Chapitre 50E: avril - mai 1802

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Le premier, c’est Alice, trois ans désormais, qui souffla d’un coup ses bougies, toute heureuse, tandis que le quatre, ce fut au tour de Louise – Marie d’être embrassée, pour son premier anniversaire. A chaque fois, leur maman se pencha vers l’enfant depuis son lit, pour lui enfiler un bracelet d’argent dont j’ignorais l’origine, sûrement familiale. Si elle ne s’était jamais déplacée à quatre pattes, Louise – Marie commençait à agripper les meubles pour se lever, sans encore avoir assez de confiance pour marcher sans aide. Je riais à la voir ainsi marcher de côté tant qu’il y avait un appui, et hésiter lorsqu’une porte ouverte se présentait, à s’asseoir prudemment en y mettant les mains pour ne pas tomber lourdement sur le derrière.

La suite du mois ne demeura qu’une éternelle attente. Chaque soir, lorsqu’il rentrait, mon fils montait voir son épouse pour s’enquérir de son état, en espérant de tout cœur qu’elle tienne leur enfant dans ses bras. Malheureusement, cela dû lui paraître interminable, puisque Marie n’accoucha que le mardi vingt – et un avril. J’assistais à la naissance et j’avais mal pour elle, étant moi aussi passée par là, pour la dernière fois il y a vingt ans exactement. L’enfant, lorsqu’il fus délivré, poussa un cri qui dû s’entendre à mille kilomètres à la ronde, précisément dans un soupir de soulagement de sa mère, exténuée. Bien portant, le petit mâle, une fois lavé et langé, fus présenté à ses sœurs, qui, accompagnées de Jeanne, purent le découvrir. Le soir, Léon – Paul tarda à rentrer. Je pense que le temps nous paru simplement long, car nous avions toutes les deux envies de présenter Léon – Paul à son fils, dont j’avais hâte de connaître le prénom.

Mon propre enfant n’exprima pas sa joie certaine d’avoir enfin vu naître ce fils qu’il attendait tant, mais je savais qu’il se projetait et que l’avenir s’éclaircissait pour lui, il avait son héritier, le nom se perpétuerait sur la génération prochaine, ses affaires, et ça, pour lui, je savais que ça valait tout l’or du monde. Pour à la fois faire plaisir à Marie qui avait beaucoup de mérite, et pour perpétuer les coutumes patriarcales, il lui donna les prénoms de Léon, Marie pour le placer sous la protection de la Sainte – Vierge, et Frédéric, qui devint son prénom usuel.

Lorsqu’il ouvrit les yeux, au bout de quelques jours, je fus époustouflée par leur beauté et leur singularité. D’un bleu acier profond, ils me foudroyèrent littéralement.

Son oncle Pierre et son grand – père François furent désignés comme ses parrains, tandis que deux des trois sœurs de Marie, Charlotte et Catherine, ses marraines. C’est ainsi qu’une partie de la famille de ma belle – fille fis exceptionnellement le déplacement, et leurs retrouvailles ponctuées de larmes. Charlotte et Catherine étaient venues seules, car Pierre et François ne pouvaient quitter leurs patients, mais non sans être accompagné d’une bonne nouvelle : l’aîné de la fratrie Gillain allait se marier le sept septembre prochain. Le jour du baptême, célébré le dimanche 2 mai, c’est Charlotte qui présenta l’enfant au prêtre, pour la plongée sacrée. Frédéric n’eut pas l’air d’apprécier son entrée dans la communauté chrétienne, et Alice, qui me tenait la main, s’en inquiéta.

—''Pourquoi Frédéric il pleure grand – mère ?

—''Eh bien car l’eau doit être un peu froide. Mais vous avez vu, votre tante Catherine le réchauffe avec la serviette.

—''Et moi? Demanda t-elle en levant les yeux

—''Eh bien vous aussi, vous avez été baptisée étant bébé. Vous aviez sensiblement le même âge que votre jeune frère.

—''Moi aussi j’ai pleuré ?

— ‘’ Écoutez, je n’ai pas la faculté de me souvenir d’aussi infimes détails, mais sans doute.

A la sortie de l’église, sous un soleil radieux, nous quittâmes Charlotte et Catherine, qui devaient attraper leur voiture passant à midi, au risque de ne pas pouvoir rentrer à Saint – Germain avant la semaine prochaine. Les au revoir furent douloureux pour les trois sœurs, mais elles savaient qu’elles se reverraient au mariage de leur frère, dans cinq mois.

Quelques jours plus tard, alors que je m’occupais des aînées à l’étage, Marie m’appela.

—''Louise ! Cela vous dérangerait de descendre un instant ?

Je la rejoignit avec Louise – Marie dans les bras, posait délicatement l’enfant, et attrapa la lettre que ma belle – fille me tendait. Après avoir terminé ma lecture, je la repliais promptement.

—''Ah oui… C’est gentil d’avoir pensé à nous. Pourquoi pas, hein ?

—''Sans indiscrétion, j’ignorais que vous aviez eu deux époux.

—''Si, si. Mais je n’ai pas eu d’enfant avec le second, c’est plutôt mon premier mari qui m’a épousé après son veuvage, avec lequel j’ai eu mes cinq enfants et qui avait déjà eu de ce premier mariage deux filles, dont Gustavine. Oui, les histoires de famille sont toujours un peu compliquées. Mais, vous avez déjà vu Gustavine, il y a un, peut – être deux ans, au repas organisé par son mari dans ce petit restaurant entre Paris et Rouen.

—''J’ai un peu de mal a m’en souvenir, mais soit. Dites – moi, que je m’y retrouve, est -ce bien sa fille qui est confirmée en juin ?

—''Oui, Jacqueline. Elle doit avoir une douzaine d’années si mes souvenirs sont bons. Gustavine a eu deux enfants d’un premier mariage qui s’est soldé par un divorce juste après la naissance de sa seconde fille, en 1792. Elle s’est remariée six ans après, et la dernière fois que je l’ai vu, elle avait eu deux enfants de ce mariage, et peut – être un ou deux autres depuis. Comprenez – vous ?

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