Chapitre 54C: juillet 1805

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Un peu plus tard dans l’été, alors que nous passions la soirée tranquillement devant la cheminée éteinte, toujours durant les périodes de chaleur, la petite Alice, qui veillait mieux maintenant, et assise sur mes genoux, réclama d’apprendre à lire et écrire, car elle se disait lassée de ne pas comprendre le monde qui l’entourait. Son père, les yeux rivés sur ses traités, les releva à peine pour répondre à sa fille, de cette voix grave mais sans sévérité.

— Tu apprendras tout ce qu’il faudra à Saint– Jean-Baptiste. En attendant, monte donc voir ta sœur pour lui dire de se taire. Elle m’agace avec sa petite voix aiguë.

Je me levais en adressant quelques mots à mon fils sur un ton légèrement agacé.

— Peut – être a t-elle besoin d’aide Léon – Paul. Elle n’a que quatre ans.

J’allumais une bougie pour y voir un peu clair dans la chambre des enfants, tout en faisant attention de ne pas réveiller Frédéric. Assise sur son lit, la petite fille s’appuyait sur le bas du ventre.

— Veut faire pipi…

Pour ne pas risquer de réveiller son frère et parce que Jeanne après l’avoir vidé n’avait pas ramené mon pot dans ma chambre, je l’accompagnais jusqu’à celle de ses parents. Après avoir reçu l’autorisation depuis l’autre côté de la porte, nous entrâmes à pas de loups pour laisser Louise – Marie se servir du pot d’aisance. Cependant, l’enfant préféra visiblement aller se faire câliner auprès de sa mère qui se reposait sur son lit. Je fis la grimace.

— Eh bien ? Pour quelqu’un ayant une envie pressante, vous êtes bien tranquille. Allez, soit vous faites maintenant, ou alors vous retournez dormir et je n’entend plus parler de vous jusqu’à demain matin.

Louise – Marie réitéra son envie, alors sa mère se pencha difficilement vers l’alcôve fermé par une petite porte située en bas de sa table de chevet, pour y attraper l’objet. J’aidais la petite fille à ne pas laisser tremper sa robe de nuit pendant ses besoins, et après des bonsoirs a Marie, je la reconduisit jusqu’à sa chambre.

Comme tous les étés, les enfants s’amusèrent dans le jardin ‘’infini’’, surtout Louise-Marie et Frédéric, qui n’en avaient encore jamais vraiment profité tous les deux, le petit garçon étant encore un peu trop jeune l’an passé. Jeanne, pour les divertir et les rafraîchir, eu l’idée d’acheter et d’installer un petit baquet sous l’arbre qui ombrageait encore suffisamment l’endroit. Les trois enfants Aubejoux rirent de bons cœurs en s’éclaboussant, remplissant et vidant les bocaux à confiture et observant leur mère faire flotter les coquilles de noix soigneusement récupérées par Jeanne, sans trop de difficulté car ce petit fruit sec était depuis un certain temps devenu la principale source de grignotage de la maison.

— Regardez les enfants, nous aimions beaucoup ce jeu avec mon frère et mes sœurs. Hop, vous avez vu, la coquille flotte comme un petit bateau. Et si je souffle dessus…

Alice leva les bras au ciel en s’exclamant toute heureuse.

— Elle navigue comme les voiliers que grand-mère nous avait fait voir la dernière fois ! Je peux essayer maman ?

Marie lui tendit sa coquille de noix.

— Bien sûr, vas - y. Nous jouions aussi au jeu du ‘’Caillou qui fait déborder le vase’’. Écoute Alice, même si ta sœur semble encore trop petite pour y participer, le principe est de mettre tour à tour une petite pierre dans un pot flottant sur l’eau, et celui qui le fait couler est le perdant.

Jamais ne me serait venue à l’idée une quelconque lassitude de les regarder patauger nus pieds dans les flaques laissées sur le gazon jauni et sec, rires de toutes leurs dents, et vivre leur enfance, coiffées de chapeaux tressés par Jeanne et nous – même, habillés seulement d’une robe légère chacune et pour Frédéric d’une chemise et de son pantalon de la semaine. J’appréciais, car Alice prenait part aux jeux de son frère et de sa sœur, sans paraître laissée pour compte, en effet souvent mise de côté dans le petit clan formé par Louise – Marie et Frédéric.

Nous aimions flâner dans la ville devenue sensiblement plus calme en ces périodes de chaleur, passer saluer la famille Meursault, et emmener avec nous Marie – Léonie, histoire de la libérer quelques heures de chez elle pour qu’elle puisse s’amuser avec Alice. Les relations avec sa belle – mère s’avéraient compliquées, car si au début, d’après ce que nous avions compris, celle – ci cherchait à ce que la petite fille l’appelle ‘’ maman ‘’, aujourd’hui, les choses avaient été inversées, car elles s’étaient avérées plus complexes que prévu, dans le sens où Marie – Léonie recherchait une affection, une attention maternelle particulière auprès d’Élisabeth, que la jeune femme n’était finalement pas en mesure de lui accorder.

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