Chapitre 53F: décembre 1804 - janvier 1805

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Voyant que la nourrice ne descendait pas de sa chambre devant les pleurs de Gilles, six mois, Malou alla le chercher elle – même et me proposa de donner lui donner son biberon. Il piqua du nez à la moitié, bercé par le crépitement du feu de cheminée. Très tôt le lendemain matin, de l’agitation me sortit de mon sommeil. En descendant avec ma petite – fille prendre mon déjeuner, je pus saluer Louison, dite madame Bertin, la sœur aînée de Armand, et ses quatre fils venus tout droit du Pays – Basque, sans le père de famille, Joseph, qui travaillait. Louis, Abel, Victor et Camille-Joseph s’installèrent à table avec leur mère comme si ils connaissaient la maison par cœur, ce qui était un peu le cas. Malou émergea bientôt de son sommeil et descendit embrasser sa belle – sœur dont la ressemblance avec Armand me parut troublante. Nous passâmes ainsi la journée en leur compagnie, avant d’être rejoint le soir même par Laurence dite madame Fournier, la cadette, et ses deux fils Pierre et Laurent, qui venaient plus souvent ici, car ils habitaient à Bordeaux même.

Le vingt – trois, Bernard et Amand retrouvèrent pour quelques jours leur foyer et leurs parents après plus de deux mois d’absence, de longues embrassades surtout avec la maman s’en suivirent.

Au soir du vingt – quatre, après la messe de minuit à laquelle la petite famille se rendait tous les ans avec ferveur en l’église Saint – André de Bordeaux, chaque enfant se signa et déposa devant la crèche de Noël un biscuit et un verre de lait, pour remercier le bon Dieu de ses bienfaits de toute l’année. Pour ce Noël 1804, ce fus Marie – Laurence, toute fière, qui pu déposer pour la première fois de sa vie le petit Jésus dans son berceau d’argile. Le lendemain midi, une fois les petits nourris avant pour éviter tout un tas de dérangement, tous les adultes mangèrent ensemble autour d’une dinde aux marrons préparée par Berthe, la cuisinière de la maison, et d’une tarte aux pommes en dessert. Bien entendu, le vin coula à flots, car Armand en recevait souvent une ou deux caisses de propriétaires qui payaient souvent ainsi les intérêts de leurs crédits. Marie regarda ma nièce se servir un fond de verre.

— Vous buvez de l’alcool Marie – Louise?

— Ça m’arrive, pour terminer les repas. Oh vous savez, quand vous êtes l’épouse d’un bordelais, vous ne pouvez pas vraiment y échapper. A notre mariage, je ne sais pas si vous étiez là…

— Non, continuez.

— Eh bien ils m’ont rendue complètement saoule. Hein Armand ?

Il détourna la tête de sa conversation.

— Que dis - tu ?

— Je disais à Marie que vous m’aviez fait boire à danser sur la table, le soir de nos noces.

— Ah oui, je m’en souviens. Nous étions bien frais, le lendemain, je vous assure que c’était quelque chose…

Malou souriait à Marie.

— Je vous rassure, je n’ai plus jamais autant bu depuis ce jour – là.

Le soir même, Laurence et ses deux fils nous quittèrent pour reprendre la route vers le Pays – Basque. Bernard et Amand durent repartir l’après – dîner suivant, et si l’aîné de neuf ans et demi, habitué depuis deux ans à ces visites et aux séparations qu’elles incombaient, n’éprouva pas de difficulté particulière, pour son cadet de sept ans et demi, ce fus tout autre chose.

— Allez Amand. Tu nous retrouveras l’année prochaine, tu sais, en avril ?

— Maman… Maman… Je veux rester avec vous…

Son père, tendre, mais qui avait d’après Malou une sainte horreur de perdre son temps, attrapa le petit garçon par la taille pour aller l’asseoir dans la voiture et le pria de bien se tenir, lui qui pleurait à chaudes larmes. Son grand frère s’installa près de lui et tenta de le consoler, jusqu’à ce qu’ils partent. Malou avait l’air bouleversée.

— C’est bien une des seules choses que je reproche à mon mari. Son impatience. Parfois, quand nous devons partir à la messe dominicale et que Madeleine ou moi faisons exprès de laisser les jumelles mettre leurs chaussures seules pour les autonomiser, il ne peut s’empêcher d’intervenir car ce temps perdu l’agace. Bien sûr, je passe le cas où elles ont été mises à l’envers et qu’il faut recommencer. Bref…

Nous passâmes le nouvel – an 1805 avec Louison et ses quatre fils. C’était la toute première fois de ma vie que je le fêtais hors de chez moi. Le deux janvier, la petite famille rentra chez elle, et nous laissa reprendre le cours normal de notre existence. Trois fois par semaine, aidée des nourrices, Malou donnait le bain à ses enfants. Tout cela restait très codifié, puisque le lundi on s’occupait de Marie – Laurence et de Marie – Camille, qui logeaient encore toutes les deux dans le grand baquet, le mardi on remplissait la cuve pour Marie – Louise qui se lavait seule du haut de ses quasi – six ans, et le mercredi c’était au tour de Marie – Augustine, qui ne supportait déjà plus de partager son eau. C’était une de ces semaines où Marie – Camille avait été atteinte aux bronches, ce qui arrivait fréquemment, surtout en hiver, et où son bain avait été repoussé jusqu’au mercredi. Par gain de temps, la nourrice dû se dire que sa sœur ne rechignerait pas pour une fois et aussi elle décida de baigner les jumelles ensemble. Dès l’instant où elle comprit ce qu’il devait lui arriver, où elle se retrouva dans la chambre avec sa sœur jumelle, Marie – Augustine se mis à crier, et à pleurer. Alertée, sa mère monta quatre à quatre pour aller voir ce qu’il se passait. Je demeurais hébétée. Ma Malou, si tendre, adorable et affectueuse avec ses petits, donnait des coups de pied à sa fille, qui paraissait plus agressive que jamais, peut – être justement contre sa mère.

— Lève – toi sale gamine ! Lève – toi bon sang !

L’enfant, remise debout, la fixait avec un regard de défiance effrayant chez une petite fille de cet âge. Elle resta stoïque devant les paroles douloureuses, pendant qu’on la secouait comme un prunier.

— On n’en peut plus de toi Marie – Augustine ! Tu nous pèses ! Comprends – tu?! Maintenant rhabille – toi et va faire un tour dehors ! Allez !

A quatre ans et demi, elle en faisait déjà voir de toutes les couleurs à ses parents. Ma nièce l’envoya d’un autre coup de pied hors de la pièce, referma promptement la porte et s’assit sur le lit, pendant que la nourrice baignait l’autre jumelle.

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