Chapitre 58G: décembre 1809 - janvier 1810

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Je remontais précipitamment, en renversant la moitié de l’eau sur le parquet. Dans un ultime espoir, nous y plongeâmes furtivement la tête du nouveau-né. Le miracle du premier cri, même faible, se produisit alors, et je tombais presque par terre, de soulagement. Marie ronflait, les jambes étalées sur ses draps pleins de sang, elle n’aurait jamais le souvenir de l’arrivée mouvementée de sa fille. Après son premier bain, maillage ample et petit bonnet, la sage – femme la déposa délicatement dans son berceau. Elle nous quitta ensuite. J’entendis Léon – Paul lui dire au revoir au rez de chaussée, et monter les escaliers. Il pénétra délicatement dans la chambre, frappant deux coups à la porte ouverte.

— Tout va bien ?

Moi aussi épuisée, je ne me levais même pas pour mon fils.

— Maintenant oui. Mais nous avions bien cru qu’elle serait morte – née.

— Ah ? C’est une fille…

Il se pencha simplement sur le nouveau – né, avant de me souhaiter le bonsoir. La petite fille avait, en plus d’une tâche rouge sur le front, les cheveux, cils et sourcils rares et roux et la peau blanche.

Ce n’est que le lendemain, dimanche trente et un décembre, que les visites auprès de la petite s’annoncèrent, à commencer par son frère, qui trépignait, encore en robe de nuit. Il dû cependant attendre devant la porte, que Jeanne ne termine d’aérer complètement, de changer les draps souillés, et moi de nettoyer les fesses de la petite, de ces premières selles collantes et écœurantes. Quant à Marie, Jeanne l’avait lavée au gant de toilette dès son réveil ce matin, et nourri avec consistance, car elle paraissait encore faible.

Dès qu’il en reçu l’autorisation, Frédéric couru vers le berceau, où il n’eut même pas besoin de monter sur le lit pour apercevoir le nouveau – né, et lui accorder un petit baiser. A sa première question qui concernait le prénom, évidemment essentielle, nous ne sûmes trop quoi répondre.

— Vous demanderez ce soir à votre père. Pour l’instant, elle est encore anonyme.

Il vint s’asseoir sur le lit.

— Que veut dire anonyme ?

— Qu’elle n’a pas de nom, ou alors qu’on ne souhaite pas le divulguer.

Le matin, Léon – Paul étant parti pour la journée avec un collègue, je m’en allais seule à la messe avec Frédéric, sans doute pour la première fois. Une fois cette sortie dominicale effectuée et le dîner avalé, il se mit à faire des allers – retours entre le salon, sa chambre et celle de ses parents, toute l’après – midi durant, visitant sa sœur, retournant lire ses prières, descendant piquer un biscuit, remontant voir sa sœur, et ainsi de suite. Le soir, lorsque Léon – Paul rentra de son excursion pourtant débutée sous le soleil, Frédéric regardait encore la grêle frapper la fenêtre, le visage collé à celle – ci. Le père, tout dégoulinant, déposa sa malle et retira ses chaussures boueuses, pour de plus confortables chaussons, récemment achetés.

— Ah je vous dis. Frictionnait – il ses boucles de la serviette. Quel temps à boire debout !

Je m’interrogeais cependant.

— Dites… Quand irez – vous à la mairie déclarer la petite ?

— Demain. Je préfère attendre que la grêle passe pour la sortir.

Le lundi premier janvier, vers huit heures, Léon – Paul prit sa fille dans ses bras pour la première fois, et monta dans la voiture de Pierre Bellencontre, qui serait témoin et bientôt le parrain, pour rejoindre la mairie. Il avait aussi prévu de passer à l’église pour conclure avec le prêtre d’une date de baptême dans le courant du mois de janvier.

Il nous la ramena quelques quarante minutes plus tard.

— Ils ne se fatiguent plus les officiers, tout est pré – imprimé sur les actes, ils n’ont plus qu’a remplir les trous.

Marie bailla.

— Et oui, ça faisait huit ans que tu n’avais pas été à la mairie déclarer un enfant. Rouen se modernise.

Enfin, nous pûmes nommer celle qui partagerait désormais notre vie, nous l’espérions pour longtemps. Pierrette pleurait beaucoup, ayant apparemment du mal à prendre le sein de sa maman, qui pourtant, avait toujours réussi à allaiter sans problème ses précédents enfants. Lorsqu’elle se tortillait et pleurait aigu, signe de colique, j’avais appris à Jeanne à la promener sur son avant – bras pour soulager son ventre.

Le père n’ayant pas les moyens d’engager une nourrice à domicile et étant hors de question de l’envoyer à la campagne loin de nous, nous dûmes contraindre l’enfant à téter, au moins jusqu’à ses trois mois.

Ce mois de janvier, nous reçûmes un curieux faire – part. Alors que je n’avais pas vu ma belle – fille Gustavine depuis cinq ou six ans, je me surprenais de lire mon invitation au vin d’honneur pour le mariage de Jacqueline, sa fille aînée. Les noces se dérouleraient le quatorze mars, en l’église Saint – Roch de Paris. Il me serait sans nul doute impossible de m’y rendre, mais je me trouvais heureuse de savoir la famille Marcel encore sur Terre, et surtout qu’elle ne m’avait pas oublié.

Le baptême de Pierrette fut célébré le dimanche quatorze janvier, et Frédéric, malgré le fait qu’il n’ait pas encore reçu son aube mais parce-qu’il connaissait le prêtre, eu le privilège de tenir le calice contenant l’huile sainte lors de l’onction. Parce-qu’il faisait particulièrement froid dehors et dans l’église, père Paul, malgré les réticences de Léon – Paul, n’immergea pas Pierrette dans l’eau bénite, mais il lui versa sur la tête par trois fois. Son parrain, Pierre Bellencontre, était présent, ainsi que sa marraine, Anne Houigot, que je ne connaissais pas. Nous rentrâmes ensuite à la maison, Marie nous avait accompagné, s’étant bien remise de ses couches.

Sa fille perdait ses cheveux roux par touffes, lors des bains, des habillages, et le berceau s’en trouvait parsemé. Sa tâche rouge ne disparaissait pas, mais Léon – Paul nous assura qu’on ne pouvait rien y changer, que seul le temps pourrait y faire. La naissance changeait notre quotidien, car un saut en arrière s’était imposé, avec le retour des langes à laver, des cris nocturnes, des tétées et des promenades avec un tout – petit dans les bras.

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