordre, c'est la débandade. J'ai le cervelet en bouillie, pâteux comme une brandade. Si je reste là, je vais m'enraciner, c'est l'heure de la cavalcade. Cette nuit c'est décidé, je pars en croisade.

 J'me lève, j'glisse puis j'tombe. Qui a inversé la gravité ? J'emporterai pas ça dans ma tombe. Rien de cassé, bégnine est la gravité. Mais les rires fusent autour de moi, c'est l'hécatombe. Bordel, elle me dégoute cette musicalité.

 Un chœur de moqueries qui m'amoche. Résonne avec les trompettes de ma caboche. Tout va bien, tout est moche. J'suis le roi de la débauche. Les mains enfouies dans les poches. J'suis le dernier des poch'. J'retrouve ma confiance, sortir c'est fastoche. J'passe la porte vitrée, les sonnes clochent.

 Finies les vapeurs, voilà enfin d'l'air. Dans mon crâne tout s'accélère. J'ai bu trop d'verres. Incapable de faire des vers. J'ai la vodka pour seule atmosphère. C'est comme ça que j'm'aère. Contre ma modération j'déblatère. Me revoilà à terre. Pour me relever, j'galère. Sans rame ni pagaie, je gigote comme un ver. Je me hisse pas fier. Où c'est chez moi, devant ou derrière ?

 Ma ville c'est un labyrinthe. Mes souliers j'éreinte. Alors que l'alcool me berce de son étreinte. Gentiment, mon âme s'est éteinte. Comme toutes les lumières, normalement d'astreinte. J'suis loin de la sagesse, elle est presque hors d'atteinte. Main dans la main avec ma pote l'absinthe. J'ai noyé toutes formes de complainte. De tous mes pores la culpabilité suinte.

 Je me perds dans cet infini dédale. J'en peux plus de fouler les dalles. Avec l'effort vient la dalle. J'dois faire vite, avant que j'm'étale. Cette chasse aux trésors est déloyale. Voilà qu'arrivent des créatures phénoménales. Je les connais, ce sont des cannibales. Les as du procès-verbal. Il faut vraiment que je détale. Pour ces minotaures, je suis un vandale. S'ils m'attrapent, je vais prendre des mandales. Comme pour Thésée, ma présence dans ces étroites rues est illégale. Je cours, je cours, je perds mes sandales.

 J'échappe enfin à mes prédateurs. Comme Dali j'me perds dans les heures. Devenues flasques et molles comme du beurre. Je trébuche et m'écrase avec lourdeur. Encore victime d'une farce de l'apesanteur.

 J'me remets debout. Je suis un océan, l'estomac plein de remous. Il enrage et expulse cette ignoble gadoue. J'suis toujours debout. Toujours rébou. Je titube dans la boue. Qui me dira où j'erre, je vais où ? Du chemin enfin j'aperçois le bout. Mais me voilà devenu mou.

 Trouver la serrure est une victoire. Plus que quelques marches, je peux y croire. Je ne dois pas choir. Fini le désespoir. J'ai retrouvé mon douillet tiroir. Tant mieux, car complet est le noir. Mon esprit ravagé et mon foie devenu une passoire.

Allez, bonsoir.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire EruxulSin ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0