Chapitre 86

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- Ça y est. C'est fait.

- Elle l'a vu ?

- Je crois bien, oui.

- Parfait.

D'un petit portefeuille sortirent deux billets orange scintillants.

- Garde ton argent. C'était en souvenir du bon vieux temps.

- Merci, Emma. 

- Tu ne m'as pas dit pourquoi tu tenais autant à ce qu'elle voit cette boutique.

- Elle l'a vue. C'est tout ce qui compte. 

- Et moi, je n'en saurai pas plus ?

- Ça vaut mieux pour toi. 

- Si tu le dis.

Emma-Rose grimaça, un peu déçue.

- Je sais au moins que ça concerne son enquête et que plus d'une personne y est mêlée... tenta-t-elle.

- Oui. Mais tu ne le sais que parce que je n'ai pas eu le choix. Je devais te préparer un minimum avant de t'envoyer dans la gueule du loup.

- Et dire que j'ai joué les tragédiennes parce que je pensais que ce serait plus difficile de la faire parler !

- Elle n'a pas résisté longtemps ?

- Non. On en est vite venu au sujet principal.

Le visage de l'acolyte s'anima et un sourire espiègle étira ses lèvres. 

- Alors la machine est en marche.

Emma-Rose fronça les sourcils.

- Personne ne sera mis en danger, n'est-ce pas ?

Le silence qui servit de réponse déstabilisa l'étudiante - dont les joues ne tardèrent pas à changer de couleur. 

- Bordel de merde ! Tu m'avais dit que tout se passerait bien ! s'écria-t-elle.

- Je t'avais dit que ça faisait parti du plan.

- Si tu te blesses, je ne m'en remettrais pas !

- Alors je ferai en sorte que ça n'arrive pas.

Un baiser sur la joue de la jeune fille accompagna cette résolution.

- Sois gentille et retourne à tes bouquins, maintenant. Si les gens nous voient ensemble, ils risquent de se poser des questions.

- Et on ne le croirait pas... 

- C'est tout l'intérêt de discuter à l'abri des regards.

L'adolescente devint mal à l'aise.

- Et si elle revient m'interroger ?

- Répète ce que tu lui as dit. Tu étais petite et ces gens sont partis depuis trop longtemps pour que tu te souviennes d'eux.

- Et si elle va chercher des réponses ailleurs ?

La seconde personne prit un air grave et son visage se contorsionna.

- Alors il faudra accélérer l'opération. De toute façon, on n'a plus beaucoup de temps.

- Plus beaucoup de temps pour quoi ?

- Je te l'ai dit, il vaut mieux que tu en saches le moins possible. Assure-toi seulement qu'elle continue d'ignorer le nom de chaque commerçant. Tu m'as dit que tu ne l'avais pas renseignée à ce sujet. 

- Mais elle pourrait demander à un proche qui a connu ces boutiques, en commençant par les parents ! D'ailleurs, c'est ce que je ferai, à sa place.

- Ne me parle pas d'eux ! grogna l'autre. On ne peut jamais faire confiance aux parents... Seulement, si elle s'obstine, elle pourrait bien en arriver là. Ça lui ressemblerait...

- Qu'est-ce que je dois faire, dans ce cas ?

- Dis-lui la vérité.

- Quoi ?

- La supérette appartenait aux Alstrom. Tout le monde le sait.

- Tu... Tu es malade ! C'est de la folie !

- Si elle demande confirmation ailleurs, elle sera satisfaite. 

- Et toi, tu te condamneras ! 

- Je prends un risque. Prendre des risques fait partie de mon quotidien, aujourd'hui. Maintenant, ne viens plus m'embêter avec ça. Je considère cette affaire comme réglée. 

- D'accord ! Super ! Excellent ! Et tant qu'à faire, dis-lui ce que tu fais et pourquoi tu le fais !

L'autre personne attrapa le menton de l'adolescente et le tira jusqu'à son oreille.

- Ecoute-moi attentivement. Si tu viens me faire chier - de quelque façon que ce soit -, je crois que je pourrais me mettre très en colère. Et ce n'est jamais joli à voir, quand je suis en colère. 

La lycéenne recula d'un pas quand son acolyte la relâcha. 

- Tu ne me fais pas peur.

- Et tu sais que je tiens trop à notre vieille camaraderie pour le vouloir.

 - Mais tu aimerais sans doute que je t'appelle "capitaine" ?

- Te fous pas de moi. 

- Je suis sérieuse.

- Tout ce qui importe, c'est qu'on reprenne les choses en main avant que ça dégénère totalement.

- C'est vrai ! N'oublions pas la flicaille ! Comme si on n'avait pas assez d'emmerdes...

- Ce sont mes emmerdes, Emma. Pas les tiennes.

- Je joue un rôle là-dedans.

- Tu m'aides. Et tu tiens à moi... Pas vrai ?

La jeune fille soupira, prit les deux autres mains dans les siennes et les serra étroitement.

- Oui. Et c'est pour ça que tu dois tout me dire.

- Je ne peux pas, tu le sais bien.

- Tu ne le veux pas, c'est différent.

- Si tout était plus simple, je t'en parlerais. Mais quand les choses sont trop instables, on doit s'adapter. Constamment. Rappelle-toi quand nous étions enfants. C'était moi qui prenais les décisions parce que tu étais trop timide pour jamais rien tenter. Tu ne crois donc pas que je vais t'éclairer sur tout ce qui se passe ? Sur ce qui pourrait porter atteinte à mes projets ? Tu ne tiendrais pas une journée avant de te plaindre et dire que je n'aurais pas dû te mêler à tout ça. Tu es trop sensible pour commander et donner ton avis sur quelque chose que j'organise depuis des semaines.

L'adolescente se tut, muette de surprise, et abandonna les mains qu'elle tenait.

- Alors je ne serai qu'un pion dans l'échiquier... Après tout ce temps... murmura-t-elle, humiliée.

- La partie est trop complexe pour que je fasse de toi un pion. Je ne suis moi-même qu'une pièce - sans doute un fou. Et je ne supporterai pas, moi non plus, qu'il t'arrive quelque chose - et par ma faute.

- Tu me sous-estimes quand tu dis que je ne peux pas m'occuper de Fanny. Je peux le faire. Je peux tout faire.

- Mais toujours selon mes directives. Et je t'ai justement demandé de t'occuper d'elle. Tu devrais être contente !

- Va te faire foutre ! ne put contenir Emma-Rose.

- Très distinguée... Tu sais quoi ? N'en parlons plus. Je t'ai dit que je considérais la chose comme réglée. J'ai confiance en toi.

- Tant que je suis ton plan, hein ?

- Oui...

L'étudiante poussa un rire sardonique.

- J'ai presque de la peine pour elle... Quelle belle bande de fumiers vous devez faire dans votre putain d'échiquier !

La seconde personne fronça les sourcils.

- Prends garde aux mots que tu utilises, Emma. Si ce n'était pas moi mais un autre membre de ce "putain d'échiquier" - comme tu dis - qui t'écoutait, je ne donnerais pas chère de ta peau. Eh puis, je n'ai rien à voir avec eux. Je suis au-dessus de tout ça.

- Si tu considères la témérité comme une noble différence, alors oui, tu es au-dessus de tout. Mais fais attention, toi aussi. Car quand on s'approche trop près du soleil, on finit par se brûler les ailes. Et si tu ne veux pas que l'on te protège, c'est moi qui ne donne pas chère de ta peau.

Les deux êtres se fixèrent un instant. La tension était palpable, et seul un soupir put y mettre fin. L'acolyte de la lycéenne se força à sourire, puis lui donna une accolade qui rappela leur amitié.

- On s'aime trop pour se disputer, Emma. Et au fond, qui sait ce qu'il adviendra ?

- Personne... Et c'est bien ce qui m'inquiète, chuchota la jeune fille en acceptant finalement l'étreinte. 

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