Chapitre 60B: septembre - novembre 1811

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A trente-sept ans, ce dernier enfant semblait symboliser la ligne d'arrivée d'un long parcours d'épouse, éreintant, fait de cinq grossesses et autant d'accouchements. Encore une fois, nous ne pûmes pas partir à la mer ce mois de septembre, pour cause d'incompatibilité d'humeurs de collègues. Bobet et Bellencontre avaient du mal à s'entendre, en ce moment, et nous en faisions les frais.

Les trois enfants Aubejoux, âgés respectivement de neuf, dix et douze ans, posèrent pour un peintre engagé par Léon-Paul, un jour de septembre, tandis que je commentais le travail de l'artiste avec Jeanne et que Marie se reposait, à huit mois de grossesse. Nous récupérâmes la toile une semaine plus tard, plutôt réussie, et Jeanne l'accrocha dans la chambre conjugale.

Les premiers occupants des immeubles derrière chez nous pendirent leur crémaillère à la fin du mois de septembre, nous les entendîmes avec leurs invités et les enfants bruyants.

Un de nos nouveaux voisins nous rendit visite, par la même occasion. Comme Léon-Paul ne répondait pas présent, encore au travail, nous l'invitâmes tout de même à boire un verre de vin.

  • Vivez-vous dans les nouveaux immeubles construits derrière?
  • En effet, nous venons d'emménager avec mon épouse et mon fils. L'endroit est tellement calme...

Informée au cinquième mois, j'eu l'impression que la grossesse de Marie n'avait duré qu'une poignée de semaines. Au soir du deux octobre, les premières douleurs intense arrivèrent, et en quelques heures seulement, dans la nuit du deux au trois, un petit garçon naquit.

Une naissance bien plus facile et rapide que pour Pierrette, qui avait mit près de vingt heures à naître. Les pieds à l'envers, il commençait mal sa vie. Léon-Paul l'examina, et ce n'était pas beau, ces pieds repliés sur l'intérieur, bots, dans le jargon. Une opération existait, avec un risque d'amputation élevé. Il valait mieux d'attendre l'âge adulte pour cela. Je m'inquiétais pour ce petit.

  • Marchera t-il un jour?

Léon-Paul n'avait pas l'air inquiet, mais il l'était sans doute, derrière ce masque.

  • Oui, avec quelques difficultés mais ce genre de cas est très courant, et généralement, les enfants atteints acquisent la marche vers deux ans, deux ans et demi tout au plus.

Je comptais laisser la surprise du sexe à Frédéric et aux filles, encore à la maison pour quelques jours. Au lendemain, tandis que le nouveau-né dormait dans son berceau récupéré à la hâte par Léon-Paul, les minuscules poings fermés, ses soeurs et son frère lui rendirent une petite visite. Louise-Marie le promenait dans ses bras, et je pu annoncer la bonne nouvelle à Frédéric, assis sur le lit près d'Alice. L'enfant trépignait, et j'aimais le voir mariner.

  • Devinez quoi Frédéric... C'est un garçon !

Il me sauta dans les bras, trop heureux de voir son avenir s'éclaircir.

  • Je vais au Prytanée ! Je vais au Prytanée !

Encore fallait-il que l'enfant survive à sa première année.

Frédéric, assez âgé pour tenir ce rôle qui l'emplissait de fierté, fut désigné parrain du petit. Et c'est ainsi que le quatre octobre, Léon-Paul s'en alla déclarer à la mairie le nouveau-né sous les prénoms de Léon, Frédéric, Pierre-Jean, qui deviendrait son prénom usuel. Le baptême devait avoir lieu le dimanche treize octobre 1811, en la présence de Auguste, mon neveu, invité pour l'occasion.

Sa fille de maintenant douze ans, Marie-Léonie, vivait toujours chez sa grand-mère maternelle, tandis qu'Auguste fils, seize ans, travaillait au cabinet à ses côtés. Ils habitaient donc tous les deux dans la grande maison acquise il y a plus de vingt ans, au moment du mariage avec Alice.

Louise-Marie et Alice retournèrent au pensionnat le lundi précédant le baptême, soit sept octobre. La plus jeune ne présentait plus aucune difficulté à y retourner, comme c'était le cas au début.

C'était l'avant-dernière rentrée pour Alice, puisqu'en octobre de l'année prochaine, elle ne retournerait pas là-bas. A partir de treize ans avait décrété mon fils, son apprentissage se ferait à la maison.

Pour le baptême, nous nous mîmes tous sur notre trente et un, et je tenais dans mes bras Pierre- Jean et sa longue robe blanche pendant le court trajet vers l'église, la voiture conduite par mon fils. A notre soulagement, Marie s'était bien remise de ses couches, et accompagnait plutôt passivement le cortège. Jeanne était restée à la maison pour finir de préparer le repas. Tout se passa parfaitement bien, le petit ne pleura même pas lors de l'onction et c'est sous une pluie battue par le vent que nous rentrâmes à la maison, pour dîner, avec Auguste et son fils Auguste.

Il nous expliqua notamment entre deux gorgées de vin que sa soeur Malou avait promis de venir le voir il y a deux mois, et qu'elle devait arriver pour la fin du mois d'octobre ou novembre. Je ne dissimulais pas ma joie, d'enfin pouvoir espérer revoir ma chère nièce, absente de ma vie depuis sept ans. J'imaginais comme son petit dernier Gilles devait avoir grandi, à peine un an la dernière fois que je l'avais vu, sept aujourd'hui, sans doute déjà au lycée.

Frédéric adorait son petit frère, gageur de son avenir mais aussi minuscule occupation après l'école. Une fois rentré vers seize heures, il montait à l'étage et venait assister aux soins à mes côtés.

  • N'auriez-vous donc pas des leçons à connaître pour l'école?
  • Si grand-mère, mais dans cinq minutes je vous en prie. Je voudrais câliner Pierre-Jean.
  • Embrassez-le et filez faire vos devoirs.

Frédéric donna un bécot au tout-petit et retourna vers sa chambre, sérieux.

Le deux novembre, jour du soixante-cinquième anniversaire de ma défunte soeur, Pierre-Jean eu un mois, une petite victoire.

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