Chapitre 49G: janvier - avril 1801

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Marie avait encore quatre mois de grossesse à supporter et tout se passait bien. Alice n’avait pas l’air de s’interroger sur son ventre arrondi, et on ne l’avait pas mise au courant du chamboulement immense qui arriverait bientôt dans sa vie.

Un jour de janvier où Marie avait le moral en berne, une lettre de sa sœur Guillemine pour l’informer de la naissance de son fils Jean – Pierre, le dix décembre dernier, lui rendit le sourire.

Nous pûmes apprendre dans le journal les résultats du recensement de la population française au premier janvier 1801, suite au dépôt de chaque commune de France de ses données, dans une base centralisée à Paris. Nous étions environ vingt sept millions trois cent mille.

Je pris soin d’Alice lorsque sa mère Marie fut alitée, à cause de contractions prématurées à la fin du mois de février. Elle se rongeait les sangs, ne se disant pas capable de surmonter de nouveau la perte d’un enfant. Heureusement, sur les conseils de son mari d’éviter de se lever du lit avant l’accouchement, et les doubles portions pour faire grossir l’enfant, Louise – Marie, Pierrette, Eugénie poussa son premier cri le matin du quatre avril, en excellente santé. Sa sœur aînée avait fêté son deuxième anniversaire trois jours avant, et j’avais décidé de lui faire une surprise, sous le regard fatigué de sa maman, alitée.

—''Allez vous asseoir dans le fauteuil Alice.

La petite s’exécuta sans poser de question. J’allais ensuite vers le berceau, et attrapais délicatement le nouveau – né, qui remua à peine.

Pendant que je m’approchais d’elle, Alice me fixait de ses yeux étonnés. Ce n’est que lorsque je déposais Louise – Marie dans ses bras, qu’elle sourit largement.

—''Mon bébé… Caressa t-elle le duvet qui recouvrait son crâne

—''C’est votre petite sœur. Êtes - vous heureuse ?

Je n’eus aucune réponse de sa part, mais, de plus en plus euphorique, elle voulu se lever pour aller voir sa mère.

—''Ce n’est pas une poupée. Si vous voulez descendre, donnez la – moi.

Elle rechigna à me la rendre, mais les yeux noirs que lui adressèrent Marie depuis son lit la firent lâcher prise. Le soir venu, Léon – Paul découvrit sa fille. C’était son épouse qui l’avait prénommée Louise – Marie car il lui avait fait part pendant la grossesse de ce souhait si une fille naissait. Il lui avait aussi dit que j’avais toujours été très importante dans sa vie et qu’il trouvait cela normal et attentionné de perpétuer un prénom. Quant à moi, j’étais plutôt touchée par cet hommage.

Mon fils paraissait plus détendu et plus heureux qu’à la venue au monde de son premier enfant. Je pense que la naissance de Thomas l’avait assuré qu’il pouvait aussi donner le jour à des garçons, qu’il n’était pas le ‘’père à filles’’ tant redouté.

Les premiers jours de Louise – Marie furent agités par sa grande sœur, qui trépignait à vouloir assister aux tétées et aux changements de langes, s’énervait de se voir refuser un câlin de sa mère ou pleurait en recevant les coups de son père, dont la patience avait été réduite à son minimum par les cris du nouveau – né, nuits et jours. Ce fut une période difficile. La nuit, Marie, encore abîmée de son accouchement, se levait et consolait sa fille pour éviter à Alice, qui dormait pourtant dans une autre pièce, d’être réveillée. Elle aurait bien sûr pu demander à Jeanne de le faire, mais elle avait le berceau juste à côté et cela l’aurait gênée qu’elle pénètre dans sa chambre au milieu de la nuit, qui restait l’endroit de sa plus tendre intimité de couple.

Nous fîmes baptiser Louise – Marie le dimanche dix-neuf avril, en présence de ses parents, et de son parrain et sa marraine, la mère et un des frères d’Alice, qui avaient gentiment accepté, bien que nous ne les connaissions pas, par le biais de la jeune femme.

En décachetant la lettre, ce jour – ci, profitant d’une sieste inespérée de ses deux filles, Marie souriait.

—''Décidément, les sœurs Gillain sont fécondes cette année. Ma sœur Anne vient de mettre au monde un petit garçon. Il s’appelle Henri. Je suis trop heureuse. Quatre cousins nés la même année, à la même période. Il faudrait que l’on ailles les voir, ou qu’on les invite. Qu’en pensez – vous Louise ?

—''Je serais ravie de garder vos filles pour que vous puissiez aller voir votre famille ou de les inviter. Maintenant, ce serait à Léon – Paul qu’il faudrait en parler.

Elle lui en parla le soir venu, mais son mari estimait sa situation d’emploi trop précaire pour se permettre ne serais – ce deux jours de repos exceptionnels. Surtout qu’il était en train d’en réclamer un nouveau, mieux payé, mieux valorisé, s’appuyant sur le diplôme qu’il avait obtenu à la Faculté de médecine de Paris peu avant son mariage.

Léon – Paul décida ce mois d’avril de congédier notre cocher, pour faire des économies. C’était selon lui une chose qu’il aurait dû accomplir dès notre arrivée, mais que les choses de la vie l’avait fait oublié. Son épouse, inquiète, se demandait bien comment il se débrouillerait.

—''Il n’y connaît rien. Il ne sait même pas monter. Comment parviendra t-il à seller, brider et panser un animal qu’il n’a jamais touché ?

—''Il y arrivera, puisqu’il n’aura pas le choix. Et qu’il ne compte pas sur moi, car je n’en sais pas plus que lui. Savez – vous monter à cheval ?

—''Non. Mon éducation s’est limitée à une Bible et un boulier sur ma table de chevet. Mon père m’a enseigné ces bases, pour que je n’arrive pas sotte au mariage me disait t-il. Encore aujourd’hui, je peine à lire ne serais – ce une phrase et je me mélange les pinceaux pour les chiffres entre dix et vingt. Mais ça ne me dérange pas trop dans mon quotidien.

Mon fils était intelligent. Avant de le renvoyer, il avait demandé à son cocher de lui apprendre les bases pour atteler et panser un cheval. Comme il avait toujours été bon élève, et eu une excellente mémoire, cela ne lui posa pas de problème par la suite. Chaque matin, nous le regardions depuis la fenêtre de la cuisine, en buvant notre thé ou chocolat, sortir le cheval de l’écurie, le brosser et soigneusement l’atteler à la petite voiture. Il venait enfin de terminer de payer le crédit qu’il avait engagé pour l’acheter au cocher, il y a cinq ans.

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