Chapitre 53C: octobre 1804

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Une fois de retour à la maison, je ressentis le besoin de m’isoler. Ma belle-fille me rejoignit dans ma chambre.

— Ne voudriez – vous pas descendre avec nous ? Armand nous raconte des anecdotes, c’est assez distrayant.

— Peut – être plus tard, mais en attendant, je réfléchis.

Marie redescendit et puis ce fus ma nièce qui monta me voir, comme si je me trouvais souffrante.

— Que vous – arrive t-il ?

— Allez donc avec eux, je vous rejoins.

— Vous savez, ce qu’il raconte, je le connaît par cœur. Qu’est – qui vous tracasse ma tante ?

— Élisabeth ne me paraît pas adaptée à Auguste. J’ai sérieusement peur pour la suite. Qu’en pensez – vous ?

—‘’ Je crois qu’il faut le laisser faire sa vie. Qu’il est assez intelligent pour savoir ce qui est bon pour lui. Vous savez, il est adulte, ce n’est plus un petit garçon. Sinon, je pensais que pour la réception du mois d’avril, qui n’est pas une surprise, Armand pourrait venir vous chercher en décembre ou janvier pour vous ramener à la maison. Seriez – vous d’accord ?

—‘’ Vous allez un peu vite mais cela me convient parfaitement. En revanche, Léon – Paul…

—‘’ Nous n’avons pas trouvé de solution pour qu’il puisses venir. Je suis désolée. Par contre, vous passerez trois ou quatre mois avec nous, cela ne vous dérange pas ?

—‘’Pas du tout, au contraire, depuis le temps que j’attends de pouvoir descendre sur Bordeaux ! Ce serait même plutôt à vous qu’il faudrait poser la question.

Ma nièce se pencha vers ma table de chevet, et lu ce qu’il y avait marqué sur l’urne de Camille.

— Eh bien ? Vous auriez quand même pu m’en parler !

— Je ne pensais pas que vous vous sentiriez concernée.

— C’était ma mère, et même si je ne l’ai presque pas connue, j’estime que j’ai un droit de regard sur ce qui la concerne. Auguste est au courant ?

Je hochais la tête. Elle quitta la pièce de son pas de colère. Une petite explication le soir avec Malou et son mari fit rentrer les choses dans l’ordre, j’avais juste fait cela pour pouvoir conserver les cendres de ma sœur, dans un intérêt général.

J’en parlais à Marie qui eu l’air convaincue du projet, même si la question d’emmener Frédéric se posa jusqu’au départ de ma nièce, avant lequel il nous fallut donner une réponse définitive, pour éviter les interminables et coûteux échanges de lettres. C’est mon fils qui trancha. L’enfant resterait au chaud à Rouen, avec Jeanne qui serait augmentée pour en prendre soin durant trois ou quatre mois, car il serait encore trop petit pour devoir subir un aussi long voyage, avec sa sœur Louise – Marie également, pour laquelle nous ne nous étions même pas posé la question, et pour laquelle Léon – Paul eut le même jugement. Armand viendrait donc nous récupérer avec la petite Alice au début du mois de décembre prochain. La hâte me rongeait.

Cependant, avant de partir pour ce qui serait probablement le dernier grand voyage de ma vie et le tout premier de Marie, qui n’avait encore jamais mis les pieds hors de sa Normandie natale, j’aurais voulu aller rendre visite à ma belle – fille Gustavine, dont je n’avais pas eu de nouvelles depuis près de quatre ans. Mon fils retourna les tiroirs de son bureau pour remettre la main sur le petit carnet sur lequel il avait il y a quelques années noté l’adresse de son collègue, Philippe Mesaubry.

—‘’ Alors… Mesaubry… Mesaubry… Si ils n’ont pas déménagé, ils habitent au logement numéro deux du treize rue de l’Hospice du Nord. A Paris je précise. Alors, toujours tentées ?

J’essayais de convaincre Marie, fébrile. Elle ne se sentais pas assez proche d’elle pour aller lui rendre visite. La dernière fois, elle m’avait déjà fait manquer la confirmation de Jacqueline, mais j’avais su passer outre, car nous les avions vu il y a peu de cela, mais cette fois, je ressentais un trop fort besoin d’aller voir cette femme que j’avais connu dans ses premières années, et qui restait la demie – sœur de mon fils, sa belle – sœur en quelque sorte.

Sur mon insistance et celle de Léon – Paul, elle accepta finalement de venir avec moi, sachant qu’elle ne serait pas toute seule et que Gustavine n’était pas non plus Gorgone. Comme nous avions maintenant l’habitude de le faire, mon fils nous déposa tôt le matin, en partant au travail, devant la Poste, et la voiture commune, dont les horaires demeuraient affichées sur la façade du bâtiment, arriva vers sept heures et demi. Toute la splendeur de Paris se mit à défiler devant nos yeux quelques heures plus tard, à mon plus grand bonheur. La jeune femme découvrit par la lucarne cette ville qu’elle ne connaissait jusqu'alors que par le bouche à bouche ou la presse hebdomadaire.

Déposées près des bâtiments en face du grand port, nous dûmes ensuite marcher longuement en tenant l’immense plan, passer devant les Tuileries, place Vendôme, frôler Montmartre, tourner, revenir sur nos pas, pour rejoindre épuisées mais soulagées le faubourg Saint – Denis, où non loin se trouvait la rue de l’Hospice du Nord. Nous pénétrâmes dans le treizième immeuble parmi ceux qui bordaient la rue, et nous nous arrêtâmes au deuxième étage. Les trois coups que j’assénais à la porte la firent trembler. Devant l’absence de réaction de l’autre côté, je réitérais, toujours en regardant Marie.

—‘’ Peut – être est t-elle absente…

Elle eu l’air de sourire.

—‘’ Ou ont-ils déménagés ? 

J’essayais de rester positive. Cela dû fonctionner, car au septième coup, on ouvrit enfin. L’expression de Gustavine demeura figée un instant, avant que je ne lui fasses la bise.

—‘’ Louise… Que faites – vous là ?

—‘’ J’avais envie de venir prendre des nouvelles. Le moment est inopportun ?

—‘’ Oh non. Enfin, je cuisinais. Entrez – donc.

Nous parlâmes un peu mais je sentis dès le début une lassitude, une fatigue peut – être, qui fit que je me mis à avoir l’impression de la déranger. Nous sûmes que Bernadette et Jacqueline étudiaient depuis cette année dans un couvent parisien, qu’elle était toujours mariée avec le docteur Mesaubry, mais que les deux enfants qu’ils avaient eu ensemble étaient morts en bas – âge, Jeanne deux mois avant son troisième anniversaire, et Gustave un mois après son premier anniversaire. Cela me fit un coup au cœur car mes petits – enfants demeuraient dans cette tranche d’âge et je ne m’imaginais pas les perdre. Elle nous fit bientôt comprendre que nous devions partir, en se levant pour aller rassembler ses vêtements et draps pour la lessive de cet après – dîner. Nous restâmes encore cinq minutes assises au salon, interrogées, gênées presque, avant d’aller chacune l’embrasser pour prendre congé.

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