Chapitre 71

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- Il y a vraiment des malades partout.

- C'est clair.

Adossée au mur du couloir, Fanny écoutait discrètement ce que les autres élèves se disaient. L'information d'une jeune femme armée dans le parc de la ville ce week-end avait tourné en boucle sur les médias, et l'adolescente avait été choquée de reconnaître l'inconnue qui les avait bousculées, Amandine et elle, peu avant leur départ du jardin public, comme l'auteure de la tentative d'attentat terroriste. Aucun mort ou blessé n'était à compter, mais les agents de police se trouvaient désormais sur un coup plus gros que la banale enquête de harcèlement scolaire concernant Fanny. Cette vérité était à déplorer, mais Amandine et son amie en étaient sûres ; ce qui bouleversa davantage cette dernière que la mort éventuelle à laquelle elle avait échappé, ce samedi-là.

Madame Rita-Lans avait interdit à sa fille de poursuivre les balades à Loup Vert. Une réaction on ne peut plus maternelle ; mais qui impacta fortement la jeune fille. Sortant rarement pour s'amuser, celle-ci aimait ces grands espaces où la nature régnait en maître. Elle n'y retrouvait pas ses agresseurs, ce qui magnifiait encore plus ces lieux pleins de beautés. Et puis, elle avait fait une rencontre dans ce parc. Bien que cette personne ait fini par la fuir, comme tous ceux à qui Fanny ne parlait pas. Ou peut-être était-ce elle qui la fuyait depuis près d'un mois. L'adolescente était indécise.

Elle ne pensa plus à Luc de la matinée. Mais au déjeuner, le destin décida d'y remédier. Alors qu'elle se dirigeait vers les tables pour se restaurer, elle chercha des yeux celle qui semblait la moins animée, et trembla en découvrant que le garçon s'y était installé. Elle prit sur elle, se racla la gorge, et, d'un pas mal assuré, s'y assit à son tour. Elle croisa le regard du lycéen – qui ne la salua pas -, et simula une attitude parfaitement commune, celle de ne prêter attention à personne tout en se dépêchant de manger pour s'extirper de ce réfectoire grouillant d'individus malveillants à son égard. Elle sentait que Luc l'espionnait, et avait de plus en plus de difficultés à l'ignorer. Au bout d'un moment, elle leva la tête dans sa direction, et déglutit. Le visage peiné de son compagnon était alarmant. Il fit un signe de tête en direction de la place vide qui lui faisait face, et Fanny, après une courte hésitation, y déplaça son plateau.

Luc posa ses coudes sur la table et souffla doucement en fixant l'étudiante. Alors qu'elle croyait ce temps révolu, cette dernière rougit. Elle attendit, incapable d'engager la conversation, que le garçon l'entame.

- Ça fait longtemps... commença-t-il d'une voix rauque.

L'adolescente acquiesça. Que pouvait-elle faire d'autre ? Tout cela restait très gênant, Luc et elle ne s'étant pas adressés un mot - même un texto -, depuis l'anniversaire de Gatien. Elle se reprit, les joues en feu.

- Oui, c'est vrai... Hector n'est pas là ?

- Non. Il est malade.

- Oh ! Qu'est-ce qu'il a ?

- La grippe.

- Mince...

Fanny prit une bouchée de sa purée insipide pour trouver un prétexte à son nouveau silence. Mais le lycéen ne voulait pas en rester là.

- Comment tu vas ? demanda-t-il avec un certain embarras.

- Bien, et toi ?

- Ça va... Enfin, si l'on veut... Tu me manques.

Fanny faillit s'étouffer. Elle porta la main à sa gorge sous l'expression stupéfiée de son voisin.

- Est-ce que ça va ?

La jeune fille prit une gorgée d'eau - encore troublée -, puis sourit.

- Hmm, oui. Un petit os dans la viande, mentit-elle en faisant mine de renfermer quelque chose dans sa serviette.

- Oh, je vois, lança-il. Enfin, ça n'a sûrement rien d'étonnant. On ne sait jamais ce que ces cuisiniers mettent dans leurs plats, haha.

Le rire de Luc n'était pas naturel, et son envie de détendre l'atmosphère se solda par un échec. Au contraire, il sembla que le malaise en fut renforcé. Pourtant, le lycéen ne désespéra pas, et son visage devint plus sérieux quand il reprit courageusement la parole.

- Je crois que la distance que nous nous sommes imposée après l'anniversaire de Gatien était une erreur. Je ne sais pas pourquoi j'ai réagi aussi bêtement, mais maintenant que nous sommes ensemble, je sais que je ne veux pas rester en froid avec toi plus longtemps.

- Je n'ai jamais été en froid avec toi...

Luc haussa les sourcils, perplexe.

- Alors pourquoi tu m'ignorais ?

- Parce que je pensais que tu ne voulais plus me voir ! Tu avais l'air tellement furieux ce soir-là, et puis, tu ne m'as pas envoyé de message par la suite, alors je n'ai pas osé venir vers toi...

Luc baissa les yeux, suspendu un bref instant.

- Je voudrais savoir... dit-il, plus timide et inquiet. Est-ce que vous vous êtes à nouveau embrassés après ça ?

Fanny sentit son cœur battre plus fort, mais tenta de ne pas montrer son agitation.

- Bien sûr que non, assura-t-elle avec tout le calme qu'elle pouvait laisser paraître. Ce n'était que le temps d'un jeu sans intérêt.

Luc souffla malgré lui, soulagé.

- Alors tout ça ne tient qu'à un quiproquo ridicule ? rit-il avec légèreté.

La jeune fille sourit, ravie de retrouver l'attitude avenante de son ami.

- Je le crains.

Les adolescents quittèrent la cantine plus heureux, et passèrent le reste de leur temps libre à se promener autour du lycée. Ils avaient tant à se raconter qu'ils ne virent pas le temps passer, et paniquèrent en constatant que les cours avaient recommencé sans eux. Ils se dirigèrent vers leur classe respective en promettant de s'appeler dans la soirée pour continuer leur conversation, et l'étudiante ne pensa à rien d'autre de tout l'après-midi. Elle oublia Sophie, Mathilde et Charlotte, ne se préoccupa plus de la terroriste qui était en train d'évincer son affaire judiciaire des enquêtes de police pour la sienne, et rêva.

Les étoiles s'alignaient peut-être à nouveau. Et Fanny serait aux premières loges pour en profiter. A la différence que cette fois, elle ne gâcherait pas tout.

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