Chapitre 50C: septembre - novembre 1801

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Par la suite, elle ne revint pas nous voir, non pas parce-qu’elle entretenait une quelconque rancune envers Marie, mais plutôt qu’elle était malade. Elle toussait fort et beaucoup, et, épuisée, elle tremblait de façon toujours plus incontrôlable. Son mari venait régulièrement nous donner des nouvelles, lorsqu’il ne se trouvait pas à son chevet. Nous y allions aussi bien sûr, quand Léon – Paul pouvait nous y emmener, mais Marie n'aimait pas trop la voir dans cet état. C'était sans doute idiot, mais elle culpabilisait. De ce fait, nous nous y rendions d'avantage pour permettre à Alice de jouer avec Marie – Léonie, et rompre ainsi l'ennui du jeune enfant laissé aux mains d'une nourrice avec son frère de six ans, le temps qu'il faudrait pour que leur mère guérisse.

Le mercredi, les jours où mon fils restait à la maison, j’étais souvent réveillée avant l’heure par le tintement des couverts sur la table que Jeanne dressait dans le salon, pour le déjeuner. Lorsque nous descendions manger, vers neuf heures, il était souvent sorti se promener, ou alors il fumait sa pipe en relisant ses traités de médecine, rectifiant maintenant qu’il dirigeait un service des mémoires de jeunes médecins. A chaque fois que j’étais déjà assise à table et que je regardais Marie descendre les escaliers sa fille à la main, je me rappelais ce si beau jour que fus leur mariage. Comme la maison était mal chauffée malgré les nombreuses cheminées, nous ne sortions jamais de nos chambres en robe de nuit, et sans avoir couvert nos épaules. Même Alice, deux ans, que je laissais enfiler son habit seule, avait pris cette habitude, lorsqu’elle ne s’était pas réveillée du pied gauche, et en ayant effacé de sa mémoire toute phrase ne contenant pas une négation. C’était moi qui en prenait soin, sans que personne n’en ait vraiment décidé, juste que sa maman s’occupait à plein temps de la petite dernière âgée de seulement six mois et, fatiguée de ces premiers mois de grossesse où elle était souvent malade, elle avait du mal à s’occuper de sa fille énergique et jalouse.

Nous ignorions si nous pourrions fêter la fin de l’année en compagnie d’Alice, de son mari et de ses enfants. Ces longues soirées passées en leur compagnie restaient pour moi de merveilleux souvenirs, qui je l’espérais auraient l’occasion de se renouveler.

C’est au milieu du mois d’octobre que nous reçûmes une visite de la famille Meursault, de nouveau réunie, même si Marie – Léonie, un peu perturbée par ces trois semaines passées isolée de sa mère, rechignait à quitter ses bras, peut – être par peur de devoir de nouveau être séparée d’elle. Alice avait tout de même l’air en meilleure santé, même si elle n’était pas rayonnante de couleurs. Son fils Auguste lui demanda au détour d’une discussion lorsqu’il reverrait son cousin Bernard, et je repensais au fait que Malou n’avait pas donné de ses nouvelles depuis un certain temps. Le soir, j’en touchais un mot à Marie qui ne trouva à me répondre qu’il fallait lui écrire régulièrement et ne pas forcément attendre que les lettres arrivent. Ce que je fis, profitant de la promenade habituel après la messe dominicale pour me rendre au service des Postes et la faire envoyer.

Nous reçûmes rapidement sa réponse, comme si elle attendait juste que je lui écrive.

Louise,

Je suis heureuse de recevoir de vos nouvelles, et que vous ayez pensé à moi malgré la distance qui nous sépare. Armand m’avait juste demandé d’attendre une lettre de votre part pour écrire, ce qui est vite arrivé heureusement. Mes enfants sont en bonne santé, je vous remercie, même si Armand a perdu en juin sa mère qu’il aimait beaucoup, et que notre foyer est en deuil pour au moins un an. C’est particulier, car c’est la première fois depuis notre mariage qu’il est dans cet état, absent, effacé, et irritable notamment avec les petits. Pour ne pas aggraver les choses, je me fait discrète, et je crois que les enfants ont compris l’état d’esprit de leur père et le comportement à adopter, même mes jumelles qui n’ont que seize mois. Marie – Augustine marche depuis un peu avant son premier anniversaire, tandis que Marie – Camille n’a acquis ce progrès que depuis peu de temps. Elle est fragile, mais je sais qu’avec des soins et une attention poussée, elle arrivera à rattraper sa sœur sur la croissance, dont l’écart entre les deux est déjà impressionnant. Ce sont mes petites princesses, elles sont inséparables et elles adorent que je les cajole, que leurs tantes les habillent et leur offre des sucreries. Bernard entrera d’ici quelques mois à l’internat pour garçons qui vient d’ouvrir au grand lycée de Bordeaux, à partir de sept ans. Je suis très inquiète pour mon fils aîné qui n’a encore jamais quitté sa maman. Cependant, ses études sont importantes et mon mari a raison de passer outre mon instinct maternel protecteur, qui voudrait qu’il reste encore à la maison, pour apprendre avec son père.

Sur ce, bonnes bises,

Malou.

Le dimanche huit novembre après-dîner, nous fûmes tous réunis dans le salon de la famille Meursault, pour souhaiter un bon anniversaire à la petite Marie-Léonie, qui avait eu deux ans l’avant – veille.

Par un pluvieux et glacial jour de novembre, alors que je changeais Louise – Marie dans la chambre, j’entendis crier Marie depuis le rez de chaussée. Je recouchais précipitamment le nourrisson dans son berceau, et dévalait les escaliers en laissant le pire défiler dans mon esprit. La tête appuyée contre la table du salon, Marie sanglotait en tordant le papier dans sa main. Quand elle retrouva quelque peu ses mots, je pu savoir que sa sœur Anne venait de mourir dans des circonstances non précisées. Le soir, elle s’effondra dans les bras de son mari, qui fit de son mieux pour la consoler. Le soir venu, les portes claquèrent et le ton monta.

—''Je n’ai même pas pu lui dire au revoir et c’est de ta faute ! Si tu ne m’avais pas emmené vivre aussi loin de Saint – Germain…

—''Arrête Marie. Je sais a quel point cela peut t’être douloureux…

—''Trois ans que l’on vit ici et je suis toujours aussi mal, comprends – tu ?

Cette bribe de conversation me fis prendre conscience de la difficulté pour la jeune femme d’être séparée de son père, son frère et ses sœurs, même encore au bout de plusieurs années. J’espérais juste qu’un tel drame ne se reproduise pas avant qu’elle n’ait digéré celui – ci, car je craignais vraiment qu’elle ne devienne folle et qu’elle finisse par partir.

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