Chapitre 51F: octobre 1802 - janvier 1803

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Nous avions gardé des températures estivales jusqu’à la fin du mois d’octobre, mais lorsque l’hiver fut là, nous ne pûmes guère l’oublier. Il faisait si froid que Marie ne sortait plus son fils, et lorsque nous allions nous promener jusqu’en ville avec Alice et Louise – Marie, j’avais l’impression d’avoir affaire à deux bonhommes de neige, tant elles étaient figées par l’épaisseur de leurs robes enfilées les unes sur les autres sous un manteau de laine. Ce jour de début décembre, après la fin du dîner et le départ de Léon – Paul après sa pause de midi qu’il prenait toujours en notre compagnie, nous laissâmes Frédéric avec Jeanne, et nous allâmes au rythme des petits pas de Louise – Marie jusqu’à la boutique de madame Fournier au centre – ville, qui cousait des vêtements selon son catalogue qui variait selon les saisons, et d’autres pièces à la demande. Marie sortit de sa besace le reste de l’argent qu’elle devait encore, puisqu’elle avait déjà payé la moitié lors de sa commande, et récupéra en souriant la robe qu’elle avait commandé alors qu’il faisait encore chaud, méticuleusement pliée dans un papier de soie. De retour à la maison, elle l’essaya et vint me voir pour que je lui donne mon impression, en grelottant. C’était une jolie tunique serrée sous la poitrine par un cordon tressé, légère et fleurie.

—''Alors ? Elle me va bien ? Se tourna t-elle sous tous les angles pour que puisse donner mon avis.

—''Oui. Mais… vous claquez des dents ? Ne soyez pas malade, allez donc mettre quelque chose sur vos épaules. Léon – Paul chauffe assez mais la maison ne garde naturellement pas la chaleur, c’est agréable en été mais beaucoup moins en hiver.

Elle s’en retourna vers sa chambre pour se changer, et poursuivit en s’asseyant sur mon lit.

—''Même si je ne pourrais la remettre avant le retour des beaux – jours, je suis satisfaite d’en avoir terminé avec les grossesses pour pouvoir m’habiller à ma guise.

—''Vous avez décidé de ne plus avoir d’enfant ?

Elle sourit en faisant le tour du lit.

—''Non. Après quatre grossesses successives en quatre ans, je crois qu’il est temps pour moi de me préserver.

La Saint – Nicolas et les fêtes de fin d’années se firent pour une fois sans la famille Meursault, déchiquetée depuis le décès d’Alice. Auguste fils, incapable pour l’instant de se remettre à ses études, avait quitté le pensionnat dans lequel il était inscrit depuis cette année pour aller vivre chez ses grands – parents avec sa sœur cadette, tandis que mon neveu habitait seul dans cette maison devenue trop grande et trop vide. Souvent, lorsque Marie s’inquiétait de ne pas voir Léon – Paul rentrer à l’heure habituelle, je la rassurais en lui disant qu’il était sûrement passé voir son cousin. Au fond de nous, nous avions tous peur qu’Auguste commette l’irréparable, et mon angoisse revenait à chaque fois que mon fils poussait la porte le soir.

—''Alors ? Se leva Marie du canapé.

Léon – Paul accrocha son manteau au patère et soupira en s’approchant d’elle.

—''Il est malade depuis quelques jours et ça n’a pas l’air d’aller en s’arrangeant. Je lui ai proposé de venir passer la fin de l’année ici, pour qu’il se sente moins seul, mais il a refusé. C’est dommage, Jeanne lui aurait préparé une chambre.

La nouvelle année qui s’annonça nous paru vide et triste. Notre petit Frédéric grandissait et venait d’avoir huit mois, mais il souriait si peu cependant que nous ne vîmes que tardivement les deux petites dents qui lui avaient poussé sur la gencive inférieure. Lorsque sa mère ou moi voulions lui faire du mignonnage, comme ses sœurs adoraient pendant le change, il pleurait et sauf quand Marie le mettait au sein puisqu’elle l’allaitait encore, il avait un mal fou à manger.

Il y eu quelques tempêtes de neige entre la fin du mois de décembre et le début du mois de janvier, et les dégâts furent importants, car en plus du matériel détruit, on dénombra quatre morts. Il n’était plus la peine d’écrire des lettres, car de nombreuses voitures de la Poste se renversaient sur les routes, - une notamment fus écrasée par un chêne déraciné - ou bien elles glissaient avec les chevaux dans les fossés à cause du verglas. Si il ne fallait pas forcément en tirer une généralité sur la période, des centaines de lettres n’arrivèrent ainsi pas, pillées par les bandits qui attendaient au tournant ces accidents, cherchant les liasses de billets que pouvaient s’envoyer des destinataires imprudents. C’est en revenant un midi de l’hôpital que Léon – Paul nous fis part de sa récente frayeur, un des chevaux avait dérapé sur les pavés humides du centre – ville, et la voiture avait bien manqué de se renverser.

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