Chapitre 83

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Avis aux lecteurs, ce chapitre contient du vocabulaire vulgaire. 

« On dit qu'il est doux en amour de changer d'esclavage. Moi m'en détacher ? En aimer une autre ? C'est impossible ! J'ai commencé par elle, je finirai par elle. », Properce, livre I, élégie 12.

Charlotte s'arrêta un moment pour retrouver son calme. Elle se tenait devant la porte du commissariat, hésitant à faire son entrée ; puis, reprenant courage, elle s'engouffra dans l'établissement. L'air y était suffocant. Le système de climatisation avait, à l'évidence, rendu l'âme sans trouver de remplaçant. Elle marcha droit vers l'accueil, se présenta et demanda une entrevue avec l'agent Valcrome. Voyant que son état intriguait le secrétaire, elle rappela son rôle dans l'une des affaires en cours. L'homme souleva alors lentement le combiné du téléphone, tout en gardant un œil sur la jeune fille, et appela le policier. 

- Il va vous recevoir, lança-t-il en mettant fin à l'appel. Au bout du couloir, première porte à gauche. Mais vous connaissez peut-être déjà le chemin. 

Sa moustache se souleva rapidement, révélant un sourire narquois et de vilaines dents jaunes.

- Merci. J'ai effectivement eu ce plaisir, railla l'adolescente avant de se diriger vers ladite pièce.

Elle entra lorsqu'une voix dans la salle le lui commanda, et cessa de respirer en retrouvant le regard inquisiteur de l'interrogateur. Il ne s'efforça pas de se montrer poli, mais exigea d'en venir directement à la raison de sa présence ici. Elle tressaillit, pâle et nerveuse, et prit quelques secondes pour s'exprimer sans avoir l'air ridicule. Difficilement patient, l'agent s'agita sur la table où il s'était à moitié assis, et la fixa d'un œil malintentionné. 

- Il faut m'aider ! s'écria-t-elle en guise de résumé. 

- Et qu'est-ce que tu veux que je fasse ? répliqua l'homme d'une voix cruelle. Elle a décidé de partir, ce n'est plus mon problème !

- Mais elle est en danger !

Le monstre ricana.

- C'est tout ce qu'elle mérite. Je me fiche bien de savoir ce qui peut lui arriver, aujourd'hui. 

Charlotte était au bord des larmes. 

- Vous savez qu'elle est boulimique ?

Le policier la regarda avec étonnement.

- C'est ce qu'elle t'a dit ? 

- Non, mais je ne suis pas aveugle. Je vois bien qu'elle a perdu beaucoup de poids ces derniers temps, alors que ses repas ne consistent plus qu'en gâteaux et sucreries... Je m'inquiète pour elle.

- Bon. Et quel est le rapport avec l'affaire ?

- Je veux que vous la fassiez de nouveau enfermer.

Valcrome fronça les sourcils et croisa les bras avec autorité.

- Qu'est-ce que vous êtes bizarres ! Un jour vous me suppliez de la sortir de là, et le lendemain, vous voulez qu'elle retourne en cellule !

- Mathilde ne sait pas que je suis ici, fit Charlotte en se mordillant les lèvres. Et je crois que la dernière fois que je suis venue vous voir, je n'avais pas les idées claires. J'avais alors agi pour de mauvaises raisons. 

- Et elle, bien sûr, t'a suivi comme un petit chien ! 

- Elle se sentait moins impliquée parce qu'elle n'avait pas les mêmes intentions que moi... 

L'adolescente s'interrompit. Certaine d'en avoir trop dit, elle rougit. Pourtant, la confusion n'apparut pas sur le visage de son interlocuteur, qui se contenta de rire méchamment. 

- Ah oui ! Delaunay m'a dit quelques mots à ce sujet. Osée, d'ailleurs, la scène que tu lui as offerte !

Le visage de la jeune fille devint cramoisi. Reprenant son air dictatorial, l'homme la jugea avec horreur et s'emporta. 

- Je me fous que tu préfères les minous ! Et ne viens pas m'emmerder avec tes histoires de cœur ! Même si je voulais t'aider, je ne pourrais rien faire. L'embarquer maintenant serait incompréhensible pour mes supérieurs qui me demanderaient des comptes ! 

Il contourna la jolie blonde, et posa la main sur la poignée de la porte, prêt à l'enfoncer. 

- Et tu devrais me remercier d'avoir empêché Delaunay de t'enfermer aussi ! Ce n'était pas très malin de lui caresser la chatte en croyant que ça allait te sauver de ce merdier ! Vous êtes vraiment toutes les mêmes, les gouinasses ! Détestant la normalité, vous agissez sans réfléchir, et le sexe devient votre issue de secours ! Tu me dégoûtes, finit-il en la toisant de la tête aux pieds. Vous me dégoûtez toutes.

- Oui, ça saute aux yeux ! répondit Charlotte avec la même condescendance. Mais je ne suis pas venue pour parler de moi. Je n'attends qu'une chose, débrouillez-vous pour faire revenir Sophie.

- Ou quoi ? s'amusa Valcrome.

 - Ou je révélerais à tout le monde le rôle vous avez joué dans cette affaire et votre lien avec...

- C'est une menace ? 

- Un avertissement. Si vous vous opposez à ce que j'exige, je n'aurais pas d'autre choix que... 

- Je te déconseille de faire ça ! grogna l'homme, la folie et la fureur s'étant emparées de ses membres, et son regard assassin réduisant l'impétueuse au silence. Si l'une d'entre vous ose parler, je jure que je vous tuerai, toutes les trois ! Et si ce n'est pas moi, quelqu'un d'autre le fera !

Certain d'avoir assuré ses arrières, la policier poussa un rire terrible et glaçant. Quant à Charlotte, qui savait la menace sérieuse, elle blêmit, et, d'une voix chevrotante, tenta, vainement, de reprendre les rênes de la discussion. 

- Tu n'as pas idée de la chance que tu as d'être toujours en vie ! l'inquiéta de nouveau l'agent. Seulement, le fait est qu'aujourd'hui, je ne supporte plus aussi bien la vue du sang, et je préférerais ne pas en venir aux mains. De même que j'aimerais l'empêcher d'en arriver là. Mais si cela s'avérait nécessaire... 

Il se pencha un peu plus vers le visage décomposé. 

- Tu es jeune. Ne viens donc pas nous causer un souci qui ne t'apportera aucun bien.

- Je n'ai pas peur de vous ! dit-elle en tremblant. 

- Bien sûr que si. Tu connais notre histoire.

- Et je commence à croire que Fanny Rita-Lans le devrait aussi !

Valcrome rejeta la tête en arrière, surpris.

- Vraiment ?

- Oui.

- Tu veux aider la fille que tu as essayé de tuer, que tu détestes et que tu appelles l'Affreuse ?

- Ce n'est... commença Charlotte, prise au dépourvu. On ne voulait pas la tuer. 

- Mais si. Consciemment ou non, on souhaite toujours, un jour ou l'autre, ôter la vie à la personne qui nous inspire les pensées les plus abjectes. 

- Vous savez donc ce que je ressens pour vous.

- Tu as déjà échoué une fois avec une propre à rien. Ne crois pas réussir avec un homme de trois fois ton âge qui a passé la plus grande partie de sa vie à résoudre des crimes et à comprendre leurs exécuteurs. 

- Cela ne vous rend pas intouchable. 

- Eh bien ! J'irai en prison si tu t'obstines à nous mettre des bâtons dans les roues ! Mais n'essaye pas de m'analyser, car tu n'y arriveras pas ! L'intelligence te fait vraiment défaut. Une fois pour toute, contente-toi de brouter des pelouses, foutue lesbienne, et fais-toi oublier ! Sauf si Delaunay te rattrape, et dans ce cas, je serais heureux de te conduire moi-même en taule.  

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