Chapitre 61B: août - octobre 1812

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En septembre, nous laissâmes Pierre-Jean, onze mois, aux bons soins de Jeanne, et nous quittâmes Rouen pour un séjour bien mérité à Criel-sur-mer, dans la maison de ce confrère. Tout se déroula bien, et le soleil fut au rendez-vous en ce mois tiraillé entre les pluies de l'automne proche et la chaleur qui pouvait persister de l'été précédent.

Le deuxième jour, Louise-Marie s'essaya à la cuisine avec sa soeur, mais cela dégénéra en conflit. Décidément, ces deux-là s'entendaient comme chien et chat !

  • Mets 200 grammes de farine. Non pas comme ça Louise-Marie. Je te montre. Je te montre !
  • Non, laisse moi faire toute seule. Grand-mère ! Alice elle m'embête, elle me laisse pas verser la farine.
  • Alice, laissez votre soeur se débrouiller.

Frédéric lui, fut pendant le séjour obligé d'abandonner le chiffon qu'il avait prit l'habitude de suçoter pour se rassurer. C'est son père qui le força.

  • Frédéric? Je vous vois encore une fois avec cette sape et j'annule toute mes démarches pour vous inscrire au Prytanée.

L'enfant supplia, mais il n'y eut pas de discussion posssible. Le chiffon termina au fond du puits.

Nous profitâmes de l'océan, où les trois enfants, dont Alice, s'amusèrent comme des petits fous, à jouer dans le sable et les pieds dans l'eau saline pendant des heures, avec leurs grands chapeaux et leurs robes qui volaient au vent.

Nous allâmes pêcher moules et crevettes à marée basse, sur les glissants rochers de Criel sur mer. Louise-Marie suivait son frère comme son ombre, tandis qu'Alice restait près de moi, les parents ayant souhaité rester à la maison, peu hardis a de telles aventures, où je manquais d'ailleurs plusieurs fois de tomber. Les seaux achetés chez un petit marchand du coin se remplirent vite d'eau de mer sableuse, de minuscules crevettes et de moules arrachées aux rochers. Louise-Marie m'interpella, penchée vers un trou dans la roche.

  • Grand-mère, venez vite !

Je tentais de ne pas glisser et détremper le bas de ma robe en parvenant jusqu'à elle.

  • Qu'avez-vous donc trouvé?
  • Une bête à pinces, mais elle a disparu.
  • Un crabe? Ils ne se laissent jamais attraper et ils font très mal. Frédéric arriva vers nous en riant.
  • Que se passe t-il garçon ?
  • J'ai vu une dame glisser...
  • Cela vous ferait - il plaisir si l'on se moquait de vous dans une pareille situation?

Il baissa les yeux, et vexé, s'excusa.

C'est Alice qui m'interpella bientôt.

  • Pourquoi papa et maman ne sont - il pas venus avec nous grand-mère?
  • Ils n'en éprouvaient pas l'envie, tout simplement. Rejoignez donc votre frère et votre soeur dans leur pêche.

Nous rentrâmes après que Frédéric ait mouillé le derrière de son pantalon en glissant. Sa grande soeur Louise-Marie se moquait.

  • On aurait cru qu'il avait uriné sur lui !
  • Vous êtes bien moqueuse. Rentrons donc.

Louise - Marie regarda longuement au fond de son seau.

  • Que doit t-on faire de nos crevettes?
  • Je propose que vous rentriez avec pour les montrer aux parents et que nous revenions pour les relâcher. Qu'en pensez - vous?

Alice haussa les épaules. Elle tenait de sa mère par sa discrétion et son manque d'enthousiasme permanent. A la maison, Marie parût complètement désinterressée, au point de partir en voyant les enfants arriver, tandis que Léon-Paul y montra plus d'intérêt, en expliquant notamment aux enfants les bienfaits de l'air marin pour guérir certaines maladies pulmonaires, telles que la tuberculose. Nous relachâmes toutes les petites bêtes dans les rochers avant de retourner dans la grande maison généreusement prêtée.

Le soir, au coin du feu attisé par Léon-Paul, nous jouâmes à un nouveau jeu appelé le '' Mikado'' qui consistait a extraire un bâton de son enchevêtrement sans faire bouger celui-ci. Mon fils prenait tout très au sérieux, ce qui ne rendit pas le moment désagréable pour autant.

A notre retour à Rouen, Pierre-Jean avait de la fièvre. Mais heureusement, Jeanne s'était occupé de lui comme une mère, et si bien gardé la maison.

Nous fêtâmes avec joie la première année du petit Pierre-Jean, le dimanche quatre octobre 1812, en présence de toute la famille, dont Jeanne, notre bonne depuis presque quatorze ans. L'anniversaire tombait normalement le vendredi deux, mais Léon-Paul travaillait et le dimanche était à la fois le jour du seigneur et de la fête. L'enfant ne marchait pas encore, ses pieds tordus l'en empêchant pour l'instant, et les seules chaussures qui lui aurait permis de marcher, épaisses aux semelles de bois, devaient être fabriquée sur mesure, à partir seulement de cinq ou six ans. Lors de ses bains ou du changement de langes, je lui massais et remettais en place ses pieds, mais cela le faisait pleurer à chaque fois.

Le départ de Frédéric pour le Prytanée se préparait de plus en plus intensément, la rentrée des pensionnaires s'effectuant le onze de ce mois. Ce jour étant un lundi, son père payerait un cocher et un page pour l'accompagner jusqu'à La Flèche. Le trousseau n'étant pas fourni, il fallait rajouter six cent francs dans ce que l'enfant devrait apporter le jour de la rentrée.

Quelques jours avant qu'il ne parte, Louise-Marie offrit un joli bracelet à son frère, que je dû lui retirer, le patriarche ayant décreté que cela féminiserait trop son fils.

C'est seule que Louise-Marie, petite brune de onze ans, effectua sa rentrée, le lundi cinq octobre, sa soeur aînée de treize ans ayant à la fois terminé son éducation religieuse et acquis l'âge de nous aider régulièrement aux tâches ménagères, comme nettoyer les sols, frotter les vitres, étendre le linge ou préparer la soupe. Sans aucun enthousiasme, Louise-Marie s'engouffra dans la foule de jeunes filles de six à quatorze ans, comme elle le faisait chaque mois d'octobre de chaque année depuis cinq ans.

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