Chapitre 50A: mai - juillet 1801

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Comme elle le faisait toutes les semaines grâce à un nouveau système de transports communs, Alice nous rendit visite avec ses enfants, par une chaude après – midi de mai. Pendant que ma belle – fille était montée répondre aux agaçants appels de son aînée, je lui parlais, en recevant des réponses sans convictions, des hochements de têtes, des soupirs. Quand j’aperçus une fine larme couler sur sa joue, je me rapprochais d’elle.

—''Que se passe t-il Alice ? Pourquoi pleurez – vous ?

Elle sortit son mouchoir et s’en tamponna les yeux.

—''Ne vous inquiétez pas pour moi.

Je restais sceptique, en voyant bien que ça n’allait pas. Quand elle se mit à sangloter, je demandais à Jeanne de lui apporter un verre d’eau. Je tenta de la consoler, mais ce fus difficile vu que j’ignorais ce qu’il lui arrivait. Elle parvint au fait, difficilement, entre deux hoquets.

—''Marie n’arrête pas de critiquer l’éducation de mon fils et ça me fait mal au cœur. Quand je vois celle qu’elle donne à ses enfants…

—''Oh ! Alice ! Je ne vous permet pas. Ma petite - fille est très bien éduquée, Marie fait une très bonne épouse et mère. Comme vous d’ailleurs.

—''C’est ça, essayez de vous rattraper… Je suis convaincue que vous pensez tous la même chose sur moi, que vous me critiquez sans cesse quand je ne suis pas là… Oui, je laisse mon fils lire ce qu’il veut, oui je le laisse s’exprimer librement ! Et alors ?

Elle se tût ensuite, en baissant les yeux, se les essuyant de nouveau. Je restais figée un instant par ce ton si haut que je n’avais jamais connu d’Alice, avant de mettre ça sur le coup de la fatigue. La jeune femme aux cheveux frisés ramena ensuite son fils de cinq ans et demi, qui nous fis la lecture du passage de la Bible qu’il étudiait en ce moment. Marie redescendit avec sa fille peu de temps après, et reçu un regard méprisant d’Alice, qui caressait les cheveux d’Auguste très concentré sur son passage. Les deux femmes ne s’adressèrent pas la parole jusqu’à la fin de l’après – midi et Alice nous quitta sans un sourire, lorsqu’il fus l’heure. J’en parlais avec Marie lors du souper, son mari nous écoutait, l’air étonné.

—''Qu’auriez vous été reprocher à Alice pour qu’elle en vienne à pleurer?

—''J’ignorais que cela la toucherait autant… Je lui ai simplement dit qu’on ne laissait pas son enfant de cinq ans et curieux lecteur feuilleter n’importe quoi. Les livres peuvent être sources d’idées malsaines, surtout chez un aussi jeune garçon.

—''Bon, elle part du principe qu’il ne comprendra que ce qu’il sera en âge de lire. C’est son choix, même si ça me rend également perplexe.

Léon – Paul s’immisça dans notre conversation, bien qu’il n’ait pas assisté au conflit.

—''N’aurais – tu pas été lui tenir des propos plus agressifs ? Pour qu’elle arrive à en pleurer… Après, je ne la connaît pas intimement, c’est peut – être quelqu’un d’émotif.

—''Non, Alice ne l’est pas particulièrement… Après, peut – être a t-elle été blessée par le fait que je reprenne Auguste lorsqu’il tenait des propos indécents. Si c’est cela, alors je trouve qu’elle exagère.

Alice fis une grande pause avec ses visites, et même si nous la croisions chaque dimanche à la messe, nous ne la revîmes à la maison du mois de mai.

En matinée, comme les journées étaient chaudes, nous promenions les deux petites jusqu’au centre – ville de Rouen, en profitant pour effectuer nos commissions et nous rentrions pour le dîner et leur sieste, à la fraîcheur de la maison. Ce jour – là, Alice était fatiguée. Arrivée devant l’église, elle s’assit sur les marches en râlant.

—''Grand – mère… Veux vos bras.

—''Non Alice. Je ne peux vous porter. Ni votre mère d’ailleurs.

—''Pouquoi…

—''Elle est occupée avec Louise – Marie. Je lui tendis ma main. Venez.

L’enfant accepta finalement de me suivre, et de retrouver Marie qui promenait le nourrisson un peu plus loin.

Le soir où mon fils obtint un poste à la hauteur de ce qu’il réclamait depuis notre arrivée à Rouen il y a deux ans, nous trinquâmes en son honneur. Il venait d’être promu médecin en chef du service obstétrique de l’Hôtel Dieu, suite au décès du précédent. Son salaire serait plus conséquent, et il pourrait s’accorder une journée de repos supplémentaire par semaine.

C’est ainsi que Léon – Paul restait désormais avec nous tous les mercredis. Il avait choisi ce jour car ça lui procurait une coupure bien profitable avant les trois derniers jours travaillés de la semaine, jeudi, vendredi et samedi. Il avait en revanche beaucoup plus de travail, des horaires strictes et moins l’occasion d’exercer en qualité de soignant qu’en employeur d’une vingtaine de sages – femmes et médecins accoucheurs. Au début, sa fille Alice s’était étonnée de voir son père en journée, en milieu de semaine, et elle avait même demandé lorsque nous irions à la messe, habituée à le voir le dimanche. Et puis elle nous avait fait part de sa joie de le voir plus souvent, bien qu’il ne lui n’accorde pas énormément d’attention, sans cependant aller jusqu’au désintérêt.

L’été fus étouffant. Alors que par habitude, nous aimions laisser Alice jouer dans le jardin après sa sieste, nous fûmes obligées de nous enfermer pour nous préserver des rayons frappants du soleil. La petite fille ne compris pas tout de suite cette interdiction, voyant le ciel bleu et l’étendu d’herbe jaunie sur laquelle elle pourrait s’amuser, à travers les volets de bois fermés dans le salon. La nuit, les températures descendaient peu, provoquant nos insomnies et la fatigue.

Une nuit de juillet, chaude et peu propice au sommeil, j’avais été sortie de ma somnolence par de l’agitation provenant d’une des chambres. Les yeux grands ouverts dans mon lit, fixant le plafond en sentant la sueur couler dans mon dos, je décidais de me lever. J’allumais ma bougie et en baillant, je posais mes pieds moites sur le parquet tiède.

Flottant dans ma robe de nuit, je déambulais comme un fantôme dans le couloir, et croyant avoir trouvé l’origine du bruit, je collais mon oreille à la porte de la chambre de Marie et Léon – Paul. Ne percevant rien, j’allais vérifier le sommeil d’Alice. A ma grande surprise, elle se trouvait assise sur une chaise près de son lit, et elle frappait un gros livre de bois contre le cadre, morte de fatigue et d’ennui. Je m’approchais d’elle.

—''Eh bien Alice… Que se passe t-il ? Pourquoi n’allez – vous pas dormir ?

—''Papa punie. Veu maman.

—''Oh…

Je l’aidais a retourner dans son lit, et l’embrassais en me demandant bien les raisons de cette sanction excessive pour une si petite fille.

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