Chapitre 52C: juin 1803

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Nous eûmes cet été-là des nouvelles de mon neveu, qui d’après Léon – Paul, n’était pas prêt de se marier avec Élisabeth Rochet, avec laquelle il venait de fiancer, car d’une part l’argent manquait et puis Auguste, et c’était la raison principale, avait exprimé le souhait absolu d’avoir sa sœur près de lui pour cette occasion. Il attendrait donc l’année prochaine, lorsque Malou serait disponible, pour célébrer le mariage, qui risquerait sans doute d’être perturbant ou un peu froid. A ma grande surprise, elle n’avait envoyé aucune lettre, ni même un petit billet, pour exprimer ses doléances vis à vis du drame, qui concernait sa famille proche. Je lui avais pourtant écrit il y a un ou deux mois mais j’attendais encore la réponse, qui avait peut – être été égarée par le service des Postes.

Ce fut d’abord Alice qui se retrouva couverte de boutons rouges en l’espace de trois jours, et puis, la théorie de mon fils sur la contagion de cette maladie se confirma vite, puisque sa sœur et son frère furent rapidement eux aussi contaminés, des pieds à la tête. La semaine et demie que durèrent les symptômes fut assez intense, car les épisodes de fièvre touchèrent toute la fratrie Aubejoux, en décalé nuit et jour. Alice, qui supportait le mieux ce mal, sautillait partout en dévorant son en – cas et se grattant au passage, tandis que Louise – Marie claquait des dents, toute transpirante dans son lit, et Frédéric hurlait dans la chambre, incommodé autant par ses poussées dentaires qui lui donnait des diarrhées, que par sa crise de varicelle, que nous n’avions pas toujours le temps de soulager par des bains frais et des massages.

Pour Marie, c’était compliqué car lorsque Frédéric ou Louise – Marie se calmaient enfin, et qu’elle aurait pensé pouvoir se reposer, Alice se mettait à avoir de la fièvre. Bien sûr, je la secondais énormément en journée, mais la nuit, parfois, je ne me réveillais pas ou alors la chaleur de mon lit me retenait sous les draps. Lorsque j’avais des remords, je relativisais en me raisonnant sur le fait que ce n’était pas moi la maman. Quand ses trois enfants avaient de la fièvre, Léon – Paul venait un par un les veiller, les rafraîchir et leur administrer son remède contre les diarrhées. La seule occasion pour ses enfants de recevoir un peu de tendresse de ce père sévère et peu affectueux. Heureusement, si tous ces maux n’étaient pas graves, ils se guérissaient en l’espace de quelques jours, une semaine au maximum.

Mon fils m’avoua craindre davantage pour Frédéric, car si le petit garçon de seize mois venait à nous quitter pour je ne sais quelles raisons, il aurait du mal à obtenir une énième grossesse de son épouse, qui avait déjà tiré un trait sur cette corvée douloureuse et pénible, estimant avoir suffisamment par quatre fois successives rempli ce devoir. Je ne sais si c’est ce problème qui constitua une nouvelle source de tension dans le couple, mais les cris et les coups reprirent sitôt l’épisode de la varicelle passé. Marie descendit avec un coquard un matin, elle déposa son fils aux joues toutes rouges sur sa chaise et attrapa la théière fumante sans rien dire. J’hésitais longtemps avant de lui adresser la parole.

—''Que s’est – il encore passé ?''

Elle eu l’air d’éviter ma question.

—''J’en ai ras le bol Louise de Léon – Paul. J’ai les idées noires à cause de lui.

Je bu une gorgée de thé brûlant.

—''A t-il seulement couché avec vous cette nuit ?''

—''Non, il s’est exilé dans la chambre vide au bout du couloir. Je ne veux plus de lui dans mon lit et ce sera définitif.

Elle demanda à ce qu’on fasses manger Frédéric qu’elle n’allaitait plus, et monta à l’étage pour s’habiller. Les deux petites, réveillées et préparées depuis longtemps, se chamaillaient sur le canapé. Je gardais l’œil sur elles.

—''Calmez – vous, Louise – Marie et Alice.''

Les fillettes se retournèrent chacune pour me regarder le menton appuyé contre le dossier.

—''Oui, c’est bien à vous que je parle. Tenez Alice, allez – donc me chercher la petite cuillère de Frédéric, dans votre chambre, sur le meuble à l’entrée.''

L’enfant descendit promptement du canapé et se mis à me fixer.

—''Pourquoi maman elle a l’œil multicolore ?''

Sa sœur de deux ans répliqua en riant.

—''Eya manyé un aque en ciel !''

—''Louise – Marie tenez – vous un peu je vous prie ! Et bien, quand on se fait mal, comme votre maman, on attrape une petite cloque qui change de couleur en fonction de l’humeur. Vous allez me chercher ce que je vous ai demandé ?

L’enfant revint bientôt avec le petit ustensile d’argent offert à son jeune frère par ses parrains et marraines lors de son baptême. Très fière de m’avoir rendu ce service, elle tint à nourrir Frédéric, qui refusa d’avaler ne serait – ce une cuillerée de la part de sa sœur, tournant la tête à chaque fois et râlant. Ça devait être moi, Jeanne, sa mère ou personne d’autre. Pas décidée à laisser passer ce caprice, je le descendit de la chaise en me penchant vers lui.

—'' Écoutez – moi bien Frédéric. Ce matin, j’ai décidé que ce serait Alice qui vous donnerait votre fromage blanc. Alors si vous persistez dans votre refus, je ne vous permettrait pas de continuer votre déjeuner et vous irez finir la matinée dans la chambre. Ais – je été comprise mon garçon ?''

Je le remontais dans sa chaise et sa sœur réitéra l’expérience. Il chouina encore mais il accepta finalement, affamé sans doute, d’avaler trois pauvres cuillerées avant de réclamer le gressin, que je lui refusa évidemment. Le petit gâteau aux céréales que je lui avais sorti retourna donc dans la boîte dédiée du placard, jusqu’au prochain déjeuner.

Marie, introuvable pour la promenade matinale, que j’effectuais donc avec les deux petites en laissant Frédéric à Jeanne, réapparu pour le dîner.

—''Où étiez – vous passée ? Je vous ai cherché partout.

Elle haussa les épaules avant de soupirer. Nous mangeâmes en silence comme d’habitude, mais Frédéric avait dû se réveiller de mauvaise humeur ce matin – là puisqu’il obligea sa mère à l’emmener dormir après qu’il ait d’un coup de main renversé son assiette par terre. Le soir venu, il passa à table avec une fessée de son père, à qui l’on rapportait toujours tout ce qu’il se passait pendant son absence et qui paraissait assez remonté et fatigué de sa journée.

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