Chapitre 66

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La scène qui se déroulait dans le bureau du directeur de l'établissement Marie Curie, en ce lundi matin, était digne d'un polar. Les forces de l'ordre avaient débarqué dans le lycée, et les élèves que l'on avait fait demander avaient rejoint le bureau du principal où Fanny et sa mère patientaient déjà. La raison de cette réunion n'échappa à personne. Fanny fixait le proviseur avec désolation. Sophie se rongeait les ongles. Charlotte tirait une grimace effrayée. Mathilde retenait quelques sanglots anxieux. Deux agents gardaient la porte - un homme et une femme. Madame Rita-Lans serrait les épaules de sa fille. Et le directeur tapotait nerveusement les bras de son siège. 

La policière fit quelques pas en direction de la table suzeraine, les mains dans le dos, et plongea son regard sévère dans celui, timide, du principal. 

- Monsieur Dungan, au nom de la loi, nous convoquons les demoiselles Calice, Randome et Dauge à des interrogatoires individuels qui se dérouleront au commissariat pour une affaire de cyberharcèlement concernant une vidéo dans laquelle Fanny Rita-Lans, ci-présente, assure être la victime. 

Fanny ferma les yeux, le cœur battant, le souffle court. Elle ne se rappelait pas avoir connu une situation plus inquiétante que celle qui s'annonçait. 

L'adolescente avait appris la manigance de sa mère la semaine dernière, et ne s'en remettait toujours pas. Elle s'était retrouvée dans un véritable guet-apens, Madame Rita-Lans n'ayant cessé d'insister sur l'importance que son témoignage apporterait à l'affaire, et l'agent Valcrome ayant soutenu les dires de cette dernière. L'étudiante avait d'abord refusé, persuadée que confirmer ce que sa mère avait révélé au policier ne ferait qu'aggraver les choses. Mais Madame Rita-Lans n'était pas du genre à capituler, et avait renouvelé son caprice jusqu'à forcer Fanny à se rendre au poste de police. Elle avait poussé sa fille, frêle et impuissante, dans la voiture ; et, une fois le véhicule garé devant le commissariat, l'avait conduite aux représentants de l'ordre. Le policier Valcrome - qui avait d'abord pris la déposition de Madame Rita-Lans -, s'était montré fortement inquisiteur. La lycéenne avait fini par fondre en larmes, et l'agent Delauney avait remplacé son collègue, devenu affable à force de questions sans réponses. La femme avait tendu un mouchoir à l'adolescente, attendu qu'elle se calme, puis repris l'interrogatoire. Ereintée, Fanny avait fini par céder aux attentes des enquêteurs en reconnaissant les propos déloyaux de sa génitrice, comme un misérable coupable face son crime. Les agents avaient souri - bien qu'étouffant au mieux leur victoire -, arrêté l'enregistrement, et raccompagné Fanny et sa mère en promettant d'envoyer le rapport au procureur dans la soirée. 

La jeune fille n'avait pas tôt fait de rentrer dans la voiture de sa mère qu'elle s'était endormie sur le siège passager avant, puis s'était réveillée en panique chez elle, prenant conscience de son erreur monumentale. Elle avait supplié sa mère de retourner au poste pour changer sa déclaration, mais devant son refus, menacé de se rendre à la ligne de bus la plus proche, avant d'être enfermée dans sa chambre par celle qui était à l'origine de ce nouveau cauchemar. 

Arrogant, Monsieur Dungan prétexta que les demoiselles en question étaient mineures et devaient donc être accompagnées de leurs parents si interrogatoires au commissariat il devait y avoir lieu. Les deux policiers restèrent néanmoins inflexibles.

- Selon l'article 61-1 du code de procédure pénale, nous avons la libre permission de placer tout mineur suspicieux dans une enquête judiciaire, en garde à vue. Nous informerons l'autorité parentale des accusés une fois arrivés au commissariat. 

Le proviseur se triturait les mains. Il ne semblait pas avoir tout compris, mais finit par acquiescer, préférant se taire après avoir bêtement cherché à discuter les droits de la République avec deux agents au profil d'avocats.  

Les policiers Delauney et Valcrome embarquèrent les trois jeunes filles qui, étonnamment, ne ripostèrent pas. 

- Portable ? demanda studieusement la femme.

Les étudiantes donnèrent leur mobile, ou plutôt "arme du crime", à l'enquêtrice dans un calme toujours glaçant. Fanny les suivit ensuite du regard - autant qu'elle tentait de se faire discrète -, quand ses yeux rencontrèrent ceux de Mathilde. Ces derniers reflétaient une lueur de condamnée qui bouleversa la lycéenne. La belle brune ne se montrait pas terrifiante. Son expression n'était pas celle d'une amertume ou d'une vengeance à venir, mais d'un accablement sincère, et surtout, d'une insistance nouvelle. Une insistance qui, pour Fanny, devait avoir un sens caché. C'était comme si Mathilde cherchait à lui faire passer un message, comme si un danger, plus terrible que tout ce qu'elle avait connu jusque-là, se préparait. 

L'adolescente à la chevelure châtaine n'eut pas tôt fait de se ressaisir que l'on emmenait déjà les trois élèves. Dociles, celles-ci gardèrent la tête haute, cherchant à rester dignes malgré les circonstances, et aucune d'elles ne porta de nouveau l'attention sur la malheureuse qu'elles avaient malmenée dans les toilettes, au début de l'année scolaire. 

Bien que la peur des futures représailles ne l'ait pas quittée, la douce Fanny ne put s'empêcher une réflexion très amère.

*Et maintenant, qui sont les victimes ?*

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